Le rêve de RONABWY
Traduction (et adaptation): Armanel - conteur
Madawc, fils de Maredudd, règnait sur Les Powys dont les frontières s’étendaient de Porfoed à Gwauan, dans les hautes terres d'Arwystli. A cette époque, il avait un frère, nommé Iorwerth, fils de Maredudd, d’un rang inférieur au sien. Iorwerth en était très chagriné et jaloux des honneurs et du pouvoir dont jouissait son frère, et qu'il ne partageait pas. Un jour, Iorwerth réunit ses pairs et ses frères adoptifs, et prit conseil auprès d’eux afin de chercher à résoudre cette injustice. Ils décidèrent d'envoyer une partie d’entre eux en ambassade afin de demander une audience pour lui. C’est ainsi que Madawc proposa à Iorwerth la charge de grand chambellan du royaume et d’obtenir ainsi les chevaux, les armes et les honneurs dus à sa charge. Mais Iorwerth déclina cette offre.
Aveuglé par la colère, Iorwerth ravagea Loegria, massacrant les habitants, incendiant des maisons et emmenant des prisonniers. Madawc prit alors conseil auprès des nobles des Powys et ils décidèrent de déplacer cent hommes dans chacun des trois comtés des Powys afin de capturer Iorwerth. Ils ont donc déployé leurs hommes dans les plaines des Powys depuis Aber Ceirawc, ainsi qu’à Allictwn Ver, Rhyd Wilure et Vyrnwy, les trois plus grandes villes des Powys. Ainsi, Iorwerth ne pourrait trouver refuge, ni dans sa maisonnée, ni dans les Powys, ni sur ses terres. Et ils dispersèrent ces hommes dans les plaines jusqu'à Nillystwn Trevan.
L'un des hommes qui participait à cette quête s'appelait Rhonabwy.
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Rhonabwy, Kynwrig Vrychgoch (un homme de Mawddwy), et Cadwgan Vras (un homme de
Moelvre à Kynlleith), firent route ensemble pour se rendre chez Heilyn Goch,
fils de Cadwgan, fils de Iddon. Alors qu’ils s'approchaient de sa demeure, ils aperçurent
une vieille masure noircie avec un pignon très haut d'où sortait une grande
fumée. En y entrant, ils trouvèrent le sol couvert de flaques et de monticules
divers; et il était difficile de s'y tenir debout, tant le sol était glissant à
cause des déjections du bétail. Les flaques d'eau étaient si profondes qu’un
homme pouvait s’y enfoncer jusqu'aux chevilles. Quelqu’un avait bien répandu des
branches de houx sur le sol, mais le bétail avait presque tout brouté. Quand
ils sont arrivés dans le hall de la maison, ils ont aperçu des chambres pleines
de poussière et très sombres, et sur un des côtés une vieille femme faisant du
feu : Chaque fois qu'elle ressentait le froid, elle jetait sur le feu une
botte qui dégageait une telle fumée qu'il était difficile de la supporter, car
elle irritait les narines. Et de l'autre côté une peau de veau jaune était
jetée sur le sol; c’était le seul luxe de la demeure : Le privilège de s’y
asseoir était accordé à tout visiteur, quel qu’il soit.
Après s'être assis, les trois hommes demandèrent à la vieille femme où étaient les gens de la maison. La vieille femme se mit à marmonner au lieu de leur répondre. Là-dessus, les gens de la maison entrèrent; un homme roux, lourdaud, aux cheveux bouclés, portant une brassée de fagots sur le dos, et une femme pâle et mince, portant également un paquet sous le bras. Ils ont à peine salué les trois visiteurs et ont allumé un feu avec les branches. Puis la femme fit cuire un repas et leur donna à manger du pain d'orge, du fromage, du lait et de l'eau.
Pendant qu’ils se restauraient une violente tempête se déclencha. Le vent et la pluie étaient si forts qu'il n’était pas possible de repartir sereinement. Alors, fatigués de leur voyage, ils se couchèrent et cherchèrent le sommeil. En inspectant leur couche, ils s’aperçurent qu’elle ne semblait se composer que d'une petite paille grossière pleine de poussière et de vermine, avec des branchages posés dessus, car le bétail avait mangé toute la paille qui avait été placée à la tête et aux pieds. Par-dessus on avait jeté un vieux tapis roussi, élimé et déchiré, et un drap grossier, troué et déchiré, était posé sur le vieux tapis, ainsi qu’un oreiller mal fourré et une couverture usée sur le drap. Après avoir beaucoup souffert de la vermine et de l'inconfort de leur couche, les compagnons de Rhonabwy tombèrent dans un profond sommeil. Mais Rhonabwy, ne pouvant ni dormir ni trouver le repos, pensa qu'il souffrirait moins s'il allait s'allonger sur la peau de veau jaune qui était étendue sur le sol. Et là, il put dormir.
