MATH Le fils de MATHONWY
Voici la quatrième
partie du MABINOGI
Traduction (et adaptation): Armanel - conteur
1 _ Gilvaethwy et Gwydion
Math, fils de Mathonwy, était seigneur de Gwynedd et Pryderi, fils de Pwyll, règnait sur les vingt-et-un Cantrev du Sud (les sept Cantrev de Dyved, les sept Cantrev de Morganwc, les quatre Cantrev de Ceredigiawn, et les trois Cantrev d'Ystrad Tywi).
A cette époque, Math , fils de Mathonwy , ne pouvait survivre que si ses pieds étaient posés sur les genoux d'une jeune fille vierge, sauf quand il partait à la guerre. La jeune vierge s’appelait Goewin, fille de Pebin de Dôl Pebin, en Arvon. Elle était la plus belle jeune fille connue en son temps.
Math a toujours résidé à Caer Dathyl, en Arvon, mais n'avait jamais pu faire le tour du pays. Ses neveux Gilvaethwy fils de Don et Eneyd, fils de Don, les fils de ses sœurs, le firent à sa place, accompagnés de sa maisonnée.
Gilvaethwy, le fils de Don, est tombé amoureux de Goewin, la jeune fille qui était continuellement avec Math. Il l’aimait tellement qu'il était torturé car il ne savait comment se comporter à son sujet. Et son teint, son aspect et son esprit ont tellement changé à cause de son amour pour elle, qu'il n'était pas facile de le reconnaître.
Un jour, Gwydion, son frère, le regarda fixement.
_ « Jeune homme », dit-il, « que t’arrives-t-il ? »
_ « Pourquoi cette question, » répondit Gilvaethwy, « que vois-tu en moi ? »
_ « Je vois, » dit Gwydion, que tu as perdu ton aspect et ton teint ; qu'as-tu donc ? »
_ « Mon frère vénéré, » répondit Gilvaethwy, « il n’arrivera que du malheur si j'avoue à qui que ce soit ce qui me fait souffrir »
_ « Explique-toi mieux, mon frère adoré? » a répliqué Gwydion.
_« Tu sais bien que Math, fils de Mathonwy, a le pouvoir d’entendre les conversations des hommes, même s’ils chuchotent sur le ton le plus bas possible. Si le vent vient à passer sur cette conversation, il la connaîtra immédiatement. »
_« Tu as raison, » dit Gwydion, « Aussi ne dis rien, je connais tes pensées : Tu aimes Goewin.
Lorsqu'il découvrit que son frère connaissait ses sentiments, Gilvaethwy poussa le soupir le plus lourd du monde.
_« Tais-toi, cher frère, et arrête de soupirer », dit Gwydion « Ce n'est pas ainsi que tu arriveras à tes fins. S’il le faut j’organiserai le soulèvement de Gwynedd, des Powys, et de Deheubarth, afin que tu aies les coudées franches pour kidnapper la jeune fille. Reprends-toi car je ferai tout cela pour toi ».
Puis ils se rendirent auprès de Math, fils de Mathonwy.
2 _ L’échange des cochons
_ « Seigneur », dit Gwydion, « j'ai entendu dire qu'il est venu, dans le sud, des bêtes, comme on n'en a jamais connu dans cette île auparavant. »
_ « Comment s'appellent-elles ? » demanda Math.
_ « Des cochons, seigneur. » dit Gwydion
_ « Et quel genre d'animaux est-ce donc ? »
_ « Ce sont de petits animaux, et leur chair est meilleure que celle des bœufs. »
_ « Ils sont petits, m’as-tu dit ? »
_ « Oui. Et on leur a changé leur nom : Ici, on les appelle des porcs »
_ « À qui appartiennent-ils ? » demanda Math.
_ « A Pryderi, fils de Pwyll ; ils lui ont été envoyés d'Annwvyn, par Arawn, le roi d'Annwvyn. Et il les appelle par les deux noms, tantôt porc, tantôt cochon. »
_ « Vraiment ? », répondit Math, « et comment pourrait-on les obtenir de lui ?
_ « Seigneur, je me rendrais en personne auprès de Pryderi à la recherche des porcs. Nous serons douze comparses, et nous prendrons l'apparence de bardes. »
_ « Mais il se peut que Pryderi refuse de vous recevoir, » dit Math.
_ « Mon voyage sera couronné de succès, seigneur », dit Gwydion, « Je ne reviendrai pas sans les porcs. »
_ « Pars avec ma bénédiction » dit Math.
Alors Gwydion et Gilvaethwy, accompagnés de dix autres hommes, se sont rendus en Ceredigiawn, à l'endroit qui s'appelle maintenant Rhuddlan Teivi, et où se trouvait le palais de Pryderi. Ils entrèrent déguisés en bardes, et furent reçus avec les honneurs. Ce soir-là, Gwydion fut placé à côté de Pryderi.
_ « En vérité », déclara Pryderi, « je serais ravi d’écouter une histoire de la bouche de l’un des bardes qui t’accompagnent. »
_« Seigneur », répondit Gwydion, « notre coutume est la suivante; la première nuit que nous venons à la Cour d'un grand homme, c’est le chef des bardes qui récite. Et c’est avec grand plaisir que je te raconterai une histoire ».
Or Gwydion était le meilleur conteur du monde et, cette nuit-là, il divertit toute la Cour avec des discours agréables et des contes tels qu'il charma tout le monde et que Pryderi fut enchanté de l’écouter.
Quand il eut fini, Gwydion s’adressa à Pryderi :
_« Aurais-tu préféré qu’un autre ait pris ma place pour remplir ma mission envers toi? »
_ « Non », répondit Pryderi, « car tu maîtrises parfaitement l’art de la parole. »
_ « Voici donc, seigneur », dit Gwydion, « le but de ma mission : Je dois revenir avec les animaux qui t’ont été apportés d’Annwvyn. »
« En vérité, » répondit Pryderi, « cela aurait été la chose la plus facile au monde à accorder, s'il n'y avait pas eu un pacte entre moi et mon peuple à leur sujet : Je ne peux ni les donner, ni les vendre, tant que leur nombre n’aura pas doublé ».
_ « Seigneur », dit Gwydion, « je peux te libérer de ce pacte de la façon suivante : ne me donne pas les porcs ce soir, mais ne me les refuse pas non plus. Demain matin je t’offrirai de les échanger contre quelque chose. »
Cette nuit-là, Gwydion et ses compagnons se retirèrent dans leur logement, et ils tinrent conseil.
