The Laird o' Co'

Ecosse _ Ayrshire

Présenté par lord Blackwood
Traduit par Armanel - conteur


Autrefois, les propriétaires de Colzean (Culzean), dans l'Ayrshire, ancêtres des marquis d'Ailsa, étaient connus  sous le titre de Lairds o' Co', nom donné à Colzean à cause des grottes qui s’ouvraient dans le rocher sous le château.

Le Laird O’ Co’ était un homme affable et très courtois, toujours prêt à aider les villageois et ne supportant pas le malheur qui frappait parfois durement à cette époque.

Aussi, quand un jeune garçon traversa la parc du château en portant un pichet vide et lui demanda la permission d’aller au château pour le remplir de bière pour soulager sa mère souffrante, le Laird O’ Co’ ne lui refusa pas ce service et, tapotant légèrement sa tête, lui dit de se rendre à la cuisine où il trouverait le majordome et de lui dire que Lui, le Laird, lui donnait l’ordre que le pichet soit rempli avec la meilleure bière qui se trouvait à la cave.

Le jeune garçon se dirigea vers la cuisine et s’adressa au majordome à qui il transmit le message du Laird O’ Co’. Le majordome qui connaissait bien son maître, ne mit pas en doute les paroles du jeune garçon et le conduisit vers la cave pour remplir le pichet de bière vide.

Il y avait là une barrique de bière particulièrement excellente et qui était réservée à l’usage exclusif du Laird. Elle avait été ouverte dernièrement et était à moitié vide.

_ « Je vais remplir le pichet avec de la bière de cette barrique. » se dit le majordome. « Elle est à la fois nourrissante et légère à boire. C’est tout ce qu’il faut pour la mère de ce jeune garçon. »

Aussi, le majordome prit le pichet de la main du garçon et commença à verser la bière. Mais quel ne fut pas son étonnement quand il s’aperçut qu’après avoir fait couler plusieurs litres de bière de la barrique le pichet était à trois-quarts vide.

La bière coulait dans le pichet tel un torrent d’ambre clair jusqu’à ce que le tonneau soit entièrement vide, et le pichet n’était qu’à moitié plein.

Le majordome n’y comprenait rien ; il regardait le tonneau, il regardait le pichet, et il se grattait la tête. Il regarda même le sol à ses pieds pour voir s’il n’avait pas tout renversé par terre. Mais non, le sol était bien sec et la bière ne s’était pas répandue par terre.

_ «  Ce pichet est maudit ! » pensa le vieil homme et il sentit ses cheveux se dresser sur sa tête car il avait peur des fées et des sortilège.

_ «  Je vais pas mettre une autre barrique en perce » dit-il au jeune garçon en marmonnant et en regardant le pichet à moitié vide. «  Tu n’as qu’à rentrer chez toi avec ce pichet à moitié vide ; ce sera bien suffisant ! »

Mais le jeune garçon n’était pas d’accord :

_ «  Une promesse est une promesse. Et le Laird a non seulement promis, mais il a aussi donné l’ordre que le pichet soit rempli. Je ne rentrerais pas chez moi tant que le pichet ne sera pas plein ! »

Le majordome essaya, mais en vain , d’amadouer le jeune garçon qui campait sur ses positions ; le Laird avait fait une promesse, avait donné des ordres, et une promesse devait être tenue.

A la fin, le majordome dit au jeune homme de ne pas bouger et se rendit vers son maître pour lui expliquer la situation et lui dire qu’il était convaincu que le pichet était ensorcelé, car après avoir vidé une barrique de bière il était toujours à moitié vide, et que seul le Laird pouvait renvoyer le jeune garçon.

_ «  Impossible ! » dit le Laird. « ce jeune garçon a raison : Une promesse est une promesse, et j’ai promis que je lui ferai remplir son pichet. Je ne peux pas le chasser avec un pichet à moitié vide . Ce pichet doit être rempli à ras bord, même si je dois vider toute ma cave pour tenir ma promesse.

