Uter Bosence and the Piskey 
Cornouailles  _ Sancreed

Présenté par Lord Blackwood
Traduit par le conteur Armanel

Bosence est un mot d' origine cornique :  BOS "habitation" et "SANS" "saint".

C’est un nom d'habitation près de Land's End en Cornouailles .

C’est aussi un nom de famille à Penzance ,  Hayle ,  St Erth ,  Sancreed ,  St Just ,  Morvah ,  Sennen et St Buryan . 


Il y a un peu plus de trois siècles, une grande partie de la paroisse de Sancreed (à environ cinq kilomètres de Penzance) appartenait à l'ancienne famille des Bosence. Un vieil homme appelé Uter Bosence vivait sur le domaine du même nom.

Ce vieillard était veuf, et avait un fils unique, appelé lui aussi Uter, qui était la fierté et la joie de son père. Le jeune Uter Bosence était connu, dans toute la Cornouaille, comme champion invincible à la lutte, lanceur de javelot le plus expert et cavalier le plus émérite de tout l'Ouest. Mais son passe-temps favori c’était d'apprivoiser les poulains sauvages qui, à cette époque couraient sur les collines et les landes. On disait que le jeune Uter avait une méthode secrète pour les apprivoiser, et qu'en quelques jours il pouvait rendre le poulain le plus sauvage parfaitement docile sans utiliser ni fouet ni éperon; de plus les poulains devenaient si attachés à lui qu'ils le suivaient partout comme des petits chiens.
Le jeune Uter était fiancé depuis longtemps à Pee Tregeer, sa cousine de Saint-Just in Penwith. Pee Tregeer passait une grande partie de son temps à Bosence, pour surveiller le ménage, notamment pendant les moissons et durant les fêtes.
Elle y séjournait, en cette veille de Saint-Jean, pour faire les quelques arrangements nécessaires à son mariage, qui devait avoir lieu dans quelques semaines.

Depuis l'enfance, son frère William Tregeer et Uter étaient plus proches l'un de l'autre que s’ils avaient été frères et non cousins. Ils aimaient tellement se mesurer et s’affronter dans la lutte, la boxe et tous les autres exercices virils, qu'ils se sont souvent meurtris l'un l'autre en s'entraînant pour que chacun puisse être le meilleur homme de sa paroisse. L'après-midi de cette Saint-Jean, il y eut un combat de lutte à Saint-Just. Les deux jeunes hommes étaient présents, chacun étant le champion de sa propre paroisse. Le premier prix, une paire d'éperons en argent, a été remporté par Uter après un combat acharné contre Will Tregeer son cousin. Lanyon, de Tregonebris, remporta le deuxième prix : un chapeau de dentelle d'or, et un autre homme de Sancreed a remporté le troisième prix; une paire de gants brodés. Et tous les hommes de Saint-Just furent bien chagrinés de voir toutes les récompenses partir à Sancreed.

En ces temps-là, chaque fois que de grands groupes de jeunes hommes allaient d'une paroisse pour participer aux jeux organisés dans une autre, la coutume voulait qu’ils emportent leur sliotar avec eux, afin de s'exercer au hurling sur la route. Les garçons de Sancreed avaient alors leur balle avec eux, car ils voulaient garder la main pour le match qui devait être joué entre Sancreed et Buryan le lendemain.