_ « Ah, mes amis », dit Gwydion, « nous n’avons rien pour offrir en échange des porcs. »
_ « Mais alors », répondirent-ils, « comment pourra-t-on les obtenir ? »
_ « Je vais tout faire pour les obtenir », dit Gwydion.
Gwydion utilisa son savoir, et commença à préparer un charme : Il fit apparaître douze destriers et douze lévriers noirs à poitrail blanc munis de douze colliers et douze laisses, si rutilants que celui qui les voyait ne pouvait douter qu'ils étaient en or. Les chevaux étaient sellés et harnachés, et chaque élément qui aurait dû être en fer était en or, idem pour les brides. Gwydion se présenta devant Pryderi avec les chevaux et les chiens.
_ «Bonjour à toi, seigneur » dit Gwydion.
_ « Que le ciel te protège», répondit Pryderi, « Bonjour à toi aussi. »
_ « Seigneur », dit Gwydion, voici ma solution pour te délivrer de la promesse que tu as faite au sujet des porcs. Tu ne peux ni les donner ni les vendre tant que leur nombre n’aura pas doublé. Mais rien ne t’interdit de les échanger surtout si l’échange t’est profitable ; je te donne ces douze chevaux, tous caparaçonnés avec leurs selles et leurs brides, et ces douze lévriers, avec leurs colliers et leurs laisses et les douze boucliers en or que tu vois là-bas. (Gwydion prit soin de ne pas préciser que c’étaient des champignons qu’il avait transformés avec ses pouvoirs.).
_ «Je dois réunir mon conseil.» répondit Pryderi.
Pryderi réunit ses conseillers qui décidèrent de donner les porcs à Gwydion, en échange de ses chevaux, ses chiens et ses boucliers.
Alors
Gwydion et ses hommes prirent congé et se mirent en route avec les cochons.
_ « Pressons le pas, les amis », dit Gwydion, « il faut
que nous partions vite. Le charme cessera demain à la même heure. L'illusion ne
durera que vingt quatre heures ».
3 _ Le viol de Goewin
Et
cette nuit-là, ils se rendirent sur les sommets de Ceredigiawn, jusqu'à
l'endroit qui s'appelle aujourd’hui Mochdrev (ville des cochons), en souvenir
de cette fuite. Le lendemain, ils firent route par Melenydd, et arrivèrent pour
la nuit à la ville qui s'appelle également Mochdrev entre Keri et Arwystli. De
là ils ont voyagé plus avant ; et à la nuit, ils arrivèrent jusqu'à ce comté
dans le Powys, qui lui aussi s'appelle Mochnant, et ils y restèrent toute la
nuit. Puis ils se rendirent de là au Cantrev de Rhos, et l'endroit où ils se
trouvaient cette nuit-là s'appelle lui aussi Mochdrev.
_ « Camarades », a déclaré Gwydion, « nous devons avancer
vers les forteresses de Gwynedd avec ces animaux, car il y a des armées lancées
à notre poursuite. »
Alors ils se rendirent à la plus haute ville d'Arllechwedd, et là ils bâtirent un abri pour les porcs, et c'est pourquoi cette ville s’appelle Creuwyryon. Après avoir construit la porcherie, ils se rendirent chez Math, fils de Mathonwy, à Caer Dathyl. Quand ils sont arrivés là-bas, le pays se soulevait.
_ « Quelles sont les nouvelles qui circulent ici? » demanda Gwydion.
_ « Pryderi rassemble vingt-cinq Cantrev pour nous poursuivre », ont-ils répondu. _ « C'est merveille que vous ayez pu voyager si facilement. Où sont les animaux que vous êtes allés chercher ? » Dit Math.
_ « Mes hommes ont fait construire une porcherie pour eux dans le Cantrev situé ci-dessous", a déclaré Gwydion.
Là-dessus, ils ont entendu les trompettes et les bruits de bottes dans tout le pays. Ils se sont habillés, se sont mis en marche et se sont rendus à Penardd en Arvon.
Pendant la nuit, Gwydion, fils de Don, et Gilvaethwy, son frère, retournèrent à Caer Dathyl ; et Gilvaethwy se glissa dans le lit de Math fils Mathonwy. Et après avoir chassé les autres demoiselles de la pièce sans courtoisie, il obligea Goewin à coucher avec lui malgré son opposition.
Le lendemain, au point du jour, ils retournèrent à l'endroit où Math, fils de Mathonwy, stationnait avec son armée. Quand ils y arrivèrent, les guerriers se demandaient dans quel district ils devaient attendre la venue de Pryderi et des hommes du Sud. Alors ils ont pris part au conseil. Il y fut décidé d'attendre l’ennemi dans les places fortes de Gwynedd, en Arvon. Ils ont donc pris position au sein des deux baronnies Maenor Penardd et Maenor Coed Alun. C’est là que Pryderi les a attaqués, et c’est là que le combat a eu lieu. Et grand était le massacre des deux côtés ; et les hommes du Sud furent contraints à la fuite. Ils s'enfuirent par l'endroit qui s'appelle encore Nantcall. Mais ils furent poursuivis jusque là, et subirent un grand massacre, de sorte qu'ils s'enfuirent à nouveau jusqu'au lieu appelé Dol Pen Maen, où ils s'arrêtèrent et demandèrent à faire la paix.
En échange d’un accord de paix, Pryderi donna des otages, Gwrgi Gwastra, et vingt-trois autres fils de nobles. Et après cela, Pryderi et sa troupe se rendirent en paix jusqu'à Traeth Mawr; mais tandis qu'ils avançaient vers Melenryd, les fantassins de Gwyned ne purent s'empêcher de décocher leurs flèches.
Pryderi envoya une ambassade à Math pour le prier d’empêcher son peuple de se venger et de le laisser régler toute cette affaire avec Gwydion, le fils de Don, car c’était lui qui était cause de tout. Math s’adressa aux messagers :
_ « En vérité, dit Math, je prends le ciel à témoin que si cet arrangement convient à Gwydion, fils de Don, je l’accepterai avec plaisir. Jamais je n'obligerai personne à se battre, si nous pouvons régler le problème par nous-mêmes de notre mieux.
