Les Chats de l'île de Man

île de Man

Collecté par Lord Blackwood

Traduction Armanel-conteur


 

Si vous vous êtes déjà rendus sur l’île de Man, vous vous êtes peut-être posé des questions au sujet des animaux particuliers que l’on peut y rencontrer. Je ne veux pas parler des Loaghtan : moutons de petite taille à quatre (voire six) cornes, car après tout il n’y en a pas beaucoup et donc, ils donnent une touche « exotique » à vos selfies.

Non, aujourd’hui, je veux vous parler des Manx : les chats sans queues de l’île de Man. Une tradition orale  anglaise tenace attribue ce caractère à la pingrerie des habitants de l'île qui, lors d’un hiver très rigoureux, auraient coupé la queue de leurs chats. Car ainsi ils pouvaient refermer la porte de leur maison plus vite sur les chats, ce qui évitait que trop de chaleur ne s'échappe dehors, et ainsi économiser le bois de chauffage

Mais les saxons ne savent pas tout, et sont facilement enclins à critiquer leurs voisins.

La vérité vraie, la voici. 

Il faut remonter des milliers d'années en arrière. A cette époque, dans l'île de Man, il y avait une race de chats renommée pour la longueur phénoménale et la beauté de leurs queues. Les chats avaient des robes courtes et épaisses, somme toute banales, mais la fourrure de leurs queues était longue, frisée et de multicolore, et cette distinction en faisait des chats extraordinaires. Les chats en étaient bien conscients et ils en étaient très fiers : Dès leur plus tendre enfance, ils accordaient une attention et un soin particuliers à la toilette de leur queue.


A l’époque dont je vous parle, les gens qui habitaient l'île de Man étaient régulièrement en conflit avec quelques chefs de clans irlandais qui faisaient des incursions dans l'île, mettant à mort des centaines d'hommes et emmenant les femmes et les enfants en captivité. Les habitants de l’île étaient d’une race pacifique, tout à fait étrangère à la guerre et aux pillages. Au début, les habitants de l'île de Man n'opposèrent que peu de résistance aux Irlandais et ne surent pas se mettre en ordre de bataille quand ils cherchèrent à se défendre, mais peu à peu ils apprirent l'art de la guerre et leurs guerriers finirent par devenir aussi cruels et féroces que les Irlandais eux-mêmes, et portèrent même la guerre dans le pays de leurs ennemis.

 

Dans les combats, les irlandais de plumes de coqs en guise de panache à leurs casques. Désireux d’avoir des troupes aussi bien équipées que celles de ses ennemis, un des gouverneurs de l’île de man se dit que des queues de chat, de l'espèce particulièrement splendide portée par leurs propres chats, auraient un effet extrêmement impressionnant fixées aux casques de leurs guerriers, et il donna immédiatement l'ordre de se procurer un grand nombre de queues. En moins d'une semaine, la population des chats avait considérablement diminué. Cependant, il y avait encore beaucoup de guerriers sans plumet, et la chasse continua avec la même vigueur dans toute l’île.


Pendant cette chasse éperdue, une chatte, qui savait qu'elle allait bientôt avoir des chatons, et voyait avec angoisse le sort tragique de ses amis et parents, décida de fuir la folie humaine et, monta péniblement tout en haut de la plus haute montagne de l'île de Man. Là, elle se terra dans un fourré impénétrable. Là, elle mit ses petits au monde et elle les nourrit en attrapant les oiseaux et les petits animaux qui fréquentaient les flancs de la montagne, tout en se faisant la plus discrète possible.
Mais à quoi bon élever des chatons avec tant de soins, si c’est pour les voir tuer quand ils deviendront grands et vagabonderont dans des régions les plus éloignées de l'île. Alors, elle prit une seconde décision qui lui coûta beaucoup, car elle était fière de sa race et de la queue distinctive. Elle prit une résolution irrémédiable; elle coupa avec ses dents la queue de tous les chatons, quelques jours après leur naissance, si bien qu'il ne leur resta pas le plus petit moignon.
Ses six chatons grandirent et devinrent gras dans leur nid dans le fourré, et comme aucun d'eux n'avait de queue, ils regardaient celle de leur mère et la prenait pour un jouet mis là tout exprès pour eux. La chatte se demandait souvent si ses chatons ne lui feraient pas de reproches quand ils iraient rendre visite à leurs parents de la plaine et verraient que leurs cousins avaient tous des queues magnifiques, et cela la chagrinait énormément.


Comme ils commençaient à chasser eux-mêmes, les chatons trouvèrent qu'il était très facile et moins fatiguant de s'asseoir et de se laisser glisser le long du flanc de la montagne plutôt que de courir, et ils devinrent extrêmement habiles dans l’art de la glissade.
Le résultat immédiat de cet exercice original fut qu'ils acquirent tous les six un derrière très rond et poli et que leurs pattes de derrière devinrent plus longues et plus fortes que leurs pattes de devant ; ils développèrent  une démarche sautillante originale qui leur était très utile quand ils remontaient les flancs de la montagne pour rentrer chez eux.


Puis vint le jour où leur mère décida qu'elle ne pouvait plus remettre davantage leur présentation à leur clan et elle  les emmena dans la plaine chercher le chef de clan et lui faire ses humbles excuses pour la liberté qu'elle avait prise avec la queue ancestrale... mais quand, fière de sa belle portée, mais cruellement honteuse de ce manque de queue, elle les conduisit dans la plaine, elle découvrit qu'elle n'avait plus de parents... Ils avaient été tous massacrés pour fournir des plumets aux guerriers du gouverneur.


Et c’est ainsi que ses chatons sont devenus les ancêtres de tous les chats de l'île de Man. ECar, voyez-vous, quand ses filles furent en âge de se marier, la vieille chatte leur révéla ce qu'elle avait fait,et leur fit jurer qu'elles, à leur tour, couperaient en secret la queue de tous les chatons qu’elles auraient ; et, plusieurs générations plus tard, tous les chatons naissaient sans queue. Chaque chatte recevait deux instructions de la part de sa mère. Premièrement couper la queue  si un chaton naissait avec une queue, deuxièmement encourager ses chatons à faire des glissades sur l’arrière-train. Et au bout d'un siècle environ, ce conseil devint inutile, car tous les chats de l'île de Man naissaient sans queue, et sautaient comme des lapins.