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Début du rêve
Dès que le sommeil lui ferma les yeux, il lui sembla qu'il voyageait avec ses compagnons à travers la plaine d'Argyngroeg, et il s’imagina qu'il se dirigeait vers Rhyd y Groes sur la Severn River. Au cours de son voyage, il entendit un puissant bruit comme jamais il n’avait entendu auparavant; et regardant derrière lui, Ronawby aperçut un jeune homme aux cheveux blonds bouclés et à la barbe nouvellement taillée, monté sur un cheval alezan, dont les pattes étaient grises à partir du coude des pattes antérieures et de la cuisse des pattes postérieures, et ce jusqu’aux sabots. Le cavalier était revêtu d’un manteau de satin jaune doublé de soie verte et portait sur sa cuisse une épée à pommeau d'or, avec un fourreau en cuir neuf de Cordoue, attaché à une ceinture en peau de cerf par une boucle d'or. Et par-dessus, le cavalier portait une cape en satin jaune croisée avec de fils de soie verte, dont les ourlets étaient également verts. Le vert du caparaçon du cheval et de son cavalier étaient aussi verts que les feuilles du sapin, et le jaune était aussi jaune que la fleur du genêt. L'aspect du chevalier était si féroce que la peur s'empara d'eux et que Ronawby et ses compagnons décidèrent de s'enfuir. Mais le chevalier les poursuivit. Et à chaque fois que le cheval soufflait, les hommes étaient projetés loin de lui et chaque fois que le cheval reprenait son souffle, ils étaient aspirés vers lui, jusqu'à toucher le poitrail du cheval.
Quand le cavalier les eût rejoints, ils implorèrent sa miséricorde.
_"Je vous l’accorde
bien volontiers", dit-il, "ne craignez rien de moi."
_ "Seigneur, puisque tu as pitié de moi, dis-moi aussi qui tu es", répondit
Rhonabwy.
_ "Je ne te cacherai pas ma lignée, je suis Iddawc, fils de Mynyo, mais ce
n’est pas par mon nom, mais plutôt par mon surnom, que je suis le plus
connu."
_"Et veux-tu nous dire quel est ton surnom?" demanda Ronabwy.
_"Je vais vous le dire; On m’appelle Iddawc Cordd Prydain."
_ "Seigneur !" dit Rhonabwy, "pourquoi es-tu appelé ainsi?"
_ "Sois patient et tu le sauras. J'étais l'un des messagers entre Arthur et Medrawd, son neveu, à la bataille de Camlan; et j'étais alors jeune et téméraire, et par soif de bataille, j'ai attisé des querelles entre eux deux, et enflammé leur colère, et voici comment :
Arthur l'empereur m'a envoyé pour raisonner Medrawd et lui rappeler qu'il était son oncle et aussi son père adoptif (par Fosterage), et pour rechercher la paix, de peur que les fils des rois de l'île de Bretagne ainsi que les nobles ne soient inutilement blessés. Et alors qu'Arthur m'avait chargé des paroles les plus justes et les plus nobles auxquelles il puisse penser, j'ai dit à Medrawd les pires mensonges que je pouvais concevoir. C'est pourquoi je m'appelle Iddawc Cordd Prydain, car c'est de là qu’est partie la bataille de Camlan. Trois jours avant la fin de la bataille de Camlan, je les ai quittés et je me suis rendu au Llech Las, dans le nord de l’île de Bretagne, pour y faire pénitence. Là, je suis resté en pénitence pendant sept ans et j’y ai finalement obtenu mon pardon.
Sur ce, ils entendirent un bruit énorme, beaucoup plus fort que celui qu'ils avaient entendu auparavant, et quand ils se sont retournés dans la direction de ce bruit, ils ont vu un jeune homme roux, sans barbe ni moustaches, noble d’allure et monté sur un coursier majestueux Son cheval était de couleur bai depuis les épaules et les genoux jusqu’aux sabots. Le jeune homme portait une robe de satin rouge doublée de soie jaune, les ourlets de sa cape étaient jaunes. Le caparaçon de son cheval était jaune, jaune comme la fleur du genêt, et rouge, d’un rouge aussi rouge que le sang le plus pur au monde.
C’est alors que le cavalier
les rattrapa et demanda à Iddawc de lui céder une part des petits hommes qui
l'accompagnaient.
_ "Ta requête me convient, je te l’accorde volontiers, et sois un bon
compagnon pour eux comme je l'ai été." Répondit Iddawc.