_ « Pryderi dit, lui aussi, qu'il serait plus juste que l'homme qui lui a causé ce tort l’affronte seul à seul et laisse son peuple en dehors de cette histoire » répondirent les messagers
_ « Je déclare solennellement » déclara Gwydion « que je ne demanderai pas aux hommes de Gwynedd de se battre à cause de moi. Si je suis autorisé à combattre Pryderi moi-même, je m’opposerai volontiers à lui. »
Et cette réponse, ils la rapportèrent à Pryderi.
_« En vérité », a déclaré Pryderi, « je n’ai besoin de l’aide de personne pour revendiquer mes droits. »
Alors Gwydion et Pryderi sont sortis, se sont armés, et se sont battus en duel. Et grâce à la force, la férocité, la magie et les charmes de Gwydion, Pryderi a été tué. Il a été enterré à Maen Tyriawc, au-dessus de Melenryd, et sa tombe se trouve toujours là.
Et les hommes du Sud se remirent en marche dans la douleur vers leur propre pays; ce n'est pas étonnant qu'ils soient attristés, car ils avaient perdu leur seigneur, et beaucoup de leurs meilleurs guerriers, et pour la plupart leurs chevaux et leurs armes.
Les hommes de Gwynedd, eux, repartirent joyeux et triomphants.
_ « Seigneur », dit Gwydion à Math, « ne serait-il pas juste que nous libérions les hommes du Sud qui nous ont été donnés en otage pour la paix ? Nous n’avons plus de raison de les mettre en prison. »
_« Qu’on libère donc ces hommes», dit Math.
C’est ainsi que Gwrgi Gwastra, et les autres otages qui l’accompagnaient, furent libérés pour pouvoir rejoindre les hommes du Sud.
Math est retourné à Caer Dathyl. Gilvaethwy, fils de Don, et ceux de sa maison qui l’accompagnaient, contournèrent Gwynedd sans se rendre à la cour. Math entra dans sa chambre et se fit préparer une place sur laquelle s'allonger, afin qu'il puisse mettre ses pieds sur les genoux de la jeune fille. « Seigneur, lui dit Goewin, cherche une autre jeune fille pour te tenir les pieds, car je suis devenu une femme. »
« Qu'est-ce que cela signifie ? » a répondu Math.
_ « J’ai été assaillie, seigneur, contre mon gré ; j’ai lutté et j’ai crié, et personne à la cour ne pouvait ignorer cette agression. Or, l'attaque a été faite par tes neveux, les fils de ta sœur, Gwydion, fils de Don, et Gilvaethwy, fils de Don ; ils m'ont agressée et t'ont déshonoré. »
_ « En vérité, » s'exclama-t-il, « je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour réparer ce crime infâme. Tout d'abord tu dois recevoir une compensation, ensuite, seulement je me ferai justice. Pour tout ce que tu as subi, je te prendrai pour femme, et je te donnerai la possession de mes domaines. »
4_ Le châtiment de Gwydion et Gilvaethwy
Gwydion et Gilvaethwy n’osaient pas revenir à la Cour, mais restaient aux confins du pays. Alors Math déclara qu'il était, désormais, interdit de leur donner à boire et à manger. Au début, Gwydion et Gilvaethwy ne s'approchèrent pas de Math, mais à la fin ils s'avancèrent.
_« Bonjour à toi.» Seigneur, dirent-ils.
_«Eh bien, est-ce pour me dédommager que vous êtes venus?» Demanda Math
_ «Seigneur, nous sommes à tes ordres.» répondirent-ils
_« Sinon vous, je n'aurais jamais perdu mes guerriers et autant d'armes que j'en ai perdu par votre faute. Vous ne pourrez jamais me dédommager de ma honte, et je ne parle même pas de la mort de Pryderi. Mais puisque vous venez ici pour être à mes ordres, je commencerai immédiatement votre châtiment.
Alors Math sortit sa baguette magique et frappa Gilvaethwy, qu'il transforma en cerf, puis il se saisit immédiatement de Gwydion de peur qu'il ne lui échappe. Et il l'a frappé avec la même baguette magique, et il l’a transformé en biche.
_« Désormais vous êtes liés l’un à l’autre, vous êtes enchaînés. Je déclare que vous avancerez ensemble, que vous serez compagnons, et que vous posséderez la nature des animaux dont vous portez la forme. Allez et ne reparaissez ici que dans un an jour pour jour.
Au bout d'un an, il y eut un grand bruit sous le mur de la chambre de Math, et les aboiements des chiens du palais firent écho à ce bruit sourd bruit.
_« Regardez ce qui se passe à l'extérieur. » dit Math.
_« Seigneur », lui répondit-on, « nous avons regardé ; il y a là un couple de cerfs et un faon ».
Math s’est levé et est sorti. Et lui aussi a vu les trois animaux. Alors il leva sa baguette en disant.
_"Comme châtiment, vous avez été transformés en cerfs l'année dernière. Vous serez un couple de porcs sauvages, pour l'année à venir."
Et là-dessus, il les frappa avec la baguette magique.
_« Je garde votre petit, je le ferai baptiser, et je l’appellerai Hydwn. Partez et soyez des porcs sauvages, tous les deux, et soyez de la nature de porcs sauvages. Allez et ne reparaissez ici que dans un an jour pour jour.
Au bout d'un an, des aboiements de chiens se firent entendre sous le mur de la chambre. La cour s'assembla, et Math se leva et sortit, et quand il sortit, il vit trois bêtes; deux cochons sauvages des bois, et un jeune marcassin bien élevé et très grand pour son âge qui les accompagnait.
_« Vraiment », a déclaré Math, «celui-ci, je vais le prendre et le faire baptiser. » Et il le frappa avec sa baguette magique, et il devint un beau jeune blond aux cheveux auburn, et Math l’appela Hychdwn.
_« Comme châtiment, vous avez été transformés en porcs sauvages l'année dernière, soyez des loups pour l'année à venir. »
Là-dessus, Math les frappa avec sa baguette magique et ils devinrent des loups.
_ "Et soyez de même nature que les animaux dont vous portez l'apparence, et ne reparaissez ici que dans un an jour pour jour."
Un an passa et Math entendit une clameur et des aboiements de chiens sous le mur de sa chambre. Il se leva, sortit, et il vit deux loups et un petit avec eux.
