Le lutin noir et le géant rouge

Armanel _ conteur

il y a très longtemps de cela, dans l’ancien temps, un roi vivait dans le nord de l’Irlande. Ce roi avait une famille si nombreuse qu’il ne se rappelait pas le nom de tous ses fils et de toutes ses filles. Mais un grand malheur frappa son domaine, et sa femme ainsi que tous ses enfants trouvèrent la mort, exception faite d’un fils et d’une fille. Une fois passé l’âge de dix ans le fils ne grandit plus, même pas d’un pouce car il avait été ensorcelé par un forgeron, et il dormait dans son berceau dans la chambre où sa mère était morte.

La fille, elle, grandit jet devint une jolie jeune fille, et le roi tenait autant à elle qu’à l’œil qu’il avait dans la tête.


A cette époque, il y avait en Écosse un géant qui s’appelait le Géant Rouge. Quand il entendit parler de la jolie fille du roi, il vint en Irlande et il l’enleva malgré l’opposition de son père et ses soldats. Il emmena la jeune fille en Ecosse et la garda enfermée pendant onze ans dans son château, la frappant et la maltraitant.


Le roi était inconsolable et avait son cœur brisé de douleur. Aussi il promit des milliers de livres à celui qui lui ramènerait sa fille, mais il savait que cela ne servait a rien car le géant ne l’aurait pas donnée même pour tout l’or du monde


Beaucoup ont essayé de terrasser le Géant Rouge, mais en vain. Il ne craignait pas les blessures reçues par des lances, ni les coups d’épées. Cela ne lui faisait pas plus d’effet qu’il n’aurait fait attention à un coup de brin de paille. Et les gens pensaient qu’il ne portait sa vie en lui, car il avait reçu des blessures par centaines et avait été souvent laissé pour mort, mais à chaque fois il était revenu à la vie. Il se disait que de même que le chat à neuf vies, le Géant Rouge avait neuf mille vies.


Mais il arriva qu’une vieille se présenta à la porte du château du roi. Elle déclara qu’elle avait à remettre au roi, une histoire qui lui mettrait la joie dans le cœur. Comme elle insistait pour parler au roi en personne, on la conduisit dans la chambre du roi où elle ferma la porte à clef quand le serviteur fut parti.

_ « Écoute-moi bien et pardonne-moi, ô roi, dit-elle. J’ai un message important à ne communiquer qu’à toi-même : Je suis envoyée par ta fille qui est persécutée par le Géant Rouge dans son château d’Écosse. Il n’y a sur terre qu’un homme vivant qui puisse délivrer ta fille et cet homme c’est ton propre fils, le Lutin Noir qui dort dans son berceau depuis plus de vingt et un ans. Mais il ne pourra vaincre le Géant rouge qu’à une condition Tu dois aller trouver ton forgeron et lui ordonner de forger une épée à deux tranchants pour ton fils. Prends cette petite bouteille qui renferme trois gouttes de mon sang, et dis au forgeron de verser les trois gouttes de sang de la mère de Caoilte sur l’épée quand elle sera mise à tremper. Quand l’épée sera prête, donne la moi. Conduis-moi maintenant à la chambre de ton fils, il faut que je parle avec lui. »


Le roi conduisit la vieille à la chambre du Lutin Noir, la laissa en tête à tête avec son fils et se dirigea vers l’atelier du forgeron sans être vu de personne dans le château. Quand il entra dans l’atelier en saluant, le forgeron lui souhaita la bienvenue et lui dit:

_ « C’est un grand honneur pour moi que mon roi entre dans mon humble forge ».
-_ « Commence sans tarder à forger une épée à deux tranchants pour mon fils qui va aller se battre contre le Géant Rouge en Écosse afin de délivrer ma fille qu’il a enlevée « dit le roi,


_ « Sire, dit le forgeron, je ferai une épée aussi bonne que je le puis, mais aucune épée au monde ne pourra venir à bout de ce géant là, car sa vie n’est pas contenue en lui-même et il ne peut être vaincu que par une seule chose, c’est par une épée trempée avec trois gouttes de sang de la mère de Caoilte et tu n’en trouveras pas dans ton royaume! »
_ « Détrompe -toi, ce sang est en ma possession, dit le roi, commence à forger l’épée ».

Le forgeron prit de l’acier et quand il fut bien rouge dans la forge il se mit à le frapper sur l’enclume avec un lourd marteau, Puis il la plongea dans le tonneau d’eau froide en disant au roi:

_ «  Maintenant verse les trois gouttes de sang dessus ».

Le roi versa le sang et le forgeron continua son œuvre jusqu’à ce que l’épée fût finie.


Pendant ce temps la vieille femme parlait avec le fils du roi.

_ «  Voilà vingt et un ans que tu es dans ce berceau et je pense que le moment est venu pour toi de délivrer ta sœur du Géant Rouge ». Dit-elle au lutin.

_ « Tu vois bien que je ne puis faire dans cet état. Il faudrait qu’une magicienne brise le sort qu’on m’a jeté afin que je puisse sortir de ce berceau où je suis prisonnier. »
_ « Sautes, je te l’ordonne », dit la vieille, » dès que j’aurais opéré que ce changement en toi, ton père viendra te donner une épée à deux tranchants sur laquelle il y a trois gouttes de mon sang qui te permettra de combattre le Géant Rouge.


