Le jeune roi d'Easaidh Ruadh
 (HIGLANDS.)

Traduction : Armanel _ conteur 


1. Gruagach Pour les Highlanders, c’est un esprit familier mâle ou femelle du genre Brownie. 
Dans ce texte il s’agit plutôt d’un sorcier.

2. Le Gwezboell Sorte de jeu d’échec en vogue jusqu’à la fin du moyen âge.
Sa particularité est qu’il oppose des adversaires aux forces inégales et aux objectifs différents.
Le principe du jeu est basé sur la défense d’un roi, protégé par 8 gardes et assiégé par 16 assaillants.

3. Le Loch Nam Bonnach est un loch de montagne isolé, situé à la lisière de Farley Wood, dans une vaste zone de landes tourbeuses surplombant la vallée de Beauly.
Diverses reliques archéologiques ont été trouvées autour du Loch Nam Bonnach : plusieurs forts pictes et une hache de fer, trouvée un peu à l'ouest du loch. 

Le roi d'Easaidh Ruadh, était jeune quand il hérita de son royaume. Il était d’un tempérament joyeux et cherchait toujours à se distraire ou à s’amuser. Or, près de son château vivait un Gruagach joueur et rusé, surnommé « longues boucles d’or ». Le jeune roi décida d'aller jouer avec lui. Il alla prendre conseil auprès de son devin, et lui dit:

— « J’ai l’intention de jouer une partie de Gwezboell avec le Gruagach. »

— « Oh! oh! répondit le devin, veux-tu vraiment te risquer à faire cela? Es-tu vraiment assez audacieux pour jouer au Gwezboell contre le Gruagach? Écoutes-moi bien, je te conjure d’abandonner cette idée saugrenue. Renonce à ton projet. »

— « Je m’ennuie seul dans mon château, et je ne renoncerai pas », dit le roi.

Le devin reprit: Alors suis mes conseils:

    _ Si tu veux vraiment lutter avec le Gruagach, place-toi près de la fenêtre et choisis le camp du roi.

    _ Si tu gagnes contre le Gruagach, ce dernier te devras une récompense. Pour prix de ta victoire lui demanderas la fille pelée à la peau rugueuse qui est cachée derrière la porte. Mais sois certain qu’il te jouera plus d'un tour pour éviter que tu l'emmènes.


Fort de ces conseils, le jeune roi partit. Quand Il arriva chez le Gruagach, il le salua longuement et et le Gruagach le salua à son tour. Puis le Gruagach lui dit:

_ «Dis-moi, jeune roi, ce qui t’amènes chez moi aujourd'hui? Viens-tu pour jouer avec moi ? »

Le jeune roi lui répondit par l’affirmative et posa ses conditions avant d’entamer la partie. Le Gruagach les accepta et ils se mirent au jeu. Le roi gagna rapidement cette partie.

_« Tu as vraiment bien joué, et tu mérites une récompense. Choisis ton gain afin que je puisse te payer ma dette » dit le Gruagach.

_« Donne-moi la fille pelée à la peau rugueuse qui se cache derrière la porte ».

_ « Es-tu certain de ton choix ? J'ai ici plus d'une belle femme qui te remplirait de bonheur, » répondit le Gruagach.

_« Je ne veux que la fille pelée à la peau rugueuse. »

Mais le Gruagach fit la sourde oreille et lui présenta vingt jeunes filles:

_«Fais ton choix parmi ces jeunes fille.» dit-il au jeune roi.

Les jeunes filles passèrent à tour de rôle devant le jeune roi en lui disant :

—C'est moi qu'il faut choisir; et tu aurais tort de ne pas me désigner. »

Mais le jeune roi était bien décidé à obéir aux conseils de son devin. Aussi il attendit que la jeune fille pelée à la peau rugueuse passe devant lui pour déclarer:

_«Voici la jeune fille que j’ai choisie et gagnée. »

Et le jeune roi partit avec elle, mais ils avaient à peine parcouru cent pas, que la fille changea d'aspect et devint la plus charmante femme qu'il y eût sur terre. Le roi, enchanté d'avoir une si charmante femme, regagna sa demeure, et alla se reposer.


le lendemain, bien reposé, le jeune roi se leva pour retourner jouer au Gwezboell avec le Gruagach.

