Se rendre au contenu

Les facéties de Tom Lothian

Lanarkshire

Traduction : Armanel - conteur

 

I. La vache blanche

 

Arrivé à l’âge adulte, Tom Liothan, se croyait plus malin et plus intelligent que son père et il a décidé qu’il n’était absolument pas question pour lui de rester travailler à la ferme paternelle de Glenboig.

Il s’est donc lancé dans le commerce des animaux et s’est mis à vendre des vaches puis des chevaux. Puis il s’est lancé dans le commerce de fournitures et de vaisselle chez les brasseurs et les marchands de spiritueux, jusqu'à ce qu'il fasse faillite et ne pouvait même plus se payer la corde pour se pendre. Tom s’est donc retourné vers sa famille pour trouver quelque subsistance. Il savait que sa grand-mère était très riche.

Mais malgré toutes ses demandes répétées, elle ne voulait rien lui donner. En colère contre cette dernière, Tom cherchait un moyen pour se venger d’elle : La vieille femme avait une vache noire, bonne laitière, qu’elle faisait paître derrière sa maison. Un soir, Tom s’est dirigé vers le champ, a attrapé la vache noire, et est allé la cacher dans une vieille maison en ruine, isolée près du Garnquenn Loch. Il l’a gardée là deux ou trois jours, lui donnant à manger et à boire le soir, quand il faisait nuit, et a fait croire à sa grand mère que quelqu'un avait volé la vache pour la vendre au marché d'hiver de Gartcosh, ce qui fut assez pénible pour la vieille femme qui se désolait de la perte de sa vache. Alors, elle a demandé à Tom d’aller à la foire, pour lui en acheter une autre et elle lui a donné trois livres pour ce faire. Tom a accepté avec beaucoup de reconnaissance, et a promis de lui acheter une autre vache aussi belle et bonne laitière que la bête volée.

Puis Tom est retourné dans la vieille maison en ruine. Il avait pris un grand morceau de craie et s’est mis à le broyer aussi fin que de la farine, puis il l’a fait tremper dans un peu d'eau et en a frotté le corps de la vache, ce qui lui a donné une toute autre apparence. Le lendemain matin, Tom s’est rendu à la foire de Gartcosh avec sa vache blanche et s’est arrêté dans un pub à quelques pas de la foire où il a passé la journée jusqu'à la fin de la foire, puis il a ramené la vache chez sa grand-mère. Dès qu'elle reconnaît la maison, la vache se met à meugler comme à son habitude, ce qui réjouit la vieille femme, qui croit entendre sa propre vache. Mais quand elle voit Tom avec une vache blanche, elle soupire et dit :

_ « Hélas ! Tu ne seras jamais comme Black Lady, ma gentille vache Noire. Pourtant, bien que tu lui ressembles si peu, j’ai cru la reconnaître quand je t’ai entendue. »

Tom se disait tout bas :

_« C'est une chance que tu ne comprennes pas ce qu'elle dit, sinon tout irait de travers pour moi. »

Deux ou trois jours plus tard, la vieille femme a décidé d’envoyer paître sa vache, avec le bétail de ses voisins. Mais ce jour-là, il est tombé une forte pluie qui a lavé le visage et le dos de la vache. Et le soir, Black Lady rentra chez la vieille femme, tandis que la vache blanche avait disparu sans qu'on entendît plus jamais parler d'elle.

Mais le père de Tom, soupçonnant une combine louche de son fils, a observé attentivement la tête de Black Lady et a vu des traces de craie qui n'avaient pas été enlevées. Il a donné une bonne raclée au pauvre Tom et l’a renvoyé chercher fortune, le corps tout meurtri.

 

II. Le cercueil

 

Tom n’était pas parti bien loin, mais il réfléchissait à la manière de gagner un peu d'argent sans trop se fatiguer. Tout à coup une idée un peu saugrenue a germé dans son esprit : Il s’est procuré une ficelle dont la longueur correspondait à la taille de sa mère et il s’est rendu à Édimbourg chez un menuisier qui connaissait ses parents. Quand le menuisier lui a demandé comment allaient ses parents, Tom a répondu, tristement :

_ «  J’ai perdu ma chère mère la nuit dernière, et je suis ici avec une mesure pour le cercueil. »

Puis Tom part et traîne quelque temps dans les parages avant de revenir chez le menuisier

_ «  Je ne sais pas quoi faire, car mon père m’a ordonné d'aller chercher de l'argent auprès d'un homme qui habite dans un Toft près du Royal Mile, mais il est absent pour la journée.