Et le cavalier repartit.
_ "Iddawc", demanda Rhonabwy, "qui était ce cavalier?"
_ "Rhuvawn Pebyr le fils du prince Deorthach." Répondit Iddawc.
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La rencontre avec Arthur
Ensuite ils traversèrent la plaine d'Argyngroeg jusqu'au gué de Rhyd y Groes sur la Severn River. Et pendant un kilomètre et demi en direction du gué, ils ont vu, des deux côtés de la route, des tentes et des campements d’où montaient les puissantes clameurs de l’armée qui stationnait. Et quand ils arrivèrent au bord du gué, ils virent Arthur assis sur une île plate au-dessous du gué. Bedwini l'évêque se tenait à un de ses côtés et Gwarthegyd, fils de Kaw, à l'autre. Et un grand jeune homme aux cheveux auburn se tenait devant lui, son épée gainée à la main, vêtu d'un manteau et d'une toque en satin noir de jais. Son visage était blanc comme de l'ivoire, et ses sourcils noirs comme du jais, et la partie de son poignet que l'on pouvait voir entre son gant et sa manche était plus blanche que le lys et plus épaisse que la cheville d'un guerrier.
Iddawc et tous ceux qui
étaient avec lui se présentèrent à Arthur et le saluèrent.
_ "Le ciel vous bénisse," dit
Arthur. "Et où, Iddawc, as-tu trouvé ces petits hommes?"
_"Je les ai trouvés, seigneur, un peu plus loin, là-haut sur la
route."
Alors l'empereur eut un sourire ironique.
_ "Seigneur," dit Iddawc, "pourquoi ris-tu?"
_ "Iddawc," répondit Arthur, "je ne ris pas; mais je suis
contrarié du fait que ce soient des hommes d'une si petite taille qui auront
cette île sous leur surveillance. Ils n’ont rien en commun avec les hommes qui
la gardaient jadis."
Puis Iddawc s’adressa à Rhonabwy :
_ "Rhonabwy, vois-tu à la main de l'empereur l'anneau sur lequel une
pierre est sertie?"
_ "Je le vois," répondit
Rhonabwy.
_ " Une des vertus de cette pierre, c'est qu'elle fera que tu te
souviennes de ce que tu as vu cette nuit ; si tu n'avais pas vu cette pierre,
tu n'aurais jamais pu te souvenir de rien." Continua Iddawc
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Après cela, ils virent une
troupe arriver au gué.
_ "Iddawc", demanda Rhonabwy, "à qui appartient cette
troupe?"
_ "Ce sont les compagnons de Rhuvawn Pebyr, fils du prince Deorthach. Et ces
hommes sont, partout, honorablement servis en hydromel et ils s’en vantent. De
plus, ils sont, aussi, librement aimés des filles des rois de l'île
d'Angleterre. Et ils le méritent bien, car ils ont toujours été de tous les
combats, combattant tant à l'avant qu’à l'arrière. "
Et Ronawby ne vit qu'une seule couleur sur les hommes et les chevaux de cette
troupe ; ils étaient tous aussi rouges que le sang. Et lorsqu’un des
chevaliers sortait de la troupe, on aurait dit une colonne de feu qui se
détachait sur le ciel. Et cette troupe campa au-dessus du gué.
Puis ils virent une autre troupe se diriger vers le gué, et ceux-ci étaient plus blancs que le lys, à partir de la poitrine de leurs chevaux, et plus noirs que le jais au-dessous. Et ils virent l'un de ces chevaliers passer devant les autres et éperonner son cheval dans le gué de manière à ce que l'eau éclabousse Arthur et l'évêque, ainsi que ceux qui tenaient conseil avec eux qui se retrouvèrent aussi mouillés que s'ils étaient tombés dans la rivière. Et tandis que le chevalier faisait tourner bride à son cheval, le jeune homme qui se tenait devant Arthur frappa le cheval par-dessus les narines avec son épée gainée, d’un coup si fort que, si s’il l’avait fait avec la lame nue, c’eut été merveille que la chair n’eut pas été entamée et l’os brisé.
Furieux, le chevalier sortit
son épée à demi du fourreau et lui demanda:
_ "Pourquoi as-tu frappé mon cheval? Dois-je le prendre comme un conseil
ou comme un avertissement?" demanda le chevalier.
_ "Tu manques vraiment de bon sens. Quelle folie t'a fait chevaucher si
rapidement que tu as aspergé Arthur, l'évêque et leurs conseillers, qui sont
aussi mouillés que s'ils avaient été traînés dans la rivière?" Répondit le
jeune homme.
_ "Eh bien, je vais le prendre comme un avertissement." Lança le
chevalier.