— « Je suis trop content d’avoir vaincu le Gruagach, mais je lui dois une revanche. Il faut que j'aille aujourd'hui jouer contre lui», dit-il à sa femme.

— « Il faut que je te dise que le Gruagach est mon père, et que je connais tous ses tours et sa malice. Si tu retourne jouer contre lui et si tu gagnes, n'accepte pour seul gain que la pouliche aux longs poils bruns qui porte une selle de bois sur son dos. »

Le jeune roi alla à la rencontre du Gruagach, et encore une fois ils se saluèrent et se bénirent mutuellement.

_ « Dis-moi jeune roi, dit le Gruagach, ta jeune fiancée te plaît-elle? »

—« Absolument, je suis comblé. » répondit le jeune roi.

—« Viens-tu pour me parler d’elle ou pour jouer ? » demanda le Gruagach

__ « Je suis venu vous accorder votre revanche » déclara le jeune roi.

Ils se remirent au jeu et le jeune roi gagna encore une fois.

— « Choisis ton gain et réfléchis bien à ce que tu vas me demander » dit le Gruagach.

— Je choisis la pouliche aux longs poils bruns. » répondit le jeune roi.

Ils se dirigèrent ensemble vers l’écurie et s'approchèrent de la pouliche aux poils bruns. Le jeune roi la fit sortir de l'écurie et l'enfourcha; elle s’éloigna en boitillant, mais elle n’avait pas fait cent pas qu’elle galopa plus vite que le vent. Le jeune roi fut surpris de sa vitesse et de sa fougue! Il mit très peu de temps à regagner sa demeure. Sa femme lui tendit les bras et tous deux allèrent se coucher.


Le troisième jour, bien reposé, le jeune roi se leva pour retourner jouer au Gwezboell contre le Gruagach.

— « J’aimerais que tu arrêtes de jouer avec mon père, car je connais ses pouvoirs qui sont puissants et je sais que s'il gagne il te fera beaucoup demal. »lui dit sa femme,

—« J'irai pourtant, jouer contre lui aujourd'hui. » Répondit le jeune roi.

Le jeune roi partit et fut accueilli par le Gruagach tout joyeux.

_ «Ainsi! Te revoilà!  Viens-tu pour jouer une nouvelle partie ?» dit-il.

— « Me voici devant toi, prêt à en découdre! »

_ « Si tu veux vraiment jouer contre moi, laisses-moi me placer près de la fenêtre et choisir le camp du roi. » dit le Gruagach.

Ils jouèrent et, malheureusement pour le jeune roi, ce fut le Gruagach qui gagna.

_ «Choisis ta récompense, dit le jeune roi d'Easaidh»

Le Gruagach lui répondit:

— « Je ne demande pas grand-chose. Ecoutes-moi bien: je t'ordonne de me rapporter le glaive de lumière du roi des Fenêtres de chêne avant la fin de l'année. Si tu échoues j’obligerai par le pouvoir de mes charmes et de mes conjurations, la fille tondue à la peau rude à te trancher le cou ta tête et ton cou afin que ta vie s'échappe. »

Le jeune roi regagna sa demeure plein de tristesse, de douleur et d'ennui. La jeune reine vint à sa rencontre et lui dit:

— « Hélas! je crois que cette fois-ci, c’est mon père qui a gagné la partie! »

Sa figure et sa beauté touchèrent le jeune roi dès qu'il vit son front charmant, mais quand il s'assit sur son siège et qu'il attira sa femme vers lui, son cœur était si pesant que le siège se brisa sous lui!

— « Quelle est la cause de ton chagrin, et qui t'empêche de me la dire? »lui demanda la jeune reine.

Le jeune roi lui raconta ce qui lui était arrivé.