Le menuisier lui a demandé de combien il avait besoin, et Tom a lui a répondu : une guinée et demie.

Avant de le quitter, Tom lui a demandé de se rendre le lendemain à onze heures avec le cercueil, à Glenboig afin de récupérer son argent. Puis Tom s’est rendu dans une taverne où il a passé une soirée agréable avec l'argent du menuisier.

Le lendemain matin, le menuisier et ses deux apprentis se sont rendus à Glenboig avec le cercueil. Sur la route, ils ont rencontré la mère de Tom, qui les a salué et leur a demandé où ils allaient avec ce beau cercueil. Ne sachant trop quoi dire car il était surpris de la voir en vie, le menuisier a fini par lui dire que son fils avait apporté la mesure du cercueil la veille et lui avait pris une guinée et demie, avec laquelle il devait, soi-disant, acheter quelques provisions pour les funérailles.

_ « Oh ! Le coquin ! » dit-elle, « il m’a encore joué un tour ? »

Le maître a récupéré l'argent prêté auprès du père de Tom, et autant pour sa peine, et a du retourner à Edimbourg avec le cercueil

 

III. Le champ de blé

 

De nouveau à la recherche d’argent facile à gagner, Tom s’est rendu au port de Leith parmi les journaliers, et là, il en a loué une trentaine, en leur disant qu’il les embauchait pour une semaine entière de travail à dix pence par jour (ce qui était deux pence de plus que le tarif normal). Cela faisait dire aux pauvres ouvriers qu'il était un maître honnête, généreux et distingué, comme ils en rencontraient peu. Afin de mettre en confiance Tom les a tous emmené dans une taverne où il leur a donné un copieux petit déjeuner.

_«Ecoutez-moi bien, a dit Tom, vous êtes nombreux et vous venez tous de régions différentes. Vous ne vous connaissez pas, et bien que je pense que vous êtes tous honnêtes, je ne sais pas s'il y a parmi vous des coquins. Cette nuit, vous dormirez tous ensemble dans la même grange, je propose donc à ceux d'entre vous qui ont de l'argent sur eux de me le donner afin de le mettre en sécurité. Je noterai ce que je reçois de chacun de vous dans mon cahier avec vos noms, et vous récupérerez tout samedi soir, en même temps que vous recevrez votre salaire. »

_ « Oh, très bien, c’est une très bonne idée, voilà le mien ; prenez le mien », disaient tour à tour chacun des ouvriers.

Certains lui donnèrent cinq, six, sept et huit shillings, d’autres tout ce qu'ils avaient gagné pendant la récolte des moissons, soit près de sept livres sterling.

Tom, ayant récupéré tout leur argent, les a accompagnés jusqu'à Blackford à environ cinq kilomètres de la ville. Arrivé devant un champ de blé sur pied, certes un peu vert, mais néanmoins pratique pour son projet, car situé à une certaine distance de toute habitation, il les a mis au travail en leur disant qu'il allait commander le dîner et chercher ses propres domestiques pour qu’ils viennent les aider.

Tom est alors parti aussi vite qu'il put, mais par un chemin différent pour entrer en ville de peur d'être suivi et surpris.

Lorsque le propriétaire du champ de blé a vu une telle équipe dans son champ, il se demanda ce que cela signifiait. Le fermier à qui appartenait le blé est venu en courant et en leur criant de s'arrêter. Mais ils refusèrent, jusqu'à ce que ce dernier se mette à les frapper, car il était dans une grande colère, car le blé n'était pas encore mûr. Finalement, à force d'arguments et devant la foule de paysans qui s'approchaient d'eux menaçants, les pauvres journaliers furent convaincus qu'ils s’étaient fait avoir, ce qui les décida à repartir, en colère conte Tom et pleurant sur leurs économies volées.

 

Deux ou trois jours plus tard, alors que Tom descendait Canongate Road à Édimbourg, il rencontra un de ses ouvriers, qui l’a reconnu et a exigé le remboursement de son argent plus une compensation.

_« D’accord, d’accord », a dit Tom, « venez avec moi. J’ai remis tout l’argent au gardien de la prison afin qu’il soit en sécurité. Allons à la prison et vous aurez votre argent et une compensation.»

Tom et l'ouvrier se rendent donc à la prison. En route Tom avait acheté une bouteille de bière et il sert un verre à chacun, puis il prend le geôlier à part, comme s'il allait lui réclamer l'argent, et lui dit :

_« Cet homme est un grand voleur. Moi et deux de mes camarades sommes à sa recherche depuis trois jours. Je viens de le trouver dans la rue mais le  mandat de recherche est avec mes camarades. Si vous gardez ce coquin ici pour que je coure les chercher, vous aurez une guinée de récompense.»

