Les marins fantômes
Lilia / Plouguerneau
Armanel - conteur
A Lilia, comme un peu partout sur la côte bretonne, les hommes étaient moitié marins pêcheurs, moitié paysans et moitié goémoniers. En cumulant ces trois activités, ils arrivaient, bon an mal an, à faire chichement leur famille.
Pour exercer leur activité de goémonier, ils étaient obligés de respecter des lois et des décrets contraignant concernant les dates et lieux de cueillette. Les goémoniers de Plouguerneau allaient au Nord vers Carantec et l’île de Batz, tandis que ceux de Lilia se dirigeaient vers les îles qui entourent Molène.
Hervé Laurans, jeune pêcheur-Goémonier de Pors-Gwenn se rendait sur l’ilôt appelé « l’île aux chrétiens » pour son activité de pigouiller. Il s’y rendait à bord du canot d’un cousin à lui.
La traversée de retour était dangereuse car le bateau, plein à ras-bord, émergeait à peine des vagues et les naufrages étaient nombreux, avec leur lot de disparus en mer.
Cette année-là, Hervé et Pôl Laurans revenaient de leur « saison » avec un canot rempli de pains de soude. Ils avaient choisi, un jour de mer calme pour revenir à terre. Mais la mer est souvent traîtresse. Si la traversée des Keleier Portsall s’était faite sans encombres, le vent s’est mis à forcir quand ils doublaient le Libender. Nos deux marins hésitaient : Continuer vers Porz Gwen ou chercher refuge dans le port abrité de Lilia.
Ils étaient là, en train d’hésiter quand ils virent deux hommes monter à bord de leur canot. Il s’agissait de deux noyés qu’ils ne purent pas reconnaître car ils étaient à moitié décomposés. Un des noyés, celui qui semblait le plus âgé prit la barre du navire et mit le cap vers le nord.
Hervé et Pôl Laurans n’osèrent pas intervenir et il avaient de plus assez d’occupation à essayer de calmer leur cheval qui était effrayé par ces présences étrangères.
La navigation dura jusquà ce que le canot fut face au Roc’h Pelguent et bifurqua en laissant Beg Ar Spins à main gauche pour aller s’échouer sur le sable de Prz Gwen.
Dès qu’il fût certain que le canot ne risquait plus rien les deux noyés disparurent. Hervé et Pôl Laurans jetèrent l’ancre sans mal et remercièrent intérieurement les deux noyés pour l’aide qu’ils leur avaient apportée. Plus tard, quand ils parlèrent de leur aventure, on leur répondit que ce devaient être deux pêcheurs disparus en mer qui cherchaient un moyen de rentrer au port.