—« Pourquoi pleurer et rester songeur? N'as-tu pas la meilleure femme d'Erin et le second meilleur cheval d'Érin? Écoute-moi bien, je vais t’expliquer comment sortir vainqueur de cette épreuve »


Le lendemain, le jour parut de bonne heure, mais trouva la jeune reine déjà debout et affairée; elle tout mis en ordre, car le jeune roi devait partir pour se rendre auprès du du roi des fenêtres de chêne. Elle bichonna la pouliche aux longs poils bruns, et bien que la selle fût de bois, elle étincelait comme si elle était d'or et d'argent.

Le jeune roi sauta sur le cheval. La jeune reine lui baisa la botte gauche et lui souhaita la victoire sur les champs de bataille.

— « Ecoutes-moi bien, si tu es dans l’embarras n'hésite pas à prendre conseil auprès de ta Pouliche; elle saura te dire ce qu'il faudra faire ».

Le Jeune Roi partit, heureux de monter son brun coursier rapide comme le vent. La pouliche était si rapide qu’elle dépassait la vitesse du vent de mars, sans que le vent de mars puisse jamais la rattraper!

A la tombée de la nuit ils arrivèrent au château du roi des Fenêtres de chêne.

La brune Pouliche lui dit:

— « Nous voici au terme de notre voyage, nous n'irons pas plus loin; Ecoutes-moi bien car je vais te conduire à l'endroit où le glaive de lumière est caché. Il faudra le saisir délicatement afin de ne pas réveiller le Roi des Fenêtres de chêne, et si tu arrives à t’en emparer sans le faire grincer ni crier, nous pourrons reprendre tranquillement notre route. En ce moment le Roi des Fenêtres de chêne dîne et le glaive de lumière est rangé dans sa chambre. Au bout de l'épée il y a un boutone n argent que tu saisiras, et ainsi tu tireras doucement l’épée hors du fourreau.

Le jeune roi d'Easaidh s'approcha de la fenêtre de la chambre du Roi, là où était l'épée. Il la saisit, et elle vint à lui doucement jusqu'à ce qu'elle fut pratiquement sortie de son fourreau, mais alors elle fit une sorte de grincement.

—«  Partons sans plus tarder » dit la pouliche « Par ce grincement le roi a été averti que nous prenions l'épée ».

Le jeune roi prit l'épée dans sa main, et ils s'enfuirent. Lorsqu'il firent cent pas,

_ « Retourne toi et regarde ce qui vient derrière nous. »

— « Je vois une troupe de chevaux bruns lancée au grand galop ».

— 3 ce n’est pas grave, je suis certainement plus rapide qu’eux », dit la pouliche.


Ils continuèrent leur chemin, et quand ils furent éloignés à une bonne distance la pouliche demanda au jeune roi:

_ « Retourne toi et regarde encore ce qui vient derrière nous. »

— « Je vois une troupe de chevaux noirs; et l'un d'eux est noir avec sa face est blanche. Un cavalier est surmonté sur son dos et il court comme le vent »

—«  C'est mon frère, le meilleur cheval d'Érin. Il est plus rapide que moi car il a eu droit à trois mois de nourrice de plus que moi. Quand il nous rejoindra, emporté par sa vitesse, il passera près de nous comme un tourbillon. Il te faudra couper la tête du Roi des fenêtres de chêne qui le monte avec l’épée que tu viens de dérober.

Quand le cavalier passa, il tourna la tête pour regarder le jeune roi, et celui-ci brandit l'épée et coupa la tête du cavalier qui serait tombée à terre si la pouliche aux longs poils bruns ne l’avait pas saisie dans sa bouche.

A ce moment, la pouliche cria :

_ »Saute sur le cheval noir, et rentre à ton palais de toute la vitesse de ton cheval.Ne t’inquiètes pour moi, je te suivrai du mieux que je pourrai. »

Le jeune roi sauta sur le cheval noir coursier et atteignit sa demeure avant le jour.