Sur ce, il tourna la bride vers son
armée.
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_ "Iddawc," demanda
Rhonabwy, "qui était ce chevalier?"
_ "Le jeune homme le plus éloquent et le plus sage de cette île; Adaon, le
fils de Taliesin."
_ "Et qui était l'homme qui a frappé son cheval?"
_ "Un jeune homme bouillant et prompt à se battre; Elphin, le fils de
Gwyddno."
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Puis, un homme grand et
majestueux, à la parole noble et fluide, prit la parole et dit que c’était
merveille de voir une si vaste armée réunie dans un espace aussi étroit, et que
c’était plus étonnant encore de
voir ici ceux qui avait promis d'être à la mi-journée dans
la bataille de Badon se battant avec Osla Gyllellvawr.
_ "Que vous choisissiez d'avancer ou non, je le ferai."
_ "Tu as raison," dit Arthur, "partons tous immédiatement."
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"Iddawc," dit Rhonabwy, "qui était l'homme qui vient de parler
si merveilleusement à Arthur ?"
_ "Un homme qui parle lui parle aussi hardiment qu'il l'écoute, Caradawc
Vreichvras, fils de Llyr Marini, son conseiller principal et son cousin."
Répondit Iddawc.
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Alors Iddawc prit Rhonabwy en croupe sur son cheval et le puissant roi s'avança, chaque troupe à sa place derrière lui, vers Cevndigoll. Et lorsqu'ils arrivèrent au milieu du gué de la Severn, Iddawc fit tourner la tête à son cheval et Rhonabwy regarda dans la vallée de la Severn. Et il vit deux grandes troupes venir vers le gué. Une des troupes était d'un blanc éclatant ; chacun des hommes portait une écharpe en satin blanc avec des revers noirs comme du jais. Et leurs chevaux étaient d'un noir de jais, des genoux au-dessus des épaules, bien qu'ils soient d'un blanc pur sur le reste du corps. Et leurs bannières étaient d'un blanc pur, avec des points noirs.
_ "Iddawc," demanda
Rhonabwy, "qui sont les hommes de cette troupe d’un blanc éclatant?"
_ "Ce sont les hommes de Norvège. Et March, le fils de Meirchion, est leur
prince. C’est un des cousins d'Arthur." Répondit Iddawc.
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Et plus loin, Ronawby vit une troupe dont chaque homme portait des vêtements
d'un noir éclatant, avec des bordures d'un blanc pur à chaque écharpe. Et leurs
chevaux étaient d'un blanc pur, des genoux au-dessus des épaules. Et leurs
bannières étaient noir de jais avec du blanc pur à la pointe.
_ "Iddawc", demanda Rhonabwy, " qui sont les hommes de cette
troupe noir de jais là-bas?"
_ "Ce sont les hommes du Danemark, et Edeyrn le fils de Nudd est leur
prince." Répondit Iddawc.
Après avoir dépassé l'armée, Arthur et sa troupe de nobles guerriers mirent pied à terre sous Caer Badou, et Ronawby s'aperçut qu’Iddawc et lui avaient emprunté le même chemin qu'Arthur. Après avoir mis pied à terre, Ronawby entendit un grand tumulte et vit une grande confusion dans la troupe; ceux qui se trouvaient sur les flancs retournaient vers le centre et ceux qui se trouvaient au centre se déplaçaient vers les flancs. Et Ronawby vit venir un chevalier vêtu, lui et son cheval, d’une cotte de maille dont les anneaux étaient plus blancs que le lys blanc, et les rivets plus rouges que le sang le plus vif. Le cavalier a chevauché au milieu de la troupe.
_ "Iddawc", demanda
Rhonabwy, "l’armée va-t-elle fuir?"
_ "Le roi Arthur n'a jamais fui, et si quelqu’un avait entendu tes paroles,
tu serais un homme mort. Quant au chevalier que tu vois là-bas, c'est Kai. Kai est
le meilleur cavalier de toute la cour d'Arthur. Voici ce qui est en train de se
passer : les hommes situés sur les ailes se précipitent afin de voir Kai
chevaucher, et les hommes qui sont au centre s’écartent afin de ne pas être
écrasés sous le choc de son cheval. Voilà la cause de la confusion que tu vois
dans l'armée. "
Après quoi, ils entendirent
un appel lancé à Kadwr, comte de Cornouailles, et voici qu'il se présenta, tenant
à la main l'épée d'Arthur, facilement reconnaissable à ses deux serpents gravés
sur l'épée en or. Quand cette épée était retirée de son fourreau, deux flammes
de feu semblaient jaillir de la gueule des serpents, et l'épée était si flamboyante
qu'il était difficile de la regarder. L'armée se tut, le tumulte cessa et le
comte retourna dans la tente.
