Traduction: Armanel - conteur
Il était une fois un homme qui s’appelait Ailean et qui vivait sur les côtes nord de l’Écosse, non loin de « Taigh Jan Crot Callow » (la maison de John-o'-Groat). Ailean gagnait sa vie en attrapant et en tuant toutes sortes de poisson, de toutes tailles et de toutes espèces.
Cet
homme, Ailean, préférait par dessus tout chasser ces merveilleuses
bêtes, mi-chien et mi-poisson, appelées « Roane », ou
phoques, parce qu’il obtenait un long prix pour leurs peaux, qui
sont aussi curieuses que précieuses.
Comme je vous dois la
vérité, je suis obligé de vous dire que la plupart de ces animaux
ne sont ni des chiens (malgré leur beau pelage) ni des morues ( bien
qu’ils aient une queue de grande taille), mais tout simplement des
fées, comme vous le montrera la narration de ce texte.
Un jour, Ailean, pêcheur infatigable, fut interpelé par un homme qui semblait être un étranger important au regard de ses habits et de la beauté de son cheval. Cet homme lui déclara qu’il avait été envoyé auprès de lui par une personne qui souhaitait passer un contrat pour une grande quantité de peaux de phoque.
L’étranger dit aussi que le pêcheur devait l’accompagner immédiatement pour rencontrer la personne qui voulait acheter les peaux, car il était nécessaire que la transaction soit réglée le soir-même.
Heureux à l’idée de faire une bonne affaire, Ailean obtempéra immédiatement et sans se poser de questions. Ils grimpèrent donc tous les deux sur le destrier appartenant à l’étranger, et prirent la route avec une telle vitesse que, bien que le vent soufflait dans leur dos, la rapidité de leur allure leur donnait l’impression qu’il fouettait leurs visages.
Ils arrivèrent au bord d’un précipice spectaculaire qui surplombait la mer, et l’étranger dit à Ailean qu’ils avaient atteint leur destination.
« Où est la personne dont vous m’avez parlé ? » demanda le tueur de phoques étonné.
--Vous la verrez dans pas longtemps, répondit l’étranger.
Sur ce, ils commencèrent à descendre la falaise et, voyant qu’Ailean commençait à avoir des soupçons qui lui traversaient l’esprit, l’étranger le saisit avec force et plongea tête baissée avec lui dans la mer. Après être descendus à une profondeur inimaginable, ils atteignirent enfin une porte qui, étant ouverte, les conduisit dans une rangée d’appartements, remplis d’habitants ; mais pas des êtres humains, Oh que non ; des phoques. Mais des phoques qui pouvaient néanmoins parler et se comporter comme des humains; Et, à sa grande surprise, Ailean a constaté qu’il avait lui-même été transformé en phoque. Je pense que s’il n’en avait pas été ainsi, il serait probablement mort étouffé ou noyé.
La nature des pensées du pauvre pêcheur sont certainement plus faciles, pour vous, à imaginer que, pour moi, à décrire. Aussi je continue mon histoire sans m’appesantir sur ce sujet.
En regardant la nature des bâtiments dans lesquels il avait atterri, Ailean se dit que tous espoir de s’échapper était vain et illusoire, et la mauvaise humeur apparente des phoques ne lui laissait pas présager un avenir radieux.
Le « Roane », qui semblait être le chef de tous ces phoques belliqueux, manifestait de la compassion pour Ailean et s’efforçait d’apaiser sa détresse en lui assurant qu’il était sous sa protection personnelle.
Aussi désespérée que fût sa situation, Ailean ne voulait pas être tué; il tomba à genoux et implora sincèrement la miséricorde du Roane. Mais, en fait, malgré leurs airs sévères, les pauvres animaux ne lui voulaient aucun mal, même si sa conduite sur terre le méritait. Il lui fut donc demandé de s’apaiser et cesser ses cris.
« Avez-vous déjà vu ce couteau auparavant ? » demanda l’étranger à Ailean.
Ailean reconnut immédiatement son couteau personnel, qu’il avait planté le matin même dans l’arrière train d’un phoque ; mais le phoque s’était échappé avec le couteau planté dans sa queue. Et Ailean reconnut que c’était le sien, car à quoi bon le nier ?
« Eh bien, reprit son guide, le phoque qui s’est échappé ce matin est mon père, et il est gravement malade depuis. Et il n’y a que vous qui puissiez le sauver. Je suis vraiment désolé de vous avoir menti, mais j’ai été obligé de recourir à la ruse pour vous amener jusqu’ici. »
Cela dit, il conduisit Ailean tremblant dans un autre appartement. Ailean s’attendait à chaque minute à être puni pour les mauvais traitements infligés au père du phoque. Arrivé dans le nouvel appartement, Ailean y trouva le phoque qu’il avait blessé le matin, souffrant d’une énorme coupure dans son quartier arrière. On demanda alors à Ailean de cicatriser la blessure avec sa main. Ailean passa sa main trois fois sur la blessure ce qui la guérit immédiatement, et le phoque sortit de son lit en parfaite santé.
Sur ce, la scène passa du deuil à la joie ; tout n’était plus que cris et joie.
Cependant, les sentiments du malheureux Ailean qui craignait sans doute à rester métamorphosé en phoque pour le reste de sa vie, étaient très différents. Mais son guide lui dit...
« Maintenant, monsieur, vous êtes libre de retourner auprès de votre femme et de votre famille, et je vais vous y conduire ; mais à cette condition expresse (à laquelle vous devez vous lier par un serment solennel), que vous ne mutilerez ni ne tuerez plus jamais un phoque de toute votre vie. »
Ailean accepta avec soulagement; et (le serment étant prêté en bonne et due forme), il fit ses adieux très cordialement et sincèrement à ses nouvelles connaissances. Suivant son guide, il sortit de cet endroit. Ils nagèrent jusqu’à ce qu’ils regagnent la surface de la mer, puis se rendent au sommet de la falaise, où ils trouvèrent leur cheval prêt pour un deuxième galop. Le guide a soufflé sur Ailean, et ils ont repris leurs apparences humaines. Ensuite, ils montèrent à cheval, et bien qu’ils avaient galopé plus vite que le vent vers le précipice, leur retour fut deux fois plus rapide; et Ailean fut déposé sur le seuil de sa maison, où son guide lui fit cadeau d’une bourse si bien remplie qu’elle lui donna envie qu’une autre expédition semblable se représente. La valeur que renfermait la bourse était telle qu’elle rendit sa perte de profession, (en ce qui concerne les phoques), une épreuve beaucoup moins difficile qu’Ailean ne l’avait d’abord envisagé.
Ailean :
variante gaélique écossaise du prénom normand Alain
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