Se rendre au contenu

LE MANOIR DU CARPONT

Lampaul-Ploudalmézeau.

Armanel - conteur

A peu de distance du bourg de Lampaul-Ploudalmézeau se trouvait l'ancien manoir du Carpont.

Au début du XX° siècle ce n’était plus qu’un vieux manoir en ruines. On entrait dans la cour du Carpont par un grand portail gothique voûté, dont les deux arcades inégales ont des voussures et des contre-courbes du XVe siècle. L'une de ses fenêtres était munie de barreaux de pierre, comme à Kermadec, en Pencran et à Mézarnou, en Plounéventer.

 Une galerie ouverte, formée de piliers monolithes à peine dégrossis, soutenait un plafond en pierre de même nature menait à la terrasse effondrée qui surmonte le portail.

Le manoir du Carpont appartenait autrefois à une famille Le Maucazre (devenu Mocaer) qui portait des armoiries d'or à trois roses ou tourteaux de gueules,dont on retrouve la trace depuis Hervé Le Maucazre, seigneur du Carpont, marié en 1419, à Marie de Kergroadez.

 AU XVIIe siècle, le manoir du Carpont était passé aux mains des Kergorlay. En 1678, il servait de résidence, , à Messire Jean de Kergorlay, chevalier, seigneur de Kersalaun, Trouzoulit, Mesnaot, le Carpont, époux de Marie de Kerlech.

Leur fils, Charles-Louis, né en 1678 au manoir de Carpont, fut baptisé le 28 mai 1686 dans l'église des Sept-Saints de Brest, et eut pour parrain très haut et très puissant prince Monseigneur Charles de Lenox, duc de Richemont, de Lenox et d'Aubigny, pair d'Angleterre, d'Ecosse et de France, chevalier du très noble ordre de la jarretière et pour marraine très haute et très puissante, dame Louise-Renée de Penancouet de Keroualze, duchesse de Portsmouth et d'Aubigny, comtesse de Faraham, baronne de Petersfield, etc. Le duc de Richemont, né le 29 juillet 1672, était un fils naturel du roi d'Angleterre Charles II et de Louise de Penancoét.

En 1772, le Carpont appartenait à Alain-Marie de Kergorlay, seigneur de Trouzilit, maréchal de camp, capitaine aux gardes françaises, glorieux blessé de Fontenoy.

En 1787, il était passé à Michel Picot de Prémesnil, qui possédait déjà en Lampaul le manoir de Recervo.

 

LEGENDE

Le seigneur de Kersalaun, ancien propriétaire du Carpont, était, dit la légende, un terrible, homme pour qui la vie de ses semblables comptait peu; on le savait violent, cruel, fermé à tout sentiment charitable, et les pauvres se tenaient prudemment à distance de sa demeure. Un jour cependant, un mendiant qui, n'étant pas du pays, ignorait la mauvaise réputation du châtelain, entra dans la cuisine au moment où la servante, avait placé sur la table le un grand chaudron de bouillie qui devait satisfaire l'appétit d'une douzaine de laboureurs, et venait de sortir pour corner les travailleurs en soufflant dans un gros coquillage. Le mendiant, qui était affamé, se laissa tenter par la bonne odeur et il décrocha une cuiller de buis et attaqua le contenu du chaudron en avalant le plus rapidement possible la bouillie encore chaude par la crainte d'être surpris en flagrant délit de vol. Mais, tandis qu’il peinait à reprendre son haleine entre deux grosses cuillérées, une main s'abattit lourdement sur son épaule. Le mendiant se retourne tout frissonnant de peur et vit derrière lui le maître de du manoir en personne qui  était à la fois heureux d’avoir attrapé un voleur et furibond que quelqu’un eut assez de courage ou d’inconscience pour commettre un tel forfait chez lui.

_ « Ah ! Ah ! Mon gaillard, » dit le seigneur de Kersalaun, « ainsi tu te goberges sans permission à mes dépens ! Je te trouve terriblement effronté d'engloutir la bouillie de mes valets en profitant de l'absence de la cuisinière ! »

_ «  Mais dis-moi, » continua le seigneur «  Cette bouillie, me semble bien bonne, à ce qu’il paraît ? Je vois que tu lui as déjà fait honneur. » 

_ « Excellente, Messire », balbutia le pauvre diable, qui tremblait de tous ses membres et ne savait où se mettre.

_ « Je suis prêt à parier que tu en mangerais bien encore un peu, pas vrai ! »

_ Merci, Messire, mais j'en ai mangé plus que mon content. Pardonnez-moi au nom de Dieu. Si je me suis permis ce vilain geste c’est parce que j'avais trop faim. Laissez moi m’en aller et je vous promet que je ne recommencerai plus ».

