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La quête des fils de Turenn

 Traduction : Armanel - conteur

Il y a bien longtemps, le peuple de Dana qui régnait sur Erinn, était oppressé par les Fomoires (des hordes de pillards) qui sillonnaient le pays et emmenaient les jeunes gens et jeunes filles en captivité. Ils imposaient aussi des impôts exorbitants; chaque pétrin, chaque meule à grains et chaque dalle à pain étaient taxés.

Si quelqu'un ne pouvait pas payer, on lui coupait le nez. Tout le pays tyrannisé gémissait, mais personne n'était arrivé à les mener unis au combat contre leurs oppresseurs.

 

I La mort de Kian

 

Avant la venue des Formoires, Kian, un seigneur Danaen avait épousé Ethlinn, fille de Balor, et princesse des Fomôré. Ils ont eu un fils nommé Lugh Lamfada (Lugh au Long Bras), qui a grandi en force et en beauté. Son corps était noble et puissant et son esprit aussi, car sa noblesse lui étaient venues du don des Immortels.

Lugh n'avait pas été élevé en Erinn, mais dans une île lointaine de la mer occidentale, où le dieu de la mer Mananan et les autres Immortels l'avaient nourri et instruit aussi bien à l’art la guerre qu'à la sagesse de la souveraineté.

Lugh a été informé de l'oppression cruelle et déshonorante exercée par les Fomôré sur le peuple de Dana, et Lugh a dit à ses précepteurs :

_« Je dois sauver mon père et le peuple d'Erinn de cette tyrannie ; laissez-moi aller là-bas et tenter ma chance. »

Ils lui ont répondu :

_« Va, et que la victoire soient avec toi. »

Lugh sa pris ses armes et chevauché son destrier féerique. Il a rassemblé ses amis et ses frères de lait et ils ont traversé la surface agitée des eaux, rapides comme le vent, jusqu'à ce qu'ils arrivent en Erinn.

 

Les chefs danéens étaient rassemblés sur la colline d'Usnach (qui se trouve à l'ouest de Tara, dans le Méath) pour payer leur tribut aux intendants des Fomôré (Formoires). Alors, ils ont vu une troupe à cheval qui venait de l'ouest menée par un jeune homme qui semblait les commander, et dont le visage était aussi rayonnant que le soleil par un jour sec d'été, de sorte que les Danéens pouvaient à peine le regarder. Ce jeune homme montait un cheval blanc, était armé d'une épée, et avait un casque serti de pierres précieuses.

Les Danéens l'ont accueilli, lui ont demandé son nom et ce qu'il venait faire. En même temps, une autre troupe s'approchait, au nombre de neuf fois neuf ; c’étaient les intendants des Fomôré qui venaient réclamer leur tribut. Lorsque ces hommes au visage féroce et basané sec sont avancés avec arrogance, tous les Danaens se sont levés pour leur rendre hommage. Alors Lug a dit :

_ « Pourquoi vous êtes-vous devant cette bande mal famée et pas devant nous ? »

Le roi d'Erinn lui a répondu :

_« Nous devons le faire, car s'ils voyaient ne serait-ce qu’un enfant d'un mois assis quand ils s'approchent, cela leur suffirait pour nous attaquer et nous tuer. »

Alors Lugh  a dit et répété plusieurs fois :

_ « J'ai envie de les tuer, j'en ai vraiment envie. »

_ « Ce serait mauvais pour nous car notre mort et notre destruction s’ensuivraient. » a déclaré le roi

_ « Vous êtes opprimés depuis trop longtemps »,a  dit Lugh avant de donner l'ordre d'attaquer.

 

Lugh et ses compagnons se sont rués sur les Fomôré, et la colline résonna des coups et des cris des guerriers. Rapidement, tous les Fomôré gisaient à terre sauf neuf hommes, qui capturés vivants et amenés devant Lugh qui leur a dit :

_ « Vous aussi, vous devriez être tués mais je vais vous envoyer comme ambassadeurs auprès de votre roi. Dites-lui qu'il peut désormais demander hommage et tribut où il veut, sauf en Irlande ne lui en paiera plus jamais. »

Dès que les neufs Fomôré sont repartis vers le nord, le peuple de Dana s’est préparé pour la guerre, et fa désigné  Lug comme capitaine et seigneur de guerre car ils regrettaient d'avoir enduré cet esclavage si longtemps.

 

Quand, Balor aux Coups Puissants, roi des Fomoires, et sa reine Kethlinn aux Dents Tordues, font été informés de la mort de leurs intendants, ils ont rassemblé une grande armée de marins et équipé leurs navires de guerre ; la mer du Nord était blanche de l'écume de leurs rames lorsqu'ils s'avançaient vers les côtes d'Erinn et Balor leur a donné l’ordre  suivant:

_ « Lorsque vous aurez entièrement détruit et soumis le peuple de Dana, attachez vos navires avec des câbles au pays d'Erinn, et remorquez-les ici au nord de nous, dans la région de glace et de neige, et ils ne nous embêterons plus. »

L'armée de Balor s'est emparé des terres près des chutes de Dara, et a piller et dévasté la province de Connacht.