_ "Iddawc," demanda Rhonabwy, "qui est l'homme qui portait l'épée
d'Arthur?"
_ " C’est Kadwr, le comte de Cornouailles, sa fonction est d'armer le roi
les jours de bataille et de guerre."
Et ils entendirent appeler Eirynwych Amheibyn, serviteur d'Arthur ; un homme roux, dur et défavorisé par la nature, ayant des moustaches rousses en broussailles. Il chevauchait un grand cheval roux dont la crinière pendait des deux côtés et tenait en croupe un grand et beau sac. Le jeune homme roux mit pied à terre devant Arthur et tira de son sac un trône en or et un tapis en satin moiré. Puis il étendit devant Arthur le tapis qui était tendu à l’aide d’une pomme en or rougeâtre à chaque coin, et il plaça le trône sur le tapis. Le trône était si grand que trois guerriers armés auraient pu s'y asseoir. Le tapis, connu, sous le nom de Gwenn, était magique : personne ne pouvait voir celui qui était dessus, alors que ce dernier pouvait voir tout le monde.
Arthur s’était assis sur le
tapis et Owain, le fils d'Urien, se tenait devant lui.
_ "Owain," demanda Arthur, "veux-tu jouer aux échecs?"
_ "Avec grand plaisir, Seigneur", répondit Owain.
La partie d’échecs
Et le jeune homme roux apporta un échiquier en argent avec des pièces en or pour Arthur et Owain qui commencèrent à jouer.
Pendant qu’Arthur et Owain étaient concentrés sur leur partie, Iddawc et Rhonaby virent une tente blanche avec un auvent rouge, surmontée d’un serpent noir comme jais avec des yeux d’un rouge vif venimeux, et une langue rouge enflammée. Il en sortit un jeune page blond aux des yeux bleus et à la barbe fraîchement rasée, vêtu d'un manteau et d’une cape de satin jaune, d’un fuseau de tissu fin de couleur jaune surmontant des brodequins de cuir teints de plusieurs couleurs et fermé par des boucles en or. Le jeune homme il portait une lourde épée à trois tranchants avec une garde en or, dans un fourreau de cuir noir, muni d'une pointe d'or fin. Et il vint à l'endroit où l'empereur Arthur et Owain jouaient aux échecs.
Le jeune homme salua Owain qui s’étonna que le jeune homme le salue et n’ait pas salué l’empereur Arthur. Arthur savait ce à quoi pensait Owain, et il dit à Owain:
_ "Ne sois pas étonné que le jeune homme ne
salue que toi, car il m'a déjà salué auparavant; et il est à ta recherche."
Alors le jeune homme dit à Owain:
_ "Seigneur, est-ce avec ta permission que les jeunes pages et les
serviteurs de l'empereur harcèlent et tourmentent et inquiètent tes corbeaux ?
( voir la fin de : la dame de la fontaine) Si ce n'est pas avec ta
permission, fais-le interdire par l'empereur."
_ "Seigneur", dit Owain, "tu entends ce que dit le jeune homme; ce
serait généreux de ta part de les tenir éloigner de mes corbeaux."
_ "Concentre-toi sur ton jeu", fut la seule réponse d’Arthur.
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Alors le jeune homme est retourné à la tente.
Cette partie finie, Arthur
et Owain en ont commencé une autre, et quand ils étaient au milieu de leur
nouvelle partie, voici qu’un jeune homme rougeaud avec des cheveux auburn
bouclés et de grands yeux, bien développé, et ayant une barbe taillée de près,
sortit d'une tente jaune vif, au sommet de laquelle se trouvait la figure d'un
lion rouge vif. Il était vêtu d'une cape de satin jaune, tombant aussi bas que
le bas de sa jambe, brodée de fils de soie rouge. Ses jambes étaient revêtues
d’un collant de fin lin blanc et de cuissardes de cuir noir à boucles d’or. Dans
sa main, il tenait une énorme épée lourde à trois tranchants, avec un fourreau
de peau de cerf rouge, cerclé d'or. Il se dirigea vers l'endroit où Arthur et
Owain jouaient aux échecs, et il salua Owain. Owain, une fois de plus, fut troublé
par ce salut, mais Arthur ne s'en souciait pas plus qu'avant. Et le jeune homme
dit à Owain:
_ "N’est-ce pas contre ta volonté que les hommes de l’empereur harcèlent
tes corbeaux, en tuant certains et en inquiétant d’autres? Si c’est contre ton
gré, supplie Arthur de leur interdire de continuer."
