Principauté
de Coat Méal
par Armanel - conteur
Origines de Coat Méal
Le Castel-Uhel est une motte énorme, présentant à son sommet, jusqu’à la fin du XIX° siècle, trois trous en forme d'entonnoir (Celui du milieu était beaucoup plus important), des traces de constructions fort importantes, et au bas, des douves circulaires très profondes.
Cette Motte
affectait une forme plus ou moins ovale, mesurant environ
cinquante mètres de longueur et quarante mètres dans sa plus grande
largeur. Elle domine le bourg de onze mètres et en est distante
d'environ 120 mètres. La douve du bout Est pouvait avoir 12 mètres
de profondeur. La largeur du fond variait de trois à cinq mètres.
Elle atteignait environ dix mètres à la crête de la
contre-escarpe.
Des
fouilles ont permis de découvrir une partie des anciennes fondations
Au début du XX°
siècle, les fondations sises à l'Ouest étaient demeurées
intactes. On pouvait les découvrir sous la terre labourée, à une
profondeur de 0,80 mètres auprès des bâtiments et à une
profondeur de 2 à 3 mètres à l’ouest du jardin. Les murs avaient
leurs moellons disposés en lits réguliers, réunis par un mortier
jaunâtre, très résistant, ayant toutes les apparences du ciment
romain.
Ces
constructions devaient êtres énormes afin de loger un personnel
nombreux et disposaient d’une écurie de très grande importance, à
en juger par les bâtiments de service, la cour, la route pavée, la
forge.
La
présence, dans la cour Est, de charbon et de pierres calcinées a
beaucoup intrigué. La disposition de nombreuses pierres laisse
croire à l’existence d’une auge, telle qu’on en ménageait,
encore récemment, au bord des grèves, pour brûler le varech et le
transformer en soude. Beaucoup penchent pour l'existence d'une
forge.
Au
Midi de cette cour, existait un passage sans aucune trace de
fondations. Cette sortie donnait sur une route qui remontait vers
l'Est. Cette route portait un pavé, très usé, de 2,50 mètres de
large sur 142 mètres de long. L'usure, égale en tout sens, laisse
croire qu'elle était réservée à des promenades, à des exercices
hippiques.
Ces fondations
et les constructions qui y reposaient datent-elles des romains ou
seulement des Rohan ? Certes, elles ont servi aux Rohan, et elles ont
dû influer sur le partage en trois châtellenies de la vicomté de
Hervé de Léon. Mais l'emplacement, les douves et toutes les
particularités sentent fortement une origine romaine
Castellum était
le nom donné aux enceintes fortifiées si nombreuses en Bretagne, et
c'est le mot castellum que les Bretons ont traduit par Castel. Ces
enceintes étaient construites au croisement des voies et
consistaient en buttes élevées, gardées par une petite garnison
dont le rôle principal était de donner l'alarme, mais qui était
également en mesure d'opposer une résistance, même très
sérieuse.
Toutes
ces caractéristiques se rencontrent au CasteI-Uhel. Cette enceinte
pouvait défendre le croisement de la route de Brest à Tolente et la
route qui menait de Portzliogan à Pontusval.
D'ailleurs,
aucun doute ne peut être émis sur l'occupation romaine de
Coat-Méal, vers le milieu du premier siècle. Outre ces indices
typiques, les noms de Quistinic, de Mouden, de Questel (pluriel
breton de Castel), conservés jusqu'à ce jour à des propriétés
voisines, sont assez significatifs. Enfin, à la fin du XIX° siècle,
une preuve péremptoire a été fournie de l'occupation militaire par
les romains.
A
un kilomètre du Castel-Uhel, non loin de la route de Brest au Castel
Trémazan, dans un champ du village de Lesvern, on s'arrêtait étonné
devant une motte affectant la forme d'une grosse verrue. Elle était
une gêne pour l'exploitation. Cédant aux plaintes du fermier, le
propriétaire, entreprit des fouilles. C'était un magnifique
tumulus, à plusieurs galeries. Outre cinq vases romains de terre
cuite, il renfermait de multiples pièces métalliques.