La jeune reine n'avait pas eu une seconde de repos depuis le départ de son mari. Quand ils furent réunis, ils entonnèrent des chants de joie et oublièrent tous leurs chagrins.

le lendemain matin, bien reposé, le jeune roi se leva et dit à sa femme:

— « Il faut que j'aille voir le Gruagach pour savoir si ses charmes sont conjurés. »

— « Fais bien attention le Gruagach ne sera pas affable comme d’habitude. Il viendra à toi en colère, et te dira: «As-tu l'épée?» Tu lui répondras que tu l'as. Il te demandera : « Comment as-tu fait?» et tu lui répondras: « Sans le bouton en argent qui est au bout de l'épée je n'aurais pu m'en emparer. » Alors le Gruagach se baissera pour voir le bouton qui est à la pointe du pommeau, et tu apercevras un tatouage sur le côté droit de son cou; perce le à cet endroit grâce au glaive. Et ne rates pas ton coup sinon nous sommes perdus tous les deux car dans l'épée est la mort des deux frères, mais aucune autre que celle-ci ne peut les blesser. Le roi des Fenêtres de chêne était son frère, et le Gruagach sait que l'épée n'est sortie des mains de son frère que s'il a perdu la vie. »


Disant ces mots, la jeune reine le baisa, le bénit et appela sur lui la victoire sur les champs de bataille, puis elle sortit.

Le Gruagach rencontra le jeune roi au lieu même où il était auparavant.

_« As tu le glaive de lumière? » demanda-t-il.

— «  Évidemment que je l'ai. Sinon je ne serai pas venu »

— « Comment as-tu fait pour t’en emparer ? »

— « Sans le bouton qui est à la pointe du pommeau je n'aurais pu m'en emparer. »

— « Laisse-moi voir l'épée de plus près. »

— « Je le veux bien, mais je te rappelle que ne suis pas forcé de te la montrer. »

Le Gruagach baissa la tête pour regarder le glaive de lumière; le roi vit le tatouage, et il enfonça son épée dans le cou du Gruagach et le Gruagach tomba mort.

Le jeune roi regagna sa demeure et trouva ses gardes et ses sentinelles liés dos à dos. Femme, chevaux, tout avait été enlevé. Quand il eut détaché ses gens, ils lui dirent:

— « Un grand géant est venu pour venger la mort de ses deux frères et a emmené ta femme et tes deux chevaux. »

— « Je ne trouverai pas le repos avant d’avoir libéré ma femme et mes deux chevaux. »

Ce disant, il continua sa route. Il marcha sur les traces de ses chevaux. La nuit tomba, mais il continua à marcher jusqu’à ce qu’il arrive à la lisière d'un bois verdoyant. Il y vit l'emplacement d'un foyer prêt être allumé. Il y mit le feu et se décida à passer la nuit tout à côté.

Alors qu’il était allongé Cu Seang - le chien sortit du bois verdoyant et s'approcha de lui. Le jeune roi salua le chien et le chien le salua en retour et lui dit :

—«  Ta femme était triste quand elle est passée ici et tes deux chevaux marchaient la tête basse la nuit dernière derrière le grand géant. »

— « Ce que tu me dis augmente mon souci et les peines qui m’écrasent depuis que je suis leurs traces. Mais que puis-je faire? »

— « Jeune Roi, il faut tout d’abord que tu ne restes pas sans nourriture. »

Le chien retourna dans le bois puis en ressortit en portant du gibier. Pendant qu’ils margeaient, le jeune roi dit.

— « Je ferais peut-être mieux de retourner chez moi, puisque je n’arrive pas à rattraper le géant. »

— « Ne perds pas courage, et ne renonce pas à ton projet. Reste ici et essaie de dormir. »

— « La crainte m’empêchera de dormir si je n’ai personne pour me protéger durant mon sommeil. »

— « Dors », dit le chien, « je monterai la garde. »

Le jeune roi s’allongea près du feu et s'endormit.

