Le Boudedeo
Armanel - Conteur
C’est
le nom que le peuple breton donne au prétendu Juif Errant, qu’il croit
courir sans cesse par le monde, sans communiquer avec personne.
On
donne le même nom aux personnes qui restent rarement dans la maison.
C’est le surnom amical qui avait été donné au grand
folkloriste breton F.-M. Luzel, toujours par monts et par vaux pour
collecter contes, gwerziou, sôniou.
Emile
Ernault, spécialiste du moyen breton, dans un article sur « Le mot
Dieu en breton », estime que « Boudedeo représente régulièrement
le français Boutedieu », forme attestée au XIIIe siècle sous la
plume de Philippe de Novare (Jehan Boute Dieu) ; à la même époque,
on dit en latin Joannes Buttadeus (Guido Bonatti), et, en italien,
Botadeo ou Butadio. Cette finale en - o avait suggéré à Gaston
Paris un emprunt du breton à l’italien; mais Émile Ernault
fait remarquer qu’« adieu donnant en breton adeo », on peut
avancer l’hypothèse d’une même évolution, « Boudedeo
représentant régulièrement le français Boutedieu ».
En Bretagne, dans une partie de dominos, quand un joueur se voit dans l'impossibilité de jouer il déclare : "Boud eo" pour signifier qu'il est "Hors jeu".
Le Boudedeo figure dans un corpus constitué de formulettes rimées, de complaintes en breton (gwerziou), ou en français, imprimées ou orales, diffusées par les chanteurs populaires, les colporteurs ; ces complaintes sur feuilles volantes, ou ces petits livrets de colportage sont accompagnés (ou non) d’images populaires, de bois gravés.
Les légendes isolées qui mettent en scène – comme protagoniste ou comparse - le Juif Errant, ont été assez souvent collectées en Bretagne et sont pour la plupart, brèves. En ce XIXe siècle, les croyances, les légendes liées au Juif Errant n’intéressent guère les collecteurs bretons, attentifs à aller à ce qui leur semble l’essentiel : les récits originaux, anciens-, sa collecte paraît moins urgente et moins noble. À l’évidence, elle a été négligée (d’où le petit nombre de témoignages) et recueillie sans passion, pour ainsi dire distraitement (d’où la brièveté, et le caractère allusif des récits)
On peut le regretter, car ces bribes de légendes, même si elles attestent de multiples contaminations entre le légendaire du Juif Errant et d’autres récits-types, font apparaître souvent ou des réinterprétations, des dérives intéressantes, ou aussi, mais à l’état isolé, les différents sèmes qui s’additionnent pour constituer la représentation du personnage.