Le lutin noir sauta sur le sol aussi leste que le lièvre de mars. Sa longue chevelure était aussi noire que le corbeau et elle balayait la terre. La vieille sortit une baguette magique, frappa trois fois sur son front, et en un tour de main il fut haut de plus de six pieds et habillé comme un fils de roi. Quand il regarda dans le miroir qui était accroché au mur, il ne se reconnut pas lui-même et il dit:

_ « Je ne suis plus le Lutin Noir mais je ne sais pas qui je suis maintenant.
_ « Tu es le fils du roi, le vrai fils du roi dit la vieille, et c’est toi qui es désigné pour combattre le Géant Rouge. J’attends ce moment depuis ta naissance, et je serai présente le jour du combat.


Le roi revint avec l’épée terminée et quand il ouvrit la porte de la chambre de son fils il fut surpris en voyant le bel homme qui était en compagnie de la vieille femme.

_ « Où est mon fils, le Lutin Noir ? « Demanda le roi.
_ « Il est là, debout face à toi, répondit la vieille femme»
_ Je ne crois pas que ce soit mon fils qui est là, » dit le roi.
_ « C’est bien moi père, dit le fils, j’ai vécu sous la forme d’un lutin jusqu’à mes vingt et un ans, mais désormais j’ai en moi la force de cent hommes et je vaincrai le Géant Rouge. »

Qu’on prépare un vaisseau sous trois jours, dit la vieille femme, mais il faudra le faire dans le plus grand secret. Cette nuit tu conduiras ton fils à la poterne qui s’ouvre à l’arrière du château, puis tu iras à sa rencontre à la grande porte et tu diras à tes serviteurs que c’est ton fils qui revient d’exil en Espagne. Pendant ce temps, je mettrai un Logardan mort dans le berceau. Tu pleureras sa mort devant tes serviteurs.
_ « Tout sera fait selon tes désirs, dit le roi, car je vois que tu es de bon conseil »
_  « Je t’attendrai sur le rivage pour aller avec vous en Écosse ». dit la vielle femme


A ces mots, la vieille partit alors, sans que personne dans le château ne la vit.

Cette nuit-là, lorsque la nuit fut tombée, le roi conduisit son fils la poterne puis le retrouva à la grande porte:

-_ « Voici mon fils qui revient d’Espagne ».

Le portier lui souhaita la bienvenue, puis le roi conduisit son fils à une belle chambre puis il revint dire que le pauvre lutin était mort dans son berceau.


Puis le roi arma un navire et engagea des matelots. Il fit proclamer que son fils qui était arrivé d’Espagne pour aller se battre avec le Géant Rouge en Écosse, et qu’il cherchait une troupe de gentilshommes pour l’accompagner. Quand le navire fut prêt, une grande troupe monta à bord pour se rendre en Écosse avec le roi. La vieille femme, habillée d’un habit vert, attendait sur le rivage.

_ « O grand roi, dit-elle, permettras-tu à une vieille femme de venir avec toi? »
_ «  Monte à bord, » dit le roi.

La vieille femme monta à bord, ils levèrent les voiles et ils se dirigèrent vers l’Écosse. Quand ils arrivèrent au port, ils laissèrent le navire aux matelots et ils se rendirent au château du Géant Rouge.


La muraille du château était épaisse et il n’avait qu’une seule porte. Le Géant Rouge regardait par une fenêtre et quand il vit la grande troupe à la porte il demanda d’une voix effrayante:

_ « Qui êtes-vous et que voulez-vous? »

Le roi prit la parole et dit:

_ «  Je suis le roi d’Irlande et je demande ma fille me soit rendue. Si tu ne me la rends pas, voici mon fils qui la délivrera par son épée.

Le Géant sortit, avec une épée à la main. Le fils du roi tira son épée à deux tranchants et ils combattirent pendant trois heures sans se blesser l’un l’autre. Le géant se mit en colère et il dit:

_ « Tu es le meilleur combattant qui se soit jamais tenu devant moi, mais je vais te tuer. »


Mais il n’avait pas fini de parler que le fils du roi lui fendit la tête.

_ « Ahhhh! dit le Géant, ton épée est empoisonnée ou bien elle est bénie par du sang de la mère de Caoilte.

La vieille femme s’avança et dit:

_ «  Je suis la mère de Caoilte et j’en suis fière. Frappes fort, fils du roi, et mets fin à la vie à ce traître qui a tué mon fils, le vrai héros de Connaught.


Le fils du roi coupa la tête du Géant Rouge qui tomba mort. La vieille femme sortit un couteau noir, détacha le cœur du Géant Rouge et dit:

_ « Je l’emporterai avec moi en Connaught, en signe de ma victoire, pour mon peuple ».


Le roi et son fils entrèrent dans le château, et délivrèrent la fille du roi. Lorsqu’elle vit la vieille femme dans son habit vert, elle courut à elle et elle l’embrassa:

_ « Oh mon père, c’est la dame qui m’a fait délivrer et qui m’a encouragée et consolée dans mon esclavage. Si elle n’avait pas été là, je serais morte depuis longtemps. Elle a donné du sang de son cœur pour moi et je ne sais pas comment la récompenser. »

_ « Je n’ai besoin d’aucune récompense dit-elle. J’ai reçu satisfaction pour la mort de mon fils que le Géant Rouge a tué par traîtrise. Je m’en vais maintenant pouvoir me reposer, puisque je sais que le traître est mort.

Le roi et sa compagnie revinrent en Irlande et il y eut un festin qui dura sept jours et sept nuits où il accueillit riches et pauvres.

Peu de temps après cela, un fils de roi vint d’Espagne et il épousa la fille du roi, et le fils du roi épousa la fille du roi d’Espagne et il y eut dans le château une noce qui dura un mois. J’y ai été invité car je passais par-là et j’eus beaucoup à manger et à boire.