Le majordome ne pouvait pas désobéir , aussi il retourna vers la cave à contrecœur, en secouant la tête car il avait l’impression que son maître était aussi fou que le jeune garçon.

Quand il arriva dans la cave, il trouva le jeune garçon qui attendait tranquillement là où il l’avait quitté, et sans ajouter un seul mot, il perça une autre barrique, prit le pichet et se mit à le remplir.

S’il avait été surpris tout à l’heure, il le fut encore plus à présent, car à peine deux gouttes de bière avaient-elles coulé que le pichet était rempli à ras bords.

_ «  Voilà pour toi, chenapan, et dégage en vitesse avant que je te botte l’arrière-train . »

Le jeune garçon remercia le majordome et s’en alla en sifflotant.


Mon histoire aurait pu s’arrêter là car les années passèrent et se suivirent sans que le Laird O’ Co’ n’est plus entendu parler du jeune garçon. Et puis des soucis bien plus graves ont assombri de nuages noirs l’ambiance dans la demeure O’ Co’ : le laird était parti guerroyer en Flandres.

Le laird qui combattait en Flandres avait été fait prisonnier et condamné à mort. Enfermé loin de son pays, il n’avait personne vers qui se tourner afin de négocier une éventuelle libération et toute évasion semblait irréalisable, voire impossible. La date de son exécution avait été annoncée et il s’apprêtait à passer sa dernière nuit, pensant tristement à sa femme et à ses enfants qu’il n’avait plus d’espoir de revoir un jour. Idem pour le grand et magnifique château de O’ Co’ qui resplendissait dans ses souvenirs, et les grandes prairies fleuries et parfumées qui s’étendaient devant ses fenêtres et où il aimait galoper sur son cheval bai. Sachant sa fin proche, il récapitulait tous les moments importants ou étonnants de sa vie, et il se rappela la visite du petit garçon avec son pichet de bière vide qu’il voulait faire remplir pour sa mère malade.

Cette vision était si prégnante qu’il eut l’impression de voir réellement ce petit garçon debout devant lui et il se frotta les yeux, autant pour sécher les larmes qui coulaient que pour chasser cette vision envahissante.

Mais pendant qu’il faisait cela, il crut entendre la porte de sa cellule s’ouvrir lentement. Le Laird se retourna, et sur le seuil de la porte se tenait le petit garçon des jours anciens, avec l’index posé sur ses lèvres et un petit sourire malicieux qui éclairait son visage.

Laird O’ Co’
lève-toi et pars !

Chuchota- t -il , en lui faisant signe de le suivre.


Ne sachant que dire, le Laird le suivit trop stupéfait pour se poser des questions. Ils suivirent des couloirs longs et sombres, le Laird collé aux talons su petit garçon. Quand ils arrivèrent devant la lourde porte fermée à double tour, le jeune garçon eut juste à poser son doigt sur celle-ci pour qu’elle s’ouvre toute seule et sans bruit ; et ils se retrouvèrent sains et saufs à l’extérieur des murs.

_ «  Grimpez sur mon dos » dit le jeune garçon. «  car vous ne serez pas en sécurité tant que je ne vous aurais pas reconduit au pays. »

Le Laird a obéi et, aussi surprenant et extraordinaire que cela puise paraître, le jeune garçon fut capable de la porter sur son dos, et notre équipage s’enfuit sur terre et sur mer et ne s’arrêta jamais de fuir. Et en moins de temps qu’il me faut pour vous le raconter, ils se retrouvèrent devant le château de Colzean, bien avant que le soleil se lève. Alors le Jeune homme déposa le Laird à terre, puis mit sa petite main dans la grande main du Laird en disant :

_ «  Ae gude turn deserves anither,
Tak’ ye that for being sae kind to mi auld mither. »

Ayant dit cela, il disparut et on ne l’a jamais revu.



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