 

Alors Lugh a envoyé des messagers pour rassembler son armée, dont son propre père, Kian, fils de Canta. Et alors que Kian se dirigeait vers le nord pour rameuter les hommes d'Ulster, et qu'il arrivait dans la plaine de Murthemny près de Dundealga il a vu trois guerriers armés qui traversaient la plaine. Or ces trois-là étaient les fils de Turenn, nommés Brian, Iuchar et Iucharba. Et comme il y avait une ancienne querelle de sang entre la maison de Canta et la maison de Turenn, ils ne se rencontraient jamais sans verser le sang.

 

En les voyant Kian s’est dit :

_« Si seulement mes frères Cu et Kethan étaient là, nous aurions pu leur faire face, mais ils sont trois contre un, je ferais donc mieux de fuir. »

Or, il y avait un troupeau de porcs sauvages à proximité ; et Kian, à l’aide de ses pouvoirs druidiques, s’est transformé en cochon sauvage.

Lorsque les fils de Turenn sont arrivés près du troupeau, Brian a dit :

_« Frères, avez-vous vu le guerrier qui traversait la plaine ? »

_ « Nous l'avons vu ».

_ « A votre avis, qu'est-il devenu ? » leur a demandé Brian.

_ « Nous ne savons pas ».

_ « Il faut avoir l’esprit vif en temps de guerre ! » A dit Brian « et je sais comment il a  disparu à notre vue :Il s’est lancé un sortilège et s'est transformé en l'un de ces porcs. C'est pourquoi je pense qu'il n'est pas un ami. »

_ « Si c'est le cas, nous ne pouvons rein faire contre lui car si nous nous mettions à tuer tous les porcs, il pourrait quand même nous échapper. »

_ « Êtes-vous si ignares, que vous ne puissiez distinguer une bête ensorcelée d'une bête naturelle ? » a crié Brian,

Et Brian a frappé ses deux frères d'un coup de baguette magique, les transformant en deux chiens minces et rapides qui se sont élancés au milieu du troupeau et ont isolé le cochon druidique qu’ils ont poursuivi vers un bois où Brian l'attendait. Brian a projeté sa lance qui a transpercé la poitrine du cochon. Le cochon a hurlé :

_ « Vous avez eu tort de me frapper. »

Brian a dit :

_« Ce cochon parle comme un humain ! »

_ « Je suis un homme en vérité. Je suis Kian, fils de Canta, et je vous prie de m’accorder miséricorde. »

_ « Bien sûr, et nous sommes désolés de ce qui est arrivé. »ont dit Iuchar et Iucharba,

_ « Certainement pas, » a contredit Brian, « Et je peux te jurer,par le Vent et le Soleil, que si tu avais sept vies, je les prendrais toutes. »

_ « Accorde-moi une faveur alors », a de Kian.

_ « Nous l’accorderons », dit Brian.

_ « Laisse-moi quitter ce corps de cochon afin que je puisse mourir sous la forme d'un homme. »

_ « Accordé, car j'aurais préféré tuer un homme plutôt qu'un cochon », a répondu Brian.

 

Alors Kian redevenu homme s’est redressé devant eux, le sang coulant de sa poitrine.

_ « Je vous ai déjoué, car si vous aviez tué un cochon, vous auriez payé l'éric (rançon) pour la mort d’un cochon, maintenant vous devrez payer l'éric pour la mort d'un homme. Jamais il n'y a eu d'éric plus grand dans le pays d'Erinn que celui que vous devrez payer, et je jure que les armes mêmes avec lesquelles vous me tuerez raconteront l'histoire au vengeur du sang. »

_ « Alors tu seras tué sans aucune arme », a hurlé Brian.

Les trios frères ont ramassé des pierres dans la plaine de Murthemny et ont lapidé Kian jusqu’à ce qu'il meure. Puis ils l’ont enterré profondément et se sont dirigés vers Lugh et son armée.

 

II _ L’éric pour Kian

 

Lugh a conduit son armée dans le Connacht, et repoussé les Fomoires vers leurs navires. Lorsque Lugh a demandé comment son père s'était comporté au combat, on lui a répondu que personne ne l’avait vu . Alors Lugh chercha Kian parmi les morts, mais ne le trouva pas.

_ « Kian vivant aurait été présent ici. Je jure, par le Vent et le Soleil, que je ne mangerai ni ne boirai tant que je ne saurais pas ce qui lui est arrivé. »

 

Au retour, les Danéens ont traversé la plaine de Murthemny, et les pierres ont crié et raconté à Lug le crime des fils de Turenn. Lug a fait creuser une tombe digne pour le corps de son père qui n'était qu'un amas de blessures. En embrassant son père Lugh s'est écrié :

_ « Je suis malade à cause de ce spectacle horrible, mes yeux sont aveugles, mes oreilles sont sourdes, mon cœur est figé. Ô dieux que j'adore, pourquoi n'étais-je pas là quand ce crime a été commis ? »