– Ce louveteau, je le prends, dit Math, et je le ferai baptiser ; J’ai déjà un nom pour lui, et c'est Bleiddwn. Et ces trois jeunes-là, ce sont :
- Les trois fils de Gilvaethwy le fourbe
- Les trois fidèles combattants,
- Bleiddwn, Hydwn et Hychdwn le Grand.
Puis Math frappa Gwydion et Gilvaethwy avec sa baguette magique, et ils reprirent leur forme humaine.
_ «Oh,
misérables, dit-il, « le mal que vous m'avez fait a été suffisamment réparé
par votre châtiment et votre déshonneur. » « Que l’on prépare
maintenant un onguent parfumé pour ces hommes, qu’on leur lave la tête et qu’on
leur rende leurs armes. »
Et cela a été fait.
Après avoir été équipés, Gwydion et Gilvaethwy se sont présentés devant Math. _ «Oh misérables, dit-il, vous avez obtenu la paix et vous retrouverez aussi mon amitié. Mais tout d’abord, que pouvez-vous me conseiller, quelle jeune fille dois-je convoquer pour remplacer Goewin .
– « Seigneur », dit Gwydion, fils de Don, « le choix est simple ;fais venir Arianrod, la fille de Don, ta nièce, la fille de ta sœur ».
Quand Arianrod se présenta devant Math, il lui demanda :.
_« Dis-moi, demoiselle, es-tu vraiment vierge ?
_« Je ne sais pas que répondre, seigneur, à part que je suis vierge. »
Dubitatif, Math prit sa baguette magique et la courba.
_ « Enjambe ma baguette, dit Math, et je saurai si tu es vraiment vierge. »
Arianrod enjamba la baguette magique, et un beau garçon aux cheveux blonds apparut aussitôt. Au cri du garçon, Arianrod se dirigea vers la porte. Et aussitôt un autre petit être apparut ; mais Gwydion s’en était emparé avant que quiconque puisse s’en apercevoir, et il avait jeté une écharpe de velours autour et était allé le cacher. Au fond du coffre qui se trouvait au pied de son lit.
_ « En vérité, » dit Math, fils de Mathonwy, « je ferai baptiser ce beau garçon aux cheveux blonds, et je l’appellerai Dylan.
Pour baptiser Dylan, Math le plongea dans la mer. Et dès qu'il fut dans la mer, Dylan en prit la nature, et nagea aussi bien que le meilleur poisson qui s'y trouvait. Et c'est pour cette raison qu’on l’appela Dylan fils de la Vague. Jamais aucune vague ne se brisa sur lui. Le coup qui lui donna la mort lui fut par son oncle Govannon. Le troisième coup porté lui fut fatal.
5_ Le fils d’ Arianrod
Un matin, Gwydion était allongé sur son lit lorsqu’il entendit un cri dans le coffre qui se trouvait à ses pieds ; le cri était si faible et si étouffé que c'était à peine s'il pouvait l'entendre. Gwydion se leva en toute hâte et ouvrit le coffre : et quand il l'ouvrit, il vit un jeune garçon étirant ses bras des plis de l'écharpe, et la rejetant de côté. Gwydion prit le garçon dans ses bras et le porta à une femme qui pourrait l’élever. Et il a convenu avec la femme qu'elle devrait prendre en charge le garçon. Au moins pour un an.
A la fin de l'année, l’enfant semblait avoir deux ans au vu de sa taille. Et la deuxième année, il était si grand, qu’il était capable de se rendre seul à la Cour. Et lorsqu'il arriva à la Cour, Gwydion le remarqua, et le garçon se familiarisa avec lui et l'aimait mieux que quiconque. Ensuite le garçon fut élevé à la Cour jusqu'à l'âge de quatre ans, et il était aussi grand que s'il en avait eu huit.
Un jour, Gwydion partit marcher, et le garçon le suivit. Gwydion se rendait au château d'Arianrod, et le jeune garçon avec lui. Quand Gwydion entra dans la cour, Arianrod se leva pour le rencontrer, le salua et lui souhaita la bienvenue.
_« Que le ciel te fasse prospérer, dit-il.
_« Qui est le garçon qui te suit ? » a demandé Arianrod.
_"Ce jeune garçon, c'est ton fils", répondit Gwydion.
_ « Hélas, dit-elle, qu'est-ce qui te prends pour me faire ainsi honte ? Pourquoi veux-tu mon déshonneur et pourquoi as-tu conservé aussi longtemps la preuve de ma faute? »
_« Si tu ne souffres pas d'un déshonneur plus grand que l’éducation donnée un garçon comme celui-ci, ta disgrâce est petite. »
_« Comment s'appelle le garçon ? » demanda Arianrod.
_"En vérité, il n'a pas encore de nom." Répondit Gwydion, "
_ «Eh bien, dit-elle, je le maudis et je déclare qu'il n'aura jamais de nom tant qu'il n'en aura pas reçu un de moi.»
_ « Le ciel m’est témoin, répondit Gwydion, que tu es une mauvaise femme. Mais je te dis que le garçon aura un nom même si tu t’y opposes. Quant à toi, je sais ce qui t'afflige ; c'est que tu ne t'appelles plus demoiselle. »
Et là-dessus, il sortit en colère, et retourna à Caer Dathyl et y passa la nuit
Le lendemain, Gwydion se leva et emmena le garçon avec lui. Il alla se promener sur le bord de mer entre Caer Dathyl et Aber Menei. Et là, Gwydion vit des carex et des algues, et il les transforma en bateau. Puis avec du bois sec et des carex, il fit du cuir de Cordoue, beaucoup de cuir, qu’il colora de telle manière que personne n'avait jamais vu de cuir plus beau auparavant. Puis il tissa une voile pour le bateau, et ils se rendirent jusqu'au port du château d'Arianrod. Arrivé là, Gwydion se mit à découper des chaussures et à les coudre, jusqu'à ce qu'il se sut observé depuis le château. Et quand il vit que les habitants du château l'observaient, il changea son aspect et celui garçon, afin qu'ils ne fussent pas reconnus.
_ « Quels sont ces hommes dans le bateau là-bas ? » demanda Arianrod.
_ « Ce sont des cordonniers », lui répondit-on.
_ "Allez voir quel type de cuir ils ont et quel genre de travail ils peuvent faire." Ordonna –t-elle.