Au
vu de ces témoignages d'occupation ancienne, Il est donc bien
difficile de ne pas admettre que le Castel-Uhel fut, à l'origine, un
castellum romain.
Aux
environs de quelles dates faut-il situer la construction et la
destruction des bâtiments ?
La construction était certainement
antérieure à 1021,
date du partage du Léon.
Pour
ce qui est de la destruction, on peut émettre bien des hypothèses.
Dans les multiples papiers qui nous restent des Guillaume du Chastel
(milieu
du XVI° siècle),
aucune mention n'est faite du CasteI-Uhel, qui se trouvait sur le
domaine. II habitait un manoir (Kersimoun),
touchant les métairies, à 500 mètres, du Castel.
La
démolition peut fort bien avoir été l'œuvre des guerres de la
Ligue. Une chose est certaine :
Bien
avant les fouilles entreprises de 1920 à 1925, les moellons des
fondations avaient été enlevés du bout Est, jusqu'à une
profondeur de 2 mètres, par endroits. Sur leur emplacement, sortant
d'une couche épaisse de lichen et de mousse, quelques souches,
plusieurs fois séculaires, poussaient péniblement.
Coat-Méal,
Vicomté du Léon
Le
Comté de Léon, au X° siècle, avait exactement les limites de
l'ancien évêché de Léon. Il était divisé en 4
châtellenies:
1.
La châtellenie de Lesneven allait de l'embouchure de la Penzé
jusqu'à l'Aber-Benoît et comprenait 42 paroisses.
2.
La châtellenie de St-Renan, allait de l'Aber-Benoît à l'Elorn, et
comptait 41 paroisses ou Trêves.
3.
La châtellenie du Daoudour consistait en une vingtaine de paroisses,
entre l'Elorn et la Queffleut.
4.
Celle de Landerneau ne possédait que 35 paroisses.
Le comté fut
attribué de la façon suivante :
Morvan,
proclamé roi des Bretons, fut tué par un soldat de Louis Le
Débonnaire en 818.
Il signait : comte de Léon.
Even
Le Grand en 937 donne,
à Landévennec, 12 « Villas » et à Morbret, la terre de
Lanrivoaré. Il signait : comte de Léon. On pense qu'il mourut avant
955.
En 1021,
son successeur, Guyomard I, porte le titre de : Vicomte de Léon. Ses
successeurs portèrent le même titre
Lorsque
Geoffroy II, anglais d'origine, duc de Bretagne par conquête, fut
devenu maître du Léon, il rendit ce comté aux vrais héritiers.
A l'aîné, Guyomard V, fils de Guyomard IV et de
Nobilis, il laissa les châtellenies de St-Renan et de
Lesneven.
Au
deuxième fils, Hervé, il donna tous les fiefs de la maison de Léon
en Cornouaille, les châtellenies de Daoudour, de Landerneau et un
autre fief, taillé dans la châtellenie de St-Renan, qui se nommait
Coat-Méal.
A
la mort de Guyomard IV, 1179,
comte de tout le Léon, Hervé, son deuxième fils et après lui tous
ses successeurs, prirent le titre de Vicomtes de Léon.
La
vicomté de la branche cadette, Hervé de Léon, était divisée en
trois châtellenies :
1.
La châtellenie de Landerneau, centre et chef-lieu de tout le
territoire de la branche cadette. Sur son terrain se trouvait le
fameux castel de la Joyeuse Garde.
2. La châtellenie du
Daoudour qui confinait aux comtés de Tréguier et de Cornouaille.
3. La châtellenie de
Coat-Méal. C'est celle qui nous intéresse présentement.
Vicomté de Coat Méal
La vicomté
consistait en une bande de terre coupant en deux la châtellenie de
St-Renan.
Elle
allait de l'Aber-Benoit à la mer, devant Portsall, comprenant les
paroisses de Coat-Méal, Plouguin, Landunvez, Gwitalmézeau, Plourin,
Trefglonou, Porspoder et Ploë-Avaz (Guipavas}
De
Coat-Méal dépendait le plus beau fief du comté de Léon, le
Castel-Trémazan .