Quand le soleil se leva, le chien dit au jeune roi:

—« Lève toi, mange pour avoir la force de poursuivre ton voyage. Et si la fatigue ou les difficultés t'accablent, appelle-moi à l’aide et j’arriverai en un instant. »


Avant de se séparer, ils se bénirent l'un l'autre puis le jeune roi s'éloigna. Quand tomba la seconde nuit, il se trouvait au bord d'un précipice. Il y vit l'emplacement d'un foyer prêt être allumé. Il y mit le feu et se décida à passer la nuit tout à côté. Il commençait à peine à se réchauffer que le vieux Faucon du rocher gris s'approcha et lui dit :

— « Ta femme était triste quand elle est passée ici et tes deux chevaux marchaient la tête basse quand ils passèrent ici la nuit dernière derrière le grand géant. »

— « Ce que tu me dis augmente mon souci et les peines qui m’écrasent depuis que je suis leurs traces. Mais que puis-je faire? »

— « Jeune Roi, il faut tout d’abord que tu ne restes pas sans nourriture. »

—«  J’ai les mains vides. Comment pourrais-je m’en procurer? » dit le jeune roi.

— « Nous n’aurons pas longtemps à attendre, » répondit l'oiseau.


Le vieux Faucon du rocher gris s'envola et revint rapidement, portant dans son bec trois canards et huit coqs de bruyère. Ils préparèrent le repas et mangèrent.

— « Il ne faut pas que tu restes sans dormir, » dit le Faucon.

—«  Comment dormir si je n’ai pas un garde qui éloigne de moi tout danger? »

— « Dors, jeune roi, je serai ton gardien. »

Le jeune roi se coucha et s’endormit.

Au matin, le Faucon le réveilla.

— « Souviens-toi, jeune roi, de réclamer mon aide si la fatigue et les difficultés t'assaillaient. »


Ragaillardi, le jeune roi reprit sa route. La troisième nuit s'approchait et il arriva au bord d'une grande rivière et il y trouva les restes d'un foyer. Le jeune roi souffla avec force sur une petite étincelle de feu qui dormait sous la cendre. Il était là depuis peu que la Loutre brune de la rivière vint lui tenir compagnie

— « Ta femme était triste quand elle est passée ici et tes deux chevaux marchaient la tête basse quand ils passèrent ici la nuit dernière derrière le grand géant. »

— « J'ai eu mon lot de peine et de chagrin depuis que je suis à leur recherche ».

— « Prends courage; je t’affirme qu’avant demain midi tu reverras ta femme. Mais, jeune roi, ne reste pas sans force, prends un peu nourriture. »


—«  Comment puis-je me procurer de la nourriture ici? dit le jeune roi.

La Loutre plongea dans la rivière et ressortit avec trois magnifiques saumons. Ils préparèrent le repas et mangèrent.

La Loutre dit au roi:

_« Maintenant, il te faut dormir. »

— «  Mais qui veillera sur moi pendant mon sommeil? »

—«  Dors et je serai ta gardienne. »

Le jeune roi s'endormit. Au matin, la Loutre lui dit:

—«  Crois-moi, cette nuit tu seras en présence de ta femme. »

Le jeune roi quitta la Loutre en la bénissant.

— «  Et si la fatigue ou les difficultés t'accablent, appelle-moi à l’aide et j’arriverai en un instant, réclame mon aide et tu l'auras. »

Le jeune roi marcha jusqu'à ce qu'il fut sur un rocher; il regarda dans l'abîme au-dessous du rocher

et il aperçut sa femme et ses deux chevaux très loin au dessous de lui. Il se demanda comment il pourrait faire pour parvenir près d'eux au fond du ravin. Il contourna le rocher et découvrit un petit chemin qui y menait. Il pénétra dans le précipice et quand sa femme le vit, elle se prit à pleurer.

— «  Ma mie, il est inutile de continuer à te désoler ainsi , je suis enfin à côté de toi. »

Les deux chevaux dirent :

_ « Que le jeune roi se place devant nous, ainsi nous pourrons protéger ses arrières jusqu'à ce que nous partions d'ici. »

La jeune reine fit manger son époux puis elle le cacha près de la mangeoire des chevaux.


Lorsque le Géant arriva, il s'écria:

— « Il y a ici une odeur d'étranger! »

— « Oh! répondit la reine, mon trésor! ma joie! il n'y a d'autre odeur ici que celle de la litière des chevaux ! »

Alors le Géant alla donner à manger aux chevaux; ceux-ci se jetèrent sur lui et le piétinèrent et c'est en rampant avec beaucoup de peine que le Géant put leur échapper.