_« D’accord », dit le geôlier, « allez-y, je vous le garderai.»

Et Tom s'est enfui en laissant le pauvre innocent et le geôlier se débattre, et est parti aussitôt pour l'Angleterre.

 

IV. Tom au Northumberland

 

En quittant son pays natal, Tom s’est rendu à Loansdean dans le comté de Northumberland où, mettant de côté sa fierté et renonçant à ses rêves de grandeur, il s'est engagé chez un vieux fermier avare. Il y est resté plusieurs années, accomplissant très bien son devoir, même s'il jouait parfois des tours à ceux qui l'entouraient.

Mais son maître avait une fâcheuse habitude : il ne permettait pas d'allumer de bougie pour éclairer la table du repas du soir, les empêchant ainsi de savoir ce qui était servi. Un soir, Tom s'est assis à côté de son maître, et comme ils allaient tous se jeter sur le plat, il a plongé sa cuillère au cœur de la soupière, là où la soupe était la plus chaude, et en fourra une cuillerée dans la bouche de son maître.

_« La peste vous étouffe, vous n’êtes qu’un coquin ! » s'écria son maître, « car j'ai la bouche toute brûlée.»

_« La peste vous étouffe, vous qui êtes le maître ici ! » a répondu Tom, « car vous gardez votre maison aussi sombre que le Purgatoire. J'allais manger ma soupe et je me suis trompé de chemin, car il faisait trop sombre. Ne croyez pas, maître, que je sois assez fou pour vous nourrir alors que j'ai ma propre bouche à remplir. »

Aussi, à partir de cette nuit où Tom brûla la bouche de son maître avec la soupe brûlante, ils eurent toujours une bougie pour éclairer le souper, car son maître ne voulait plus manger dans l'obscurité tant que Tom était présent.

 

Dans cette maison, il y avait une servante qui, lorsqu'elle faisait les lits, oubliait toujours de faire celui de Tom et le laissait le faire lui-même.

_« Très bien », se disait Tom, « je travaille dur toute la journée et je ne vois pas pourquoi elle me traite de cette façon. J’ai réussi à dompter le maître pour les repas du soir, et je jure que bientôt je n’aurais plus mon lit à faire.»

Le lendemain, Tom s’était levé de bonne heure pour aller charruer le grand champ. La matinée était déjà bien entamée et son travail avançait bien quand il a vu son maître sortir de la maison pour le rejoindre. Dès que ce dernier est arrivé à sa hauteur, Tom a laissé les chevaux et la charrue dans le champ et s'est dirigé vers la maison. Son maître lui a demandé :

_« Qu' est-ce qui se passe? Y a t il quelque chose de cassé sur la charrue?»

_ « Non, non », a répondu Tom ; « mais je rentre faire mon lit ; il n'a pas été fait depuis deux semaines. Et maintenant c'est presque l'heure où la servante fait le lit des autres, alors je vais faire le mien aussi.»

_« Non, non », a dit son maître, « va à ta charrue, je vais parler à la servante et je la ferai faire ton lit chaque jour.»

Et c’est ainsi que Tom a obtenu gain de cause.

 

V. Le veau gras

 

Un jour, un boucher est venu de Morpeth acheter un beau veau gras au maître de Tom. Tom a déposé le jeune veau sur l'encolure du cheval, devant la selle du boucher. Lorsque ce dernier a disparu à l’horizon, Tom a dit :

_ « Ecoutez-moi, maître, je vous parie que je suis capable de voler le veau au boucher avant qu'il ne soit éloigné de trois kilomètres d’ici ? »

Son maître a répondu :

_« Pari tenu ! Je te donnerai une guinée, si tu y arrives. »

_ « Affaire conclue », a dit Tom.