Nous
lisons, en effet, dans une déclaration de la vicomté de Coat-Méal
en date de 1682:
«à
laditte Vicomté appartient le plus proche fief sur la maison et
châsteau de Trémazan, situé en la paroisse de Landunvez, au fief
de Kersent... »
La
même affirmation se lit dans un aveu de 1696: «à
la vicomte de Coat-Méal appartient le proche fief sur le Chastel
situé au tref de Kersent en la paroisse de Landunvez... » .
A
Coat-Méal même, centre de la vicomte, en direction du Bourg-Blanc,
se trouve, la fameuse Motte du Castel-Uhel. Du haut de ce castel,
l'œil embrassait presque toute l'étendue de la vicomté.
«
Cette motte féodale, était défendue par un étang et par un
profond fossé circulaire. Elle était, jadis, surmontée d'une tour.
C'était le chef-lieu de la vicomté de Coat-Méal».
On peut ajouter
que, fort probablement, c'est l'importance du Castel-Trémazan et du
Castel-Uhel qui déterminèrent la branche cadette à créer la
châtellenie de Coat-Méal et à s'en contenter. N'étaient ces
castels, en effet, cette petite bande de terre, si riche soit-elÏe,
serait de bien maigre valeur comparativement aux domaines des autres
branches.
La vicomté de cette branche cadette prospéra jusqu'à
Hervé IV, marié à Catherine de Laval, dernier comte de Léon,
surnommé « Le
Prodigue ».
A la suite d'un procès, il dut aliéner plusieurs domaines de sa
châtellenie. Criblé de dettes, il mourut en 1280.
En 1363,
la dernière héritière de Léon versa son gros héritage dans la
richissime maison de Rohan par son mariage avec Jean, vicomte de
Rohan, seigneur de Châteauneuf-en-Timeraie (au Perche), de
Noyon-sur-Andell (en Normandie) de Landerneau, de Daoulas, de
Coat-Méal, de la Joyeuse-Garde, de la Roche-Maurice, etc...,
etc...
A
la suite d'un procès, le duc de Rohan, tout en restant vicomte de
Coat-Méal, vendit plusieurs terres, dont Kersimoun et Coat-Méal, à
Ollivier II du Chastel, le 22
juin 1437.
Et,
le 21 août de la même année, Ollivier du Chastel fut confirmé par
le duc Arthur III dans le droit « de faire délivrer sa menée, à
St-Renan, le premier, après le vicomte de Coat-Méal, ainsi qu'il
est accoustumé."
De ce fait, Du Chastel devenait le 2° ménéant de Brest et de St-Renan, non pas comme baron du Chastel, mais comme seigneur de Coat-Méal.
Principauté
La vicomté de
Coat-Méal, en 1572,
fut érigée en principauté de Léon, en faveur du grand Henri.
vicomte de Rohan.
Ce
titre a été renouvelé en faveur du seigneur Rohan - Chabot.
En tant que
vicomte de Coat-Méal, le duc de Rohan-Chabot était seigneur d'une
grande partie de la châtellenie et notamment « du Castel-Uhel et du
chasteau et forteresse de Trémazan».
A
partir de 1645,
en tête de tous les actes, mention a été faite des
Rohan-Chabot.
Nous
trouvons aussi mention des barons du Chastel en tête de plusieurs
actes.
Dans le courant
du XVIII° siècle, les biens des du Chastel, dont Coat-Méal,
changèrent plusieurs fois de mains.
En 1714,
nous les voyons achetés 1.100.000 livres par le financier
Crozat.
En 1778,
ils furent revendus 3 millions et demi au Prince de Rohan ; et
finalement, en 1786,
le roi les acheta quatre millions.
Au milieu de ces
transactions, Coat-Méal était resté indépendant, jusqu'à la
Révolution.
«
De toujours, Coat-Méal a esté terre noble, fournissant foi, hommage
et redevance à son seigneur, depuis le chanoine Prieur, jusqu'au
dernier manant»
.
Source: Coat-Méal, principauté du Léon _ F.M. Calvez_imprimerie bretonne_1947
.