Tregeer et les hommes de Saint-Just proposèrent aux lutteurs victorieux de s’entraîner au hurling avec eux, le soir même, sur la route de Saint-Just à l'église -ville de Sancreed. Les hommes de Saint-Just étaient alors connus pour être les lanceurs les plus experts de tout l'Ouest et avaient remporté les balles de Sancreed et de toutes les paroisses alentour plus d'une fois.
Comme la compétition de lutte s’était terminée bien avant avant la tombée de la nuit, le défi fut accepté, de sorte qu'au lieu de passer la soirée ensemble, comme d'habitude, dans la paroisse où se tenaient les jeux, la balle fut lancée sur la route à St. Just. Grâce à leur vivacité et une bonne connaissance des collines et des landes, les hommes de Saint-Just ont gardé la balle dans leur camp pendant la plus grande partie du chemin. Mais lorsqu’ils arrivèrent à Trannack Downs, l’équipe de Sancreed, s'empara de la balle, et la passa à Uter Bosence, qui, avec le reste de son groupe, connaissait bien le nouveau terrain. Uter traversa tout le pays, par-dessus les rochers et les cairns, à travers les tourbières et les anciens cours d'eau sur les landes, droit vers l'église -ville. Ils posèrent triomphalement la balle dans l'abreuvoir près du porche de l'église bien avant que les hommes de Saint-Just ne sortent des tourbières où ils s’étaient enlisés.

Les hommes de Sancreed étaient assez fiers de leur double victoire (lutte et hurling), et taquinaient les hommes de Saint-Just dans l'auberge du "Bird-in-hand". Les perdants acceptèrent sportivement leur défaite, de sorte que la soirée à l’auberge s’est passée dans une grande joie et une bonne camaraderie jusqu'à près de minuit, lorsque tous ont quitté le pub pour rentrer chez eux, afin de se reposer un peu avant d'aller à Buryan, où les jeux principaux de l'ouest devaient se tenir pour les fêtes de la Saint-Jean.
Uter et les jeunes hommes appartenant à Botrea, Durval, Trannack et autres endroits proches, ainsi que les hommes de Saint-Just, arrivèrent tous ensemble à Botrea. Comme Uter voulait parler en particulier avec Will Tregeer, les deux jeunes hommes s’écartèrent du groupe. Ils restèrent assis un moment, tandis que le reste de leurs camarades se dirigea vers les différents villages sur le flanc de la colline.

Le temps était si calme et l'air si clair que les jeunes hommes pouvaient distinctement entendre la musique sur laquelle on dansait autour des feux de joie sur les collines de Beacon et de Caer Brane. Après que les deux amis eurent dit ce qu'ils avaient à se dire, ils s'attardèrent quelque temps à regarder les jeunes hommes et les jeunes filles, les mains fermement jointes, dansant en cercle autour des feux ardents, ou se tirant l'un l'autre sur les braises, afin d’éteindre les feux en les foulant du pied, sans briser la chaîne, et ceci afin de se porter chance pour l’année à venir. Puis Uter et Will Tregeer essayèrent vainement de compter les feux qu'on voyait flamboyer sur toutes les collines environnantes. Les jeunes hommes, qui attendaient à Botrea, ont appelé Will Tregeer, lui disant que s’il ne se levait pas ils rentreraient chez eux sans lui.
Uter a laissé Will Tregeer partir en disant qu'il pouvait très bien se débrouiller tout seul : il n'était pas éméché, seulement un peu étourdi, car il n'avait bu que quelques chopes de bière pour se rafraîchir après la course. Et il ne voulait pas que Will Tregeer aille plus loin avec lui, car il n'avait que quelques champs à traverser pour arriver chez lui.
Mais après avoir souhaité bonne nuit à Will, Uter s'est souvenu que son père avait accepté d'aller avec Pee Tregeer, sa fiancée, et le reste des jeunes gens au feu de joie sur la colline de Trannack, qu'Uter pouvait voir flamboyer dans toute sa splendeur, avec les jeunes qui dansaient autour. Et Uter avait promis de venir les chercher à Trannack Hill en revenant de Saint-Just, ne s'attendant pas alors à ce qu'un match de hurling le retienne jusqu’à la nuit.