Sur ce, Tom est rentré dans la maison, a pris une bonne chaussure en cuir épais de son maître et a couru à travers champs, jusqu'à ce qu'il dépasse le boucher, près du coin d'une haie, là où se trouvait un chemin ouvert et détourné. Puis, Tom s’est placé derrière la haie et a jeté la bonne chaussure en cuir épais au milieu de la route. Lorsque le boucher est arrivé sur son cheval, son veau devant lui, il s’est dit :

_« Tiens, voilà une bonne chaussure en cuir épais! Si j’étais capable de remonter le veau sur mon cheval, je m'arrêterais bien pour la ramasser. Mais que ferais-je d’une bonne chaussure en cuir épais si je n’ai pas la deuxième pour faire la paire ? »

Il a donc continué donc sa chevauchée et a laissé tomber l’idée de ramasser la chaussure. Tom s’est alors glissé furtivement hors de la haie, a ramassé la bonne chaussure en cuir épais de son maître et a couru à travers champs, jusqu'à ce qu'il dépasse le boucher. A une autre ouverture dans une haie, à environ un demi-mille de là, il a de nouveau jeté la bonne chaussure en cuir épais au milieu de la route. Quand le boucher est arrivé il a vu la bonne chaussure en cuir épais et s’est dit : *

_« Maintenant, si je ramasse cette chaussure et si je reviens sur mes pas j'aurai une bonne paire de chaussures en cuir épais. Cela me remboursera une partie du voyage»

Le boucher descend de cheval, pose le veau par terre, attache son cheval à la haie et revient en courant, pensant prendre l'autre bonne chaussure en cuir épais. Sur ce, Tom détache les pattes du veau, fouette le veau et prend la bonne chaussure en cuir épais que le boucher avait déposée à côté du veau, et il revient à la ferme, pour réclamer le prix de son pari. Ce que son maître ne pouvait refuser, car il avait gagné et bien largement.

Le pauvre boucher, ne trouvant pas la première bonne chaussure en cuir épais, est retourné à son cheval et, ne retrouvant pas le veau, ne savait que faire. Mais pensant que le veau avait cassé la corde qui liait ses pieds, et s'était enfui dans les champs, il a passé la journée à le chercher parmi les haies et les fossés. Tard le soir et il est retourné chez le maître de Tom, avec l'intention de repartir à sa recherche le lendemain, et leur a fait un récit complet de la façon dont il l'avait perdu le veau à cause d'une maudite paire de chaussures. Le boucher disait qu'il croyait que c’est le diable qui avait déposé la bonne chaussure en cuir épais sur son chemin et avait emporté le veau et les chaussures avec lui, mais il lui était reconnaissant d'avoir laissé son vieux cheval pour le ramener à la maison.

Le lendemain matin, Tom s’est mis au travail : Il a pris un grand morceau de craie et s’est mis à le broyer aussi fin que de la farine, puis il l’a fait tremper dans un peu d'eau et en a frotté le corps du veau, ce qui lui a donné une toute autre apparence. Puis il l'a apporté dans la cour de la ferme et l’a vendu au boucher, ce qui a beaucoup amusé son maître et les autres serviteurs, qui voyaient le boucher racheter son propre veau. À peine était-il parti avec le veau que Tom a dit :

_ « Ecoutez-moi, maître, je vous parie que je suis capable de voler à nouveau le veau avant que le boucher ne soit éloigné de trois kilomètres d’ici ? »

_« Non, non », dit son maître, « je ne parierai plus avec toi ; mais je te donnerai un shilling si tu réussis. »

_« Parfait», a dit Tom.

Et Tom a courut à travers champs jusqu'à ce qu'il dépasse le boucher, et arrive tout près de l'endroit où il lui avait volé le veau la veille. Là, il s'est allongé derrière la haie, et, au passage du boucher, il mit sa main sur sa bouche et s’est mis à meugler comme un veau. Le boucher, entendant cela, jure que c'est là le veau qu'il avait perdu la veille. Il descend, pose le veau qu’il venait d’acheter à terre et franchit la haie en toute hâte, pensant n'avoir plus qu'à le ramasser. Mais, pendant qu’il passait par un trou dans la haie, Tom passait par un autre et prenait le veau sur son dos, et franchissait la haie de l'autre côté de la route. Puis marchant à travers champs, il est revenu à la ferme le veau sur le dos, tandis que le pauvre boucher perdait son temps, courant de haie en haie, de trou en trou, à la recherche du veau.

Alors, le boucher, retournant à son cheval et constatant que son deuxième veau avait disparu, conclut que c'était l'œuvre d'un esprit invisible habitant ce coin de terre, et rentra chez lui en déplorant la perte de son veau.

De retour chez lui, Tom lava le corps blanc du veau volé, et son maître envoya un ouvrier dire au boucher de venir acheter un autre veau, ce qu'il fit quelques jours plus tard. Tom lui vendit le même veau une troisième fois, puis il lui raconta toute l'affaire telle qu'elle s'était déroulée, en lui rendant son argent.