Une délégation se dirigea vers le bateau où Gwydion était en train de colorer du cuir de Cordoue et de le dorer. Et les messagers sont revenus rapporter ce qu’ils avaient vu à Arianrod.
_ »Eh bien », dit-elle, que l’on prenne la mesure de mon pied et qu’on demande au cordonnier de me faire des souliers. Gwydion lui fit les chaussures, mais volontairement trop grandes. Quand on Arianrod essaya les souliers, elle s’aperçut qu’ils étaient trop grands.
_"Ces souliers sont trop grands", dit-elle, "mais je le paierai quand même. Qu'il en fasse aussi d’autres, plus petits ».
Gwydion lui en fit d'autres qui étaient beaucoup plus petits que son pied, et les lui envoya.
_« Dites-lui que ceux-ci ne conviennent pas à mes pieds, dit-elle.
La délégation retourna au bateau pour répéter à Gwydion les remarques d’Arianrod.
_ « En vérité, répondit Gwydion, je ne lui ferai pas d’autres souliers, à moins que je ne voie son pied. »
La délégation rapporta tout ce que Gwydion avait dit à Arianrod.
_ « Dans ce cas, répondit-elle, j'irai vers lui ».
Alors Arianrod est descendue au bateau, et quand elle est arrivée là-bas, Gwydion façonnait des chaussures et le garçon les cousait.
_« Ah, madame », dit-il, « bonjour à vous. »
_ « Que le ciel te fasse prospérer, dit-elle. « Je m'étonne que tu ne parviennes pas à faire des chaussures selon une mesure. »
_« Je ne pouvais pas », a-t-il répondu, « mais maintenant je pourrai. »
A ce moment, un roitelet se tenait sur le pont du bateau, le garçon lui décocha un coup et le frappa à la jambe entre le tendon et l'os. Arianrod sourit.
_« En vérité, dit-elle, ce jeune lion l'a visé d'une main ferme. »
_ « Le ciel n’est pas avec toi, Arianrod, car désormais cet enfant a un nom. Et c'est un bon nom que tu lui as donné. Désormais, il sera appelé Llew Llaw Gyffes.
Aussitôt, tous ses artefacts ont disparus et repris leur forma primitive d’algues et de carex, et Gwydion a abandonné la carrière de cordonnier. Mais depuis ce temps, il fut appelé le troisième cordonnier aux mains d'or.
_ « Malgré ta ruse, tu n’arriveras pas à me nuire ». Dit Arianrod
_ « Je n’ai pas essayé de te causer du tort » Répondit Gwydion.
Puis il a rendu sa forme humaine au jeune garçon.
_ "Puisqu’il en est ainsi," dit Arianrod, "je vais jeter un sort à ce garçon ; il n'aura jamais d'armes ni d'armures, à moins que ce soit moi qui les lui fournisse."
_ « Je jure, » répondit Gwydion, « que quelle que soit ta malice, il aura des armes. »
Gwydion et le jeune garçon sont allés à Dinas Dinllev, et là Gwydion a élevé Llew Llaw Gyffes, jusqu'à ce qu'il puisse monter n'importe quel cheval, et qu’il soit un jeune homme accompli tant par ses traits que par sa force et sa stature. Quand Gwydion s'aperçut que Llew Llaw Gyffes languissait par manque de chevaux et d'armes, il l'appela à lui.
_ « Ah ! Jeune homme, » dit-il, « nous irons demain faire une expédition ensemble. Sois donc plus joyeux que tu ne l'es ».
_ « Cette nouvelle me réjouit », répondit Llew Llaw Gyffes.
Ils se levèrent au lever du jour, le lendemain matin, et ils prirent la route le long de la côte, jusqu'à Bryn Aryen. Arrivés au sommet de Cevn Clydno ils s'équipèrent de chevaux, et se dirigèrent vers le Château d'Arianrod. Ils changèrent d’apparence, et se dirigèrent vers la porte sous l'apparence de deux jeunes gens, Gwydion paraissant plus mûr que Llew Llaw Gyffes.
_ "Portier," dit Gwydion, "va prévenir ton maître qu'il y a ici des bardes qui viennent de Glamorgan."
Et le portier transmit le message.
_« C’est le ciel qui les envoie, laissez-les entrer », dit Arianrod.
C’est avec grande joie que la nouvelle de leur venue fut accueillie. Et la grande salle fut arrangée, et un repas lut servi. Lorsque la viande fut terminée, Arianrod demanda à Gwydion de narrer contes et histoires. Et Gwydion, excellent conteur, s’exécuta. Et lorsqu'il fut temps de quitter la table, une chambre leur fut préparée, et ils allèrent se reposer.
Il faisait encore nuit quand Gwydion se leva et fit, une fois de plus, appel à sa magie et à son pouvoir. Et, quand l’aube arriva, un tumulte de trompettes et de cris retentit dans le pays. Quand il fit jour, Gwydion et Llew Llaw Gyffes entendirent Arianrod frapper à la porte de leur chambre, en demandant qu'on l’ouvre. Llew Llaw Gyffes se leva et lui ouvrit, et Arianrod entra accompagnée d’une jeune fille.
_"Ah, mes braves," dit-elle, "nous sommes en mauvaise posture."
_« Que se passe-t-il ? » demanda Gwydion, nous avons entendu les trompettes et les cris ; qu’est ce que cela signifie ?
_« En vérité, dit-elle, nous sommes face à une flotte de navires si grande que nous ne pouvons pas voir la couleur de la mer. Et ils se dirigent vers la terre avec toute la vitesse qu'ils peuvent. Que pouvons-nous faire ? répondit Arianrod.
_ « Madame, dit Gwydion, je ne vois pas d’autre solution que de nous enfermer dans le château et de le défendre de notre mieux.
_« Que le ciel vous vienne en aide. Défendez-le ; vous trouverez toutes les armes dont vous aurez besoin. » Ajouta Arianrod
Et là-dessus, Arianrod sortit pour chercher des armes, puis elle revint accompagnée de deux jeunes filles qui portaient des armures pour les deux hommes.
_« Madame, dit Gwydion, accoutrez ce jeune homme, tandis je m'armerai avec l'aide de vos servantes. Dépêchons, j'entends le tumulte des hommes qui approchent »
_ "Je le ferai, avec plaisir." Dit Arianrod.
Alors Arianrod arma complètement le jeune homme, et ce de bon coeur.