_ « Bien sûr que je vais te laisser t’en aller, car je n’ai pas l’intention de continuer à nourrir un bon à rien! » répondit le seigneur de Kersalaun. « Mais puisque tu aimes ma bouillie, je veux que tu t'en régales tout ton soûl, quitte à en crever. Tu vas me vider entièrement ce chaudron, gratin compris, et si tu laisse ne serait-ce qu’une seule cuillerée, il n'y aura que la mort pour toi. Entends-tu ? Cela t’apprendra à venir friponner dans les maisons de noblesse et surtout chez moi."

_ « Tu n'as certainement jamais entendu parler de M. de Kersalaun, sinon tu ne te serais pas faufilé chez moi. Désormais, tu sauras qu'on ne gagne rien à vouloir se frotter à moi. » 

_ « Grâce, Messire », gémit l'infortuné en tombant à genoux.

_ « Allons, allons, pas de simagrées ». Ajouta le seigneur de Kersalaun. « Avale-moi cette excellente bouillie, puisqu'elle est à ton goût et épargne-moi tes jérémiades, ou bien je me fâcherai pour de bon. Ne me tient pas tête, car si je m’énerve je pourrais bien te faire dévorer par mes chiens ? » 

Epouvanté, le mendiant se rua sur le chaudron avec le courage du désespoir, et se bourra la panse du mieux qu'il put. Mais la capacité humaine a des limites. Le pauvre diable était bien près de les atteindre, quand le méchant seigneur, attiré par du bruit qui s'entendait dans la cour, cessa sa surveillance et quitta la cuisine.

_ « Imbécile ! » ! dit la servante apitoyée au malheureux. « Au lieu de te verser la bouillie dans ta bouche, pourquoi ne la verses-tu dans ton col de chemise ? « 

Le mendiant suivit ce conseil qui lui semblait très sage, et il fut ne fut pas long à tout fourrer sous sa chemise, si bien que lorsque M. de Kersalaun réapparut, il trouva le mendiant occupé à racler soigneusement les derniers craques du gratin du chaudron. Il fut grandement surpris de la vitesse à laquelle le chenapan avait enfourné » toute cette bouillie, mais ne soupçonna pas la fraude et permit au mendiant de se retirer sain et sauf, avec une bonne réserve de bouilli pour plusieurs jours dans sa chemise. Il semble bien qu’il fut guéri de l'envie de repasser par le Carpont dans ses tournées quémandeuses de « Klasker Bara », car on ne le revit jamais à Lampaul -Plouarzel.

Quand le seigneur de Kersalaun mourut, le Bon Dieu ( en personne) condamna son âme à expier les crimes qu'il avait commis de son vivant, en l'obligeant à errer pendant la nuit, dans un carrosse de fer rouge traîné par deux chevaux de feu, autour de son manoir. Il effrayait tant les gens, que le recteur de Lampaul dut venir le conjurer. Pour cela il dut s’approcher du carrosse, appeler le fantôme par l’ouverture de la portière, l'en arracher en lui jetant autour du cou son étole, et le conduire jusque dans une fondrière, au milieu des garennes sauvages de Cleguerien. Ce qui ne fut qu'un jeu d’enfant pour ce vaillant exorciste.

Puis, il fit rouler une barrique de cendres jusqu'en cet endroit et déclara au spectre :

_ « Tu n'auras la permission de sortir d'ici qu'après avoir compté exactement et sans fraude, sous les yeux de Dieu qui voit tout, combien il y a de grains de cendre dans cette barrique ». 

Le défunt seigneur s'est mis à la besogne. On assure qu'une fois il avait presque réussi à mener ses calculs à bonne fin et il ne lui restait plus à dénombrer que le contenu d'une dernière « tamisée ». Mais à ce moment, il survint un coup de vent qui mélangea tout, et tout fut à recommencer... 

On assure aussi que depuis, à chaque fois que l’âme du trépassé pense réussir sa mission, un coup de vent violent se soulève sur la mer et vient balayer la dune.!

 

Manoir du CARPONT

 Situé à 500 m à l’est du bourg, il sert actuellement de ferme. Entouré de murailles importantes, on y accède à droite par un portail du XVIème siècle à double entrée : cavalière et piétonne, situé dans la partie sud du manoir. Ce portail, en partie détruit, servait de défense au manoir ancien. Il reste sur la cour au pavage bouleversé une bâtisse de pierres de taille avec ouvertures coupées de barreaux de pierres.