_ "Seigneur," dit Owain, "je vous serai reconnaissant de retenir
vos hommes."
_ "Continue ta partie", répondit Arthur.
Et les jeunes sont revenus à la tente.
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Cette partie finie, Arthur et Owain en ont commencé une autre. Et comme ils réfléchissaient à leur premier coup, Iddawc et Rhonaby virent à une petite distance d'eux une tente jaune, mouchetée, la plus grande jamais vue, surmontée d’un aigle en or, avec une pierre précieuse sur la tête. Et sortant de la tente, ils virent un jeune homme blond et lourd avec une tignasse de cheveux blonds, une écharpe de satin bleu fermée par une épingle en or, large comme le majeur d’un guerrier, sur son épaule droite. Sur ses jambes, il portait un collant de fine étoffe, et des souliers de cuir de couleur différente, fermés par des boucles en or. Le jeune homme était racé, d'apparence noble, avec des joues rubicondes et de grands yeux de faucon. Dans la main du jeune homme, il y avait une puissante lance, mouchetée de jaune, avec une pointe nouvellement aiguisée, à laquelle était accroché un étendard.
Le jeune homme très remonté et
en colère, se précipita vers l'endroit où Arthur jouait aux échecs avec Owain qui
s'aperçurent qu'il était très en colère. Le jeune homme a salué Owain, et lui a
dit que la plus grande partie de ses Corbeaux avait été tuée et que ceux
d'entre eux qui n'étaient pas tués étaient si blessés et meurtris qu'aucun
d'entre eux ne pourrait s’élever de terre.
_ "Seigneur", dit Owain, "Arrête tes hommes."
_ "Joue, s’il te plaît." Répondit Arthur.
Alors, Owain dit au jeune homme:
_ "Retourne au combat et va au plus
fort de la mêlée. Lève aussi haut que possible ton étendard, et remets-toi à la
sagesse divine."
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Le jeune homme retourna donc au plus dur de la bataille, au milieu des Corbeaux et il leva la bannière. Aussitôt, les corbeaux s’élevèrent tous dans les airs, courroucés, féroces et déterminés, battant des ailes contre le vent et chassant la fatigue qui les envahissait. Retrouvant leur énergie et leur courage, ils descendirent, avec fureur et exaltation, sur la tête des hommes qui les avaient meurtris et humiliés, et en saisirent certains par la tête et d'autres par les yeux, d’autres encore par les oreilles, ou par les bras, et les ont emportés dans les airs. Et, dans les airs, on entendait un tumulte puissant venant du battement des ailes des corbeaux triomphants et de leurs croassements. Et on pouvait aussi entendre un autre tumulte puissant venant du gémissement des hommes qui étaient déchirés et blessés, voire tués.
Alors qu’Arthur et Owain s'émerveillaient du tumulte tout en continuant à jouer aux échecs, ils aperçurent un chevalier sur un cheval de couleur fauve venant vers eux. La teinte du cheval fauve était Merveilleuse. Son épaule droite était rouge vif, et du haut de ses jambes au centre de son sabot, il était jaune vif. Le chevalier et son cheval étaient entièrement équipés d'une lourde armure étrangère. Le caparaçon du cheval était de couleur rouge vif sur le haut et de couleur jaune vif sur la partie basse. Le jeune homme portait une grande épée à un tranchant à pans d'or sur sa cuisse, dans un fourreau bleu clair, munie d'une pointe espagnole. La ceinture de l’épée était en cuir vert foncé avec des glissières dorées et un fermoir en ivoire, et une boucle de jais noir sur le fermoir. Il y avait sur la tête du chevalier un casque orné de pierres précieuses d'une grande valeur. Au sommet du casque trônait l’effigie d'un léopard de couleur flamme avec deux pierres rouge rubis à la place des yeux. Il était difficile pour un guerrier, quel que soit son cœur, de fixer le visage du léopard, et bien plus encore celui du chevalier qui avait à la main une lance à manche bleu. Mais du manche à la pointe, elle était tachée de rouge cramoisi par le sang des corbeaux et leur plumage.
Le chevalier vint à
l'endroit où Arthur et Owain, assis, jouaient aux échecs. Et ils s'aperçurent
qu'il était ulcéré, vexé et fatigué lorsqu'il se dirigeait vers eux. Le jeune
homme salua Arthur et lui dit que les corbeaux d'Owain massacraient ses jeunes
hommes et ses serviteurs. Alors Arthur regarda Owain et dit:
_ "Arrête tes corbeaux."
_ "Seigneur", répondit Owain, "joue ta partie."
Ils ont continué à jouer. Et le chevalier revint vers le conflit où les
Corbeaux n’avaient pas arrêter de se battre.