_ « Avez-vous fini d'armer le jeune homme ? demanda Gwydion.
_ « J'ai fini », répondit-elle.
_ « J'ai également terminé », a déclaré Gwydion. "Enlevons maintenant nos armes, nous n'en avons plus besoin."
_"Pour quelle raison?" demanda Arianrod. "Entendez l'armée ennemie autour du château."
_ "Oh, madame, il n'y a pas d'armée ici."
_ « Comment, s'écria-t-elle, d'où viendrait donc ce tumulte ? »
_ « Le tumulte n'était là que pour briser ta prophétie et obtenir des armes pour ton fils. Et maintenant il a des armes sans avoir eu besoin de te supplier. »
_« Par le ciel, dit Arianrod, tu es un homme retors. Plus d'un jeune aurait pu perdre la vie à cause du tumulte que tu as causé aujourd'hui dans ce Cantrev. Puisqu’il en est ainsi, je vais jeter un nouveau sort à ce jeune homme ; il n'aura jamais de femme de race humaine ».
« En vérité, dit-il, tu as toujours été une femme vicieuse, et personne ne devrait t’approcher. Mais sache qu’il aura une femme malgré tout.
Gwydion et Llew Llaw Gyffes se rendirent auprès deMath, fils de Mathonwy, et se plaignirent amèrement d'Arianrod. Gwydion expliqua aussi comment il s'était procuré des armes pour le jeune homme.
_« Eh bien, dit Math, nous chercherons, toi et moi, grâce à des charmes et des illusions, à lui créer une épouse à partir de fleurs. Il a maintenant atteint la stature d'homme, et c'est le plus beau jeune homme qui n’ait jamais été vu. »
Alors ils prirent des fleurs de chêne, et des fleurs de genêt, et des fleurs de la douce prairie, et en firent une jeune fille, la plus belle et la plus gracieuse que l’homme n’ait jamais vue. Et ils la baptisèrent et lui donnèrent le nom de Blodeuwedd.
Après qu'elle fut devenue son épouse, et qu'ils eurent festoyé, Gwydion dit,
_ « Il n'est pas facile pour un homme de tenir son rang sans terres. »
_ « C’est vrai, dit Math, aussi je donnerai à jeune homme le meilleur Cantrev en ma possession ».
_ « Seigneur, quel est donc ce Cantrev ? » demanda Gwydion
_« C’est le Cantrev de Dinodig, » répondit-il.
Ce Cantrev s'appelle aujourd’hui Eifionydd et Ardudwy. Et l'endroit où Llew Llaw Gyffes résidait, était appelé Mur y Castell, sur les confins d'Ardudwy. Là, il habitait et régnait, et il était aimé de tous.
6_ Blodeuwedd et Gronw Pebyr
Un jour, Llew Llaw Gyffes se rendit à Caer Dathyl pour rendre visite à Math, fils de Mathonwy. Et le jour où il partit pour Caer Dathyl, Blodeuwedd se promena dans le domaine. Elle entendit le son d'un cor et vit passer un cerf épuisé poursuivi par des chiens et des chasseurs. Et les chiens et les chasseurs étaient suivis par une foule d'hommes à pied.
_ « Envoyez un écuyer, » dit-elle, « pour demander qui est cet homme qui chasse là-bas. »
Alors un écuyer partit et demanda qui ils étaient.
_ "C'est Gronw Pebyr, le seigneur de Penllyn", dirent-ils.
Et c'est ce que l’écuyer a répété à Blodeuwedd.
Gronw Pebyr a poursuivi le cerf, l’a rattrapé près de la rivière Cynvael et l'a tué. Après avoir écorché le cerf et nourri ses chiens, il resta là jusqu'à ce que la nuit commence à tomber sur lui. Et lorsque le jour s'en allait et que la nuit approchait, il se présenta à la porte du palais de Llew Llaw Gyffes.
_ « Nous devons l’accueillir, dit Blodeuwedd, car il dira du mal de nous si nous le laissons partir à cette heure vers un autre pays sans l'inviter. »
_« Oui, vraiment, madame, il sera plus convenable de l'inviter. » dirent les gens du palais
Alors des écuyers allèrent l’accueillir et l'invitèrent à entrer. Gronw Pebyr accepta volontiers l’invitation et Blodeuwedd alla à sa rencontre, le salua et lui souhaita la bienvenue.
_« Madame, dit-il, que le ciel vous rende votre bienveillance. »
Après s’être vêtus pour la soirée, ils allèrent s'asseoir. Et Blodeuwedd observa Gronw Pebyr à loisir, et au premier regard elle tomba amoureuse de lui. Et Gronw Pebyr la regardait lui aussi, et lui aussi tomba amoureux fou d’elle, de sorte qu'il ne put lui cacher ses sentiments, et il lui déclara qu'il l'aimait, ce qui remplit Blodeuwedd de bonheur. Et toutes leurs conversations, cette nuit-là, portaient sur l'affection et l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, et le coup de foudre qu’ils avaient ressenti. Et ils passèrent cette soirée en compagnie l'un de l'autre.
Le lendemain, Gronw Pebyr chercha à partir. Mais Blodeuwedd dit :
_« Je te prie de ne pas t'éloigner de moi aujourd'hui ».
Gronw Pebyr resta une nuit de plus. Et cette nuit-là, ils se sont demandés par quels moyens ils pourraient toujours vivre ensemble.
_« Il n'y a pas d'autre moyen que de t’ efforcer d'apprendre de Llew Llaw Gyffes de quelle manière il est possible de le faire mourir. Et tu dois le faire sous un semblant de sollicitude à son égard.
Le lendemain, Gronw Pebyr a voulu partir.
_ « Je te demande de ne pas m'abandonner aujourd'hui » dit Blodeuwedd .
_ "Sur tes instances, je ne partirai pas", dit-il, "bien que, je dois le dire, il y a grand danger que le propriétaire du palais puisse rentrer chez lui."
_ « Demain, je te permettrai de partir ». Répondit Blodeuwedd,
Le lendemain, Gronw Pebyr chercha à partir, et Blodeuwedd ne l'en empêcha pas.
_"Souviens-toi," dit Gronw, "de ce que je t'ai dit, abreuve-le de paroles, et sous le couvert du badinage de l'amour, découvre par quel moyen on peut le faire mourir."
