Le festin du loup
El festín fracasado del lobo
ASTURIES
Traduction : Armanel - conteur
Le
festin raté du loup
qui péta en se réveillant
Un
loup se leva très tôt un matin et étira tous ses membres. Et en
s'étirant, il lâcha un pet sonore et dit :
— C'est bon signe
! Grâce à Dieu d’après ce que j'ai entendu je sais que je serai
heureux et comblé d’un repas copieux car c’est ce que m'a prédit
ma queue en sonnant.
Et
le loup partit donc à l'aventure. Il trouva une couenne de porc qui
était tombée de la besace de muletiers, et quand il la sentit, il
décida de la jeter loin de lui et dit :
—Je ne te mangerai
parce que tu sens vraiment mauvais et je sais d’avance que je vais
être barbouillé et que mon ventre va gargouiller horriblement.
Aujourd'hui, je dois rester digne et présentable car ce matin ma
queue a sonné.
Et en allant plus loin le loup trouva un large
morceau de lard salé dur comme un galet qui traînait sur le bord de
la route. Et en le retournant du bout de sa patte il disait :
—
Je ne mangerai pas de toi non plus, car ce matin ma queue a sonné.
Et
en descendant dans une vallée, il aperçut une jument et son poulain
qui étaient en train de brouter. Le loup se dit: « Dieu !merci! Je
savais bien que j'allais être récompensé par une nourriture digne
de moi."
Et
s'approchant de la jument, il lui dit :
—Bonjour ma sœur, me
voici près de toi et je dois te dire que j'ai très faim. Alors,
s'il te plaît, donnes-moi ton fils afin que je puisse manger.
La
jument répond :
— Vos désirs sont des ordres. Mais,
monseigneur, il faut que vous sachiez que hier en marchant, j'ai
planté un épine dans un de mes pieds. Je vous en supplie, puisque
vous semblez être savant comme un médecin ou un chirurgien célèbre,
regardez-le et guérissez-moi d'abord. Ensuite nous serons tout à
votre disposition et vous mangerez mon fils à votre gré.
Flatté
par les compliments de la jument, le loup s'approcha du pied afin de
retirer l'épine. Alors la jument lui donna un gros coup de pied au
milieu du front qui l’envoya toucher le sol à vingt mètres de là.
Et aussitôt elle s’enfuit au grand galop, suivie de son fils, vers
les montagnes et fut libérée du danger.
Le loup, reprenant ses
esprits et regroupant ses forces, se dit : « Je dois absolument
laver l’affront de cette insulte, parce que sinon je serai
déshonoré. N’oublions pas que ce matin ma queue a sonné"
Et en continuant son chemin il a rencontré deux béliers qui se disputaient dans un pré. Le loup se disait :", Il est tout à fait certain que la jument et son fils doivent être loin maintenant. Mais Dieu merci! Voici le festin qu’il me fallait".
Et
s'approchant des béliers, il les salua et dit :
— Bonjour mes
frères, me voici près de vous et j’ai grand faim, préparez-vous à
ce que l'un de vous me serve de repas !
Le
premier bélier lui répondit :
— Qu'il soit fait comme bon
vous semble, mais avant, nous vous prions de nous départager et que
vous nous disiez en un mot ou en cent à qui revient ce pré qui
appartenait à nos pères, car nous n’arrivons pas nous mettre
d’accord et nous ne sommes pas assez riche pour aller de procès en
procès. Nous nous disputons et nous disputons. Et vous voici face à
nous. Servez-nous d’arbitre.
Le loup répondit :
— Je
le ferai avec plaisir, mais je ne sais pas de quelle manière je vais
pouvoir vous départager.
Alors le deuxième bélier dit
:
—Seigneur, puisque vous me demandez comment faire, voici
comment il faut vous y prendre: Mettez-vous au milieu du pré, et
nous nous irons chacun à un bout du pré. Puis, à votre signal,
nous nous lancerons ensemble vers là où vous serez et celui qui
vous atteindra le premier aura le pré, et vous mangerez l’autre.
Le
loup répondit :
—Nous allons faire comme ça, car cela me
semble une bonne méthode.
Et alors les béliers s'en allèrent
chacun dans leur direction, puis ils coururent avec une grande
vitesse et impétuosité vers le milieu du pré où se trouvait le
loup. Et quand ils y arrivèrent, ils écrasèrent le loup des deux
côtés.
Le double coup fut si violent que le loup tomba à
terre, les côtes brisées, et à moitié mort. Mais peu à peu,
revenant à lui, il dit :
« Je pense que je suis guérirai rapidement de ces blessures puisque ce matin ma queue a sonné..
A
ce moment-là, une truie et ses porcelets paissaient dans un pré au
bord d'une rivière. et le loup se dit :
— « Gloire à Dieu
! Je savais que viendrais le temps des viandes délicates !
Et
il dit à la truie :
— Sœur, je vais manger ta
progéniture.
Elle répondit:
— Monseigneur, il sera fait
comme vous l'entendez, mais sachez qu’ils ne sont pas encore lavés
selon ce que le rite de notre race nous ordonne. Je vous prie donc,
puisque la fortune vous a mis sur notre chemin, d’assurer notre
rite; lavez-les selon notre loi et choisissez ensuite parmi eux celui
qui vous plaît le plus.
Le loup lui demanda de lui montrer où
laver les porcelets et la truie lui montra la fontaine qui menait à
un canal du moulin en disant :
—Voici la fontaine
sanctifiée.
Et le loup, se vantant d'être prêtre, se plaça
au bord de la fontaine, prit un porcelet parmi ceux qui devaient être
mis à l'eau et être lavés selon cette cérémonie. La truie est
venue par derrière, lui donna un grand coup de groin en grognant de
fureur et le fit tomber dans le canal.
Et la force de l’eau
tumultueuse emporta le loup jusqu’à ce qu’il arrive à la roue
du moulin, où il se cramponna en hurlant un peu, car il était broyé
et souffrait dans toutes les parties son
corps.
Il arriva
à s’échapper avec beaucoup d’efforts, et s’enfuyant la queue
basse il se demanda s’il ne s’était pas trompé ce matin quand
sa
queue a sonné et que, finalement, ce
jour-là il n’aurait pas droit à un bon festin.