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Après qu’Arthur et Owain eurent joué quelque temps, ils entendirent un puissant tumulte, des lamentations d'hommes et le croassement des corbeaux pendant qu'ils transportaient les hommes de toutes leurs forces, les déchiquetaient et les laissaient tomber à terre en morceaux. Et pendant le tumulte, Arthur et Owain virent un chevalier se diriger vers eux, sur un cheval gris clair avec la patte avant gauche noire du genou au sabot. Et le chevalier et le cheval étaient complètement équipés d'une énorme et lourde armure bleue. Le chevalier portait une robe d’apparat de satin jaune dont les bords de la robe étaient bleus. Le caparaçon du cheval était noir de jais, avec les bords d'un jaune éclatant. Et sur la cuisse du jeune homme il y avait une longue et lourde épée, à trois tranchants. Le fourreau était en cuir rouge, et la ceinture, neuve, en peau de cerf rouge, portant de nombreuses bandes dorées et une boucle en ivoire représentant un hippocampe, dont la langue était d'un noir de jais. Un casque en or, serti de pierres de saphir de grande valeur, était posé sur la tête du chevalier. au sommet du casque il y avait la figurine d'un lion de couleur flamme, à la langue rouge vif, s'échappant à plus d'un pied de sa bouche, et aux yeux venimeux, rouge pourpre, dans la tête. Le chevalier vint, tenant dans sa main une épaisse lance de frêne, dont la pointe, nouvellement trempée de sang, était recouverte d'argent
Le jeune homme salua
l'empereur:
_ "Seigneur", dit-il, "fais quelque chose avant que tes pages
soient tuées, ainsi que tes jeunes guerriers et les fils des nobles de l'île
d'Angleterre, ce qui rendrait, à jamais, difficile la défense de cette île?
"
_ "Owain," dit Arthur, "Arrête tes Corbeaux"
"Continue ta partie, Seigneur", a déclaré Owain.
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Cette partie finie, Arthur et Owain en ont commencé une autre et alors qu'ils terminaient cette nouvelle partie, ils entendirent un grand tumulte et une clameur d'hommes armés, les croassements des corbeaux et de grands battements d'ailes dans les airs, tandis qu’ils jetaient à terre, armures, hommes et chevaux au coup par coup. Puis ils virent arriver un chevalier sur un cheval pie a la tête altière. L’épaule gauche du cheval était rouge vif, et sa jambe droite depuis la poitrine jusqu’au creux du sabot était d’un blanc pur. Le chevalier et le cheval étaient recouverts d’une armure jaune tachetée, panachée de laiton espagnol. Une robe d'apparat était placée sur lui et sur son cheval, divisée en deux parties, blanche et noire, et les bordures de la robe d'honneur étaient de couleur pourpre or. Au-dessus de la robe, le chevalier portait une épée brillante à trois tranchants avec une poignée en or. La ceinture de l'épée était en or jaune, et sa boucle en forme d’hippocampe noir était. Barrée par une languette en or jaune. Sur la tête du chevalier, il y avait un casque brillant en or avec des pierres de cristal étincelantes, et au sommet du casque, la statue d'un griffon, avec une pierre aux nombreuses vertus dans la tête. Et le chevalier avait une lance en frêne dans la main, avec une tige ronde, colorée en bleu azur. Et la tête de la lance était tachée de sang et recouverte d'argent fin.
Le chevalier se présenta avec colère à l'endroit où se trouvait Arthur. Il lui dit que les Corbeaux avaient massacré sa maison et les fils des principaux hommes de cette île. Et Arthur pria Owain de les arrêter. Puis Arthur prit les pièces d’échecs en or qui se trouvaient sur le plateau d’argent et les écrasa jusqu’à ce qu’elles soient devenus de la poussière. Voyant cela, Owain a ordonné à Gwres, le fils de Rheged, de baisser sa bannière et tout renta dans l’ordre.
Explications
Rhonabwy a demandé à Iddawc,
qui étaient les trois premiers hommes qui sont venus saluer Owain, et le
prévenir que ses corbeaux étaient en train d'être tués. Iddawc répondit :
_ "Les hommes qui se sont plaints
qu'Owain subissait la perte de ses chefs et ses compagnons, sont Selyv, fils de Kynan Garwyn de Powys,
Gwgawn Gleddyvrudd, et Gwres, fils de Rheged, qui porte la bannière le jour de
la bataille et des conflits. "
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_ "Qui," demanda Rhonabwy,
"étaient les trois derniers hommes qui sont venus saluer Arthur et lui ont
dit que les Corbeaux massacraient ses hommes?"