(A partir d’ici, nous appellerons Llew Llaw Gyffes par le diminutif Llew)
Cette nuit-là, Llew retourna chez lui. Et la journée du lendemain se passa en discussions, chants de ménestrels et en festins. La nuit venue, ils allèrent se coucher, et il parla une fois à Blodeuwedd, puis il lui parla une seconde fois. Mais, jamais, il ne put pas obtenir un mot d'elle.
_ « Qu'as-tu ? demanda Llew, vas-tu bien ? »
_ « Je pensais, dit Blodeuwedd, à une chose que tu n'as certainement jamais pensé à mon sujet ; j'ai peur de ta mort, peur que tu ne partes avant moi.
_ "Je te remercie pour ta sollicitude envers moi", dit-il, "mais je prends le ciel à témoin que je ne suis pas facile à tuer."
_« Pour l'amour du ciel et pour ma tranquillité d’esprit, explique-moi comment tu pourrais être tué. Ma mémoire est meilleure que la tienne, et ainsi je pourrais te protéger. » Dit Blodeuwedd
_ « Bien volontiers, dit Llew. « Je ne peux pas facilement être tué, sinon par une blessure mortelle. Et il faudra une année entière pour fabriquer la lance qui me frappera, car il ne faudra y travailler que pendant le service du dimanche.
_ « En es-tu certain ? » demanda Blodeuwedd.
_ « C'est la vérité », répondit-il. « Et je ne peux pas être tué si je suis dans une maison, où à l'extérieur. Je ne peux pas non plus être tué ni à cheval ni à pied.
_ « En vérité, demanda-t-elle, de quelle manière peux-tu donc être tué ? »
_ « Ecoutes-moi bien, dit Llew . « Il faudrait me construire une baignoire au bord d'une rivière, et mettre un toit au-dessus du chaudron. Et ce toit devra être recouvert de chaume épais et bien étanche. Puis il faudrait y faire venir un cerf, et le mettre à côté du chaudron. Et si pour sortir du bain, je dois mettre un pied sur le dos du cerf tandis que l'autre reste sur le bord du chaudron, quiconque me frappe alors causera ma mort.
_ "Eh bien," dit-elle, "je remercie le ciel qu'il sera facile d'éviter que cela arrive."
A peine Blodeuwedd eut-elle obtenu cette révélation qu'elle la fit parvenir à Gronw Pebyr. Gronw Pebyr travailla dur pour fabriquer la lance, et quand elle fut prête, il lui fit avertir Blodeuwedd. .
_ "Seigneur," dit Blodeuwedd à Llew, "j'ai souvent pensé à ce que tu m'as dit autrefois, et comment cela peur être possible; peux-tu me montrer comment tu pourrais te tenir à la fois sur le bord d'un chaudron et sur un cerf, si je te préparais le bain ? »
_ « Je te montrerai, » dit Lew.
Alors Blodeuwedd envoya un messager vers Gronw, lui expliquant de se mettre en embuscade sur la colline qui s'appelle maintenant Bryn Kyvergyr, sur la rive de la rivière Cynvael. Elle fit aussi capturer tous les cerfs qui vivaient dans le Cantrev, et les fit amener de l'autre côté du fleuve, en face de Bryn Kyvergyr.
Et le lendemain, elle parla ainsi.
_ « Seigneur, dit-elle, j'ai fait préparer la baignoire et le toit, ils t’attendent."
_ « Eh bien, dit Llew, nous irons volontiers les voir.
Le lendemain, Llew et Blodeuwedd sont allés voir la baignoire.
_ « Voulez-vous entrer dans le bain, seigneur ? dit-elle.
_ « Volontiers, », répondit Llew.
Il entra donc dans le bain et se savonna.
_ "Seigneur," dit-elle, "voici les cerfs dont tu parlais."
_ «Eh bien, dit-il, qu’on en prenne un et qu'on l'amène ici.»
Et le cerf a été apporté. Alors Llew se leva de la baignoire, enfila son pantalon et posa un pied sur le bord de la baignoire et l'autre sur le dos du cerf.
Là-dessus, Gronw se leva sur la colline qui s'appelle Bryn Kyvergyr, et posant un genou à terre, jeta la lance empoisonnée et frappa Llew si fort sur le côté, que la hampe est ressortie, mais le fer de lance, lui , est resté dans son corps. Alors Llew s'envola sous la forme d'un aigle en poussant un cri effrayant. Et personne ne savait où il était parti.
Dès son envol Gronw et Blodeuwedd se rendirent au palais et y passèrent la nuit. Puis, le lendemain, Gronw se leva et prit possession d'Ardudwy. Et après avoir vaincu le pays, il y régna, de sorte qu'Ardudwy et Penllyn étaient tous deux sous son empire.
7_ La vengeance de Llew Llaw Gyffes
Lorsque ces nouvelles parvinrent à Math, fils de Mathonwy, la peine et le chagrin s'abattirent sur lui, et encore plus sur Gwydion.
_ "Seigneur," dit Gwydion, "je ne connaîtrais pas le repos tant que je n’aurais pas de nouvelles de mon neveu."
_ "Pars," dit Math, "et que le ciel te vienne en aide »
Alors Gwydion partit et commença sa quête. Il s’est d’abord rendu jusqu'aux confins de Gwynedd et Powys. Ensuite, il se rendit en Arvon, et s’arrêta devant la maison d'un vassal, à Maenawr Penardd, et y passa la nuit. Le propriétaire et toute sa maisonnée lui furent présentés, le dernier de tous étant le porcher. Le propriétaire de la maison dit au porcher:
_ "Eh bien, jeune homme, ta truie est-elle entrée ce soir?"
_ "Oui, dit-il, elle est retournée avec les autres cochons à l'instant."
_ « Et d’où est rentrée cette truie ? demanda Gwydion.
_"Chaque jour, elle sort dès que l'étable est ouverte et personne ne peut l'apercevoir, et on ne sait pas non plus où elle erre sur terre ou sous terre."
_« Acceptes-tu, dit Gwydion, d’attendre que je sois avec toi près de l'étable avant de l’ouvrir demain?