La jeune reine s’approcha du géant et lui dit :

_  « Cher être, mon trésor! ma joie, ils ont failli te tuer. »

— « Si mon âme était à l’intérieur de mon corps, il y a longtemps qu'ils m'auraient tué, dit le Géant.

— « Cher ami, si ton âme n’est pas dans ton corps, dis-moi où elle est afin que je puisse veiller sur elle. »

Méfiant,e géant regarda la jeune reine et dit :

— « Mon âme est dans la pierre du Bonnach. »


Le lendemain matin, quand le Géant partit, la jeune reine se leva et nettoya de son mieux la pierre du Bonnach. A la tombée de la nuit, le Géant rentra. La jeune reine replaça son époux devant les deux chevaux.

Le Géant voulut donner à manger aux chevaux, mais encore une fois ceux-ci le piétinèrent.

_ « Pourquoi as-tu nettoyé ainsi la pierre du Bonnach? » Demanda le Géant à la jeune reine.

— « Parce que tu m’as dit que ton âme est en elle! » reprit la reine.

— « Je crois que tes intentions sont bonnes et que si tu savais où est vraiment mon âme, tu lui témoignerais du respect. »

— « N’en doutes pas » répondit la jeune reine.

— «  Je t’avais dit que Mon âme est dans la pierre du Bonnach pour te juger. Ce n'est pas vrai, mon âme est tout à côté, elle est dans le seuil de la porte. »


Le lendemain matin, quand le Géant partit, la jeune reine rendit le seuil aussi brillant qu'elle put. Quand le Géant revint, il alla donner à manger aux chevaux et ceux-ci le piétinèrent encore une fois.

_ « Pourquoi as-tu ainsi nettoyé le seuil? » dit le Géant.

— « Parce que tu m’as dit que ton âme est en elle! » reprit la reine.

— Je vois que si tu savais où est mon âme, tu en prendrais soin.

— « N’en doutes pas » répondit la jeune reine.

— « Ce n'est pas là qu'est mon âme », dit-il.  « Sous le seuil de la porte il y a une grande dalle, sous la dalle il y a un mouton, dans le ventre du mouton il y a un canard, dans le ventre du canard il y a un œuf et dans l'œuf il y a mon âme. »


Quand le Géant fut parti le lendemain, le jeune roi et sa femme unirent leurs efforts pour lever la dalle. Quand ils levèrent la dalle,le mouton s'enfuit.

_ « Comment faire pour rattraper le mouton ? » dit la jeune reine.

— « Si le chien du bois verdoyant était ici, il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour ramener ce mouton », s'écria le jeune roi.

Entendant le cri du jeune roi, le chien du bois verdoyant arriva avec le mouton dans la gueule.


Lorsque le jeune roi et sa femme ouvrirent le ventre du mouton, le canard s'envola à tire-d'aile et se posa au milieu d’autres canards.

— « Si le vieux Faucon du rocher gris était ici, il ne serait pas long à ramener ce canard.

Et le vieux Faucon du rocher gris rapporta le canard dans son bec.

Lorsque le jeune roi et sa femme fendirent le ventre du canard pour prendre l'œuf, l'œuf roula dans les profondeurs du Loch.

— « Si la Loutre brune de la rivière était ici, elle ne serait pas longue à repêcher cet œuf. »

Et la Loutre brune parut avec l'œuf dans sa bouche.


Alors, la jeune reine prit l'œuf et l'écrasa entre ses mains. Le Géant revint à la nuit, mais comme elle avait brisé l'œuf, le Géant tomba mort en passant le seuil de la porte et ne s'est jamais relevé depuis .

Le jeune roi et sa femme remplirent des sacs et des coffres avec beaucoup d'or et d'argent . Puis ils passèrent une nuit joyeuse avec la Loutre brune de la rivière, une nuit avec le vieux Faucon du rocher gris et une autre nuit avec le Chien du bois verdoyant.

De retour chez eux, le jeune roi et la jeune reine préparèrent un grand festin, et vécurent heureux et prospères le reste de leur vie.