_ "Les meilleurs des hommes", a déclaré Iddawc, "et les plus
courageux, et qui seraient extrêmement attristés par le fait qu'Arthur doive
subir des dommages; Blathaon, fils de Mawrheth, Rhuvawn Pebyr, fils du prince
Deorthach, et Hyveidd Unllenn."
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Il y eut aussi quatre-vingt-vingt chevaliers, venus d’Osla Gyllellvawr, pour réclamer auprès d’Arthur une trêve de six semaines.
.
Arthur se leva et alla prendre conseil. Pour cela, Arthur se rendit là où se trouvait un homme de grande
taille, auburn et aux cheveux bouclés, et il rassembla ses conseillers :
Bedwini, l'évêque et Gwarthegyd, fils de Kaw, et March, fils de Meirchawn, et
Caradawc Vreichvras, et Gwalchmai, fils de Gwyar, ainsi qu’Edeyrn, fils de
Nudd, et Rhuvawn Pebyr, fils du prince Deorthach. Il y avait aussi Rhiogan, fils
du roi d'Irlande et Gwenwynwyn, fils de Nav, Howel, fils d'Emyr Llydaw, Gwilym,
fils de Rhwyf Freinc, Daned, fils d'Ath, et Goreu Custennin. Sans oublier
Mabon, fils de Modron, Peredur Paladyr Hir. Hyveidd Unllenn, et Twrch, fils de
Perif. A leurs côtés se tenaient Nerth, fils de Kadarn, Gobrwy, fils d'Echel
Vorddwyttwll, Gwair, fils de Gwestyl, et Gadwy, fils de Geraint, Trystan, fils
de Tallwch, ainsi que Moryen, Manaw Granwen, fils de Llyr, Llacheu, fils
d’Arthur, Llawvrodedd Varvawc, et Kadwr, comte de Cornouailles, Morvran, fils
de Tegid. Il y avait aussi Rhyawd, fils de Morgant, Dyvyr, fils d’Alun Dyved,
Gwralstawd Iwogo, le fils de Taliesin, Llary le fils de Kasnar Wledig et
Fflewddur Fflam, et Greidawl Galldovydd, Gilbert, fils de Kadgyffro, Menw, fils
de Teirgwaedd, Gwrthmwl Wledig, Cawrdav, fils de Caradawc Vreichvras, Gildas,
fils de Kaw, Kadyriah, fils de Saidi et de nombreux hommes du Danemark, de
nombreux hommes de Grèce et une foule d'hommes de l'armée qui se sont rendus à
ce conseil.
_ "Iddawc,"
demanda Rhonabwy, "qui était l'homme aux cheveux auburn vers lequel ils se
sont rendus tout à l'heure?"
_ "Rhun, fils de Maelgwn Gwynedd, un homme dont la prérogative est qu'il
puisse tenir conseil avec qui que ce soit."
_ "Et pourquoi ont-ils admis leur conseil d’hommes d'une si grande dignité
un garçon aussi jeune que Kadyriaith, fils de Saidi?" ajouta Rhonabwy
_ "Parce qu'il n'y a pas dans toute la Grande-Bretagne un homme plus
qualifié en conseil que lui."
Là-dessus, des bardes vinrent réciter des vers devant Arthur, et personne ne les comprit sauf Kadyriaith, alors qu'ils déclamaient les louanges d'Arthur.
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C’est alors qu’arrivèrent quatre vingts ânes avec leurs fardeaux d'or et d'argent, menés par un vieil homme fatigué apportant à Arthur un tribut venant des îles de Grèce. Alors Kadyriaith, fils de Saidi, demanda qu'une trêve soit accordée à Osla Gyllellvawr pendant un mois et quinze jours et que les ânes et leurs fardeaux soient donnés aux bardes, ce qui serait pour eux une juste récompense pour leur séjour et les vers qu’ils clameraient pendant le temps de la trêve. Et tout fut fait ainsi.
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_ "Rhonabwy", a déclaré Iddawc, "n’aurait-il pas été fâcheux d'interdire à un jeune de si bon conseil de se présenter à l’assemblée de son Seigneur?"
Il s'ensuivit un tel tumulte que Rhonabwy s'éveilla., Et quand il se réveilla, il était sur couché sur la peau de veau jaune, ayant dormi trois nuits et trois jours.
Cette histoire s'appelle le Rêve de Rhonabwy. Et personne ne pourra se la rappeler sans l’aide d’un livre, ni barde ni voyant, ni conteur doué à cause du nombre des couleurs variées des chevaux, du nombre des couleurs merveilleuses des armes, des équipements, des précieuses écharpes et des pierres magiques qu’il contient.