_"Certainement, avec plaisir," répondit le porcher
Cette nuit-là, ils allèrent se reposer ; et dès que le porcher vit la lumière du jour, il réveilla Gwydion. Gwydion se leva et s'habilla, suivit le porcher, et se tint près de la porcherie. Alors le porcher ouvrit la porcherie. Et dès qu'il l'ouvrit, la truie bondit et partit à grande vitesse. Gwydion la suivit, et elle remonta le cours d'une rivière, et se dirigea vers un ruisseau, qui s'appelle maintenant Nant y Llew. Et là, elle s'arrêta sous un arbre et commença à se nourrir. Gwydion vint sous l’arbre, et regarda de quoi la truie pouvait bien se nourrir. Et il vit qu'elle mangeait de la chair putride et de la vermine. Alors Gwydion leva les yeux vers le haut de l'arbre, et il vit sur le haut de l'arbre un aigle, et quand l'aigle se secoua, il en tomba de la vermine et de la chair putride, et la truie les dévora. Et il lui sembla que l'aigle était Llew. Et il a chanté un Englyn :
«
Chêne qui pousse entre les deux rives ;
Bien
sombres sont le ciel et la colline !
Mais,
par ses blessures, je crois deviner,
Que
c'est Llew que je vois à ton sommet?
Sur ce, l'aigle descendit jusqu'à ce qu'il atteigne le centre de l'arbre. Et Gwydion chanta un autre Englyn :
"Chêne
qui pousse dans les hautes terres,
N'es-tu
pas mouillé par la pluie ?
N'as-tu
pas été trempé par neuf vingt tempêtes ?
Tu
portes dans ses branches Llew Llaw Gyffes !
Alors l'aigle descendit jusqu'à ce qu'il fût sur la branche la plus basse de l'arbre, et alors cet Englyn fit chanter Gwydion :
«
Chêne qui pousse sur la pente ;
Immense
et majestueux tu parais !
Je
suis prêt à parier ?
Que
Llew, sur mes genoux, va se poser ?
Et l'aigle s'abattit sur le genou de Gwydion. Et Gwydion le frappa avec sa baguette magique, de sorte qu'il retrouva sa forme humaine. Personne n'a jamais vu un spectacle plus pitoyable, car il n'avait que la peau et les os.
Puis Gwydion alla à Caer Dathyl, où on lui amena les meilleurs médecins de Gwynedd, et avant la fin de l'année Llew fut tout à fait guéri.
_ "Seigneur," dit Llew à Math, fils de Mathonwy, "il est temps maintenant que j'aille châtier celui par qui j'ai souffert tout ce malheur."
_ « En vérité, dit Math, il ne pourra jamais rester en possession de ce qui est ton droit. »
_ "Eh bien," dit Llew, "plus tôt j'aurai mon droit, plus tôt je serai content."
Alors ils rassemblèrent tout Gwynedd et partirent pour Ardudwy. Gwydion les précédait et s'est rendu à Mur y Castell. Et quand Blodeuwedd apprit qu'il arrivait, elle prit ses servantes avec elle et s'est enfuie dans la montagne. Elles traversèrent la rivière Cynvael, et se dirigèrent vers une prairie qui se trouvait sur la montagne. Elles avaient si peur qu’elles ne purent avancer que le visage tourné en arrière, de sorte qu’elles tombèrent dans un lac, et furent toutes noyées sauf Blodeuwedd. Et c’est là Gwydion la rattrapa. Et il lui dit :
_ « Je ne te tuerai pas, mais je te ferai pire que cela. Car je te transformerai en oiseau; et à cause de la honte que tu as faite à Llew Llaw Gyffes, tu ne montreras plus jamais ta face à la lumière du jour ; et cela par peur de tous les autres oiseaux. Car ce sera dans leur nature de t'attaquer et de te chasser d'où qu'ils te trouvent. Et tu ne perdras pas ton nom, mais tu seras toujours appelée Blodeuwedd ».
Pour cette raison, Blodeuwedd est devenu le nom du hibou dans la langue de ce temps, et pour cette raison le hibou est honni par tous les oiseaux. Et même maintenant, le hibou s'appelle toujours Blodeuwedd.
Pendant ce temps, Gronw Pebyr s’était retiré à Penllyn, et, de là, il envoya une ambassade. Et les messagers qu'il envoya demandèrent à Llew s'il accepterait des terres, un domaine, de l'or, ou de l'argent, en compensation du préjudice qu'il avait reçu.
_« Le ciel m’est témoin que Je ne le ferai pas,», dit-il. «Voici, ce que je lui propose; qu'il vienne à l'endroit où j'étais quand il m'a blessé avec la lance, et que je me tienne là où il était, et que je le vise avec une lance. Et c'est là, la moindre des choses que j'accepterai. »
Et cela fut dit à Gronw Pebyr.
_«Mon Dieu, dit-il, faut-il vraiment que je fasse cela ? Mes fidèles guerriers, et ma maisonnée, et mes frères adoptifs, n'y en a-t-il pas un parmi vous qui prendrai ma place ? »
_ « Personne ne le fera », répondirent-ils.
Et à cause de leur refus de subir un seul coup pour leur seigneur, ils sont, depuis, appelés la troisième tribu déloyale.
_ "Eh bien," dit Gronw Pebyr, "je vais le rencontrer."
Gronw Pebyr et Llew se rendirent tous les deux vers les rives du fleuve Cynvael, et Gronw se tint à l'endroit où se trouvait Llew lorsqu'il le frappa, et Llew à l'endroit où se trouvait Gronw. Alors Gronw Pebyr dit à Llew :
_ « Puisque c'est par les ruses d'une femme que je t'ai fait ce que j'ai fait, je t'adjure par le ciel de me laisser placer, entre moi et la lance, l’ardoise que tu vois là-bas sur la rive du fleuve.."
_ « En vérité, dit Llew, je ne te refuserai pas cela. »
« Ah, dit Grown, que le ciel te récompense. «
Alors Gronw prit l’ardoise et la dressa entre lui et la lance.
Llew lança la lance qui perça l’ardoise et traversa également Gronw, de sorte qu'elle lui transperça le dos. Et c'est ainsi que Gronw Pebyr fut tué.
L’ardoise est toujours sur la rive de la rivière Cynvael, à Ardudwy, percée d'un trou. Et c'est pourquoi cet endroit s'appelle encore aujourd'hui Llech Gronw.
Llew Llaw Gyffes reprit possession de sa terre et la gouverna avec prospérité. Et, d’après l'histoire, il régna ensuite sur tout Gwynedd.
Et c’est ainsi que se termine cette branche du Mabinogi.