Uter se dit que son père et Pee Tregeer l'attendaient peut-être encore sur la colline. Afin d'y arriver au plus vite, Uter prit à travers les champs de Botrea et de Bosence, droit vers la colline. Il connaissait chaque centimètre de terrain et pensait pouvoir trouver son chemin les yeux fermés.
Lorsqu'il entra dans le champ de Bosence, appelé Park-an-chapel ( le champ de la chapelle), un nuage de brouillard s'élevant des landes (si épais qu'on pouvait à peine voir un mètre devant soi), entoura entièrement Uter et l'ensevelit; pourtant, bien qu'il ne pouvait plus voir les feux de joie, Uter pouvait entendre le chant plus clairement que jamais. Il se dirigea vers une ouverture dans la haie par laquelle il avait l'intention de passer dans le champ voisin. Mais arrivé à la barrière, Uter n'a trouvé aucune ouverture ; il a erré en rond, sans succès; puis il a essayé de franchir la haie dans sa portion la plus basse, mais chaque fois qu’il essayait de l’enjamber, la haie semblait s'élever. Uter a essayé plusieurs fois, mais n'a jamais pu franchir la haie, et à chaque tentative malheureuse, le rire moqueur de piskey résonnait dans ses oreilles.

Uter avait très hâte d'atteindre la colline, et surtout de sortir de ce champ qui avait mauvaise réputation et était boudé par la plupart des gens après la tombée de la nuit. Les plus laids des sprights et des spriggans, et d'autres apparitions étranges, telles que des lumières surnaturelles, ont souvent été vus planer autour des ruines de l'ancienne chapelle qui se trouvait dans ce champ, et partir de là dans toutes les directions.
Uter s'était souvent moqué des histoires de spriggans, de piskeys, de petites gens et de tout le reste de la tribu des fées. Il n’y croyait pas ; et de toutes façons , même s’ils existaient vraiment, il n’en avait pas peur et on l’entendait souvent invectiver et injurier les joyeux et innocents petits êtres, que l'on voit que rarement maintenant. à cause de l'orgueil et de l’incrédulité accrus des hommes.
Uter avait tellement tourné en rond qu'il ne savait plus ni quelle route il suivait ni dans quelle partie du champ il se trouvait, jusqu'à ce qu'il se retrouve parmi les fourrés entourant les ruines ; ici encore il entendit les mêmes moqueries et rires qui provenaient, cette fois, de l'intérieur de la chapelle. Puis il eût l’impression qu’un être en chair et en os le suivait dans la brume. Il s'emporta et menaça de faire sentir le poids de sa botte à quiconque le suivait, dès qu'il pourrait mettre la main sur lui. Sachant maintenant où il se trouvait, et qu'il lui serait facile d'être chez lui en quelques minutes, il s'assit pour se reposer et reprendre son souffle, sur une longue pierre couchée près de la porte de la chapelle en ruine.

Uter était tellement fatigué qu'il préféra passer la nuit là où il était assis plutôt que de continuer son chemin. Il se dit qu’une bouffée de tabac lui serait un grand réconfort (le tabac était alors à la mode et son utilisation était considérée comme une marque de distinction par les jeunes gens de la région). Il sortit son briquet à amadou de sa poche et alluma sa pipe, lorsqu’il entendit toutes sortes de bruits étranges dans la vieille chapelle. Regardant à l’intérieur, il la vit remplie des plus effrayants spriggans qu'on ait jamais vus (toutes sortes de corps aux formes bizarres, surmontés de têtes comme celles des vipères). Les choses laides n'arrêtaient pas de siffler, de darder leurs langues fourchues et de lui cracher du feu et du venin; d'autres exécutaient une danse horrible et faisaient toutes sortes de cabrioles fantastiques sur les murs de la chapelle sans toit, ou pendaient du pignon au-dessus de sa tête, tout en sifflant comme des serpents. Uter se leva pour s'éloigner de ces êtres immondes aussi vite qu'il le pouvait, et il n'était pas plus tôt sur ses pieds qu'il vit près de lui une créature ressemblant beaucoup à un bouc noir, avec des cornes et une barbe de plus d'un mètre de long, avec des boules d'yeux flamboyantes et une queue d’une grande longueur.

Le bouc noir, debout sur ses pattes arrières, dansait en rond, essayant de saisir Uter avec ses pattes avant velues. Uter ne voulait pas danser avec un tel partenaire, mais il pouvait à peine empêcher ses pieds de sautiller au rythme de la musique qui résonnait des collines environnantes. Il était énervé, mais pas effrayé, car il ne craignait rien dans ce monde, . Il essaya d'éloigner la chose (qui devait être un piskey) en frappant ses longues pattes velues avec son gourdin d’aubépine noire. Il n'avait pas plus tôt touché la chose que le gourdin lui fut arraché de la main, ses talons trébuchèrent et il se retrouva allongé sur le dos ; puis il a été envoyé dévaler la colline de plus en plus vite, roulant comme une pierre jetée d’une falaise, jeté par-dessus la haie au fond du champ comme un paquet de chiffons, poussé à travers les ronces et les ajoncs sur la lande, et jeté au-dessus des tourbières et des cours d'eau sur les cornes du piskey; puis il s'envola comme de la poussière sousle vent. Quand il est retombé à terre, il n'a pas pu se reposer un seul instant mais s’est mis rouler et courir jusqu'à ce qu'il ait dépassé la grande route de Botrea, et a été conduit par un piskey ou un démon, contre un haut rocher au pied de la colline de Beacon, où il a été trouvé, inanimé, le lendemain.

Le père et la fiancée d'Uter étaient restés tard sur la colline de Trannack, car le vieil homme aimait se joindre aux festivités traditionnelles qui réunissaient toutes les classes du peuple, ainsi qu'aux jeux virils pour lesquels les hommes de l'ouest étaient autrefois célèbres. En outre, il croyait fermement que danser autour du feu dans une chaîne ininterrompue, les mains fermement liées, le nombre de fois prescrit, puis sauter à travers la flamme et éteindre le feu, lui assurerait bonne chance pour l'année à venir, et était la meilleure protection contre les actes de sorcellerie, le mauvais œil et les nombreuses autres calamités auxquelles nous sommes soumis par les puissances des ténèbres.

Ils n'ont pas été surpris qu'Uter ne soit pas revenu les chercher, car il restait souvent passer la nuit avec Will Tregeer quand il y avait des jeux à St. Just. Le matin, lorsque Tregeer vint à Bosence, n'y trouvant pas Uter, elle ne dit rien pour ne pas alarmer le vieil homme, mais se rendit dans les villages voisins pour s'enquérir de son fiancé, et tous les gens, jeunes et vieux, se dispersèrent par monts et par vaux pour faire des recherches.

Uter fut bientôt retrouvé gisant, apparemment mort, au pied du rocher - la chair de ses côtes presque coupée avec les molettes des éperons en argent qu’il venait de gagner et qu'il portait comme un trophée, suspendus par leurs sangles à la ceinture de cuir qu’il portait à la taille ; les pointes des molettes, longues d'un pouce, lui avaient transpercé la chair jusqu'à l'os quand il avait débaroulé sur près d'un demi-mille. Les boutons d'argent magnifiquement ciselés de son habit étaient tous arrachés. ( La tradition orale veut que ces boutons ont été recherchés et ont continué à être trouvés sur la route d'Uter et du piskey, de nombreuses années après). Uter a été rapidement ramené à la maison. Quand il revint à lui, il raconta comment il avait été maltraité par le piskey. Beaucoup de gens disent qu'il n'a jamais été un homme aussi fort que depuis sa rencontre avec le Piskey. Cependant, il se rétablit rapidement, se maria et ne se rendit ensuite que rarement aux jeux de force après son mariage, mais accorda toute son attention à sa ferme et à sa famille.

 

Il reste encore quelques vestiges de l'ancienne chapelle de Bosence. 
Le site des ruines se trouve à environ un demi-mille au nord-ouest de l'église de Sancreed. Ceux qui souhaitent des vues intéressantes de Mount's-bay graviront la colline Beacon et Caer Brane. Du sommet, le contraste est remarquable sur les collines et les cairns au nord et à l'ouest,et la perspective rurale dans la direction opposée. Un kilomètre plus loin vers l'ouest, allez boire à la fontaine de cristal du puits sacré de Saint-Uny et explorez le fogou (caverne) et la hutte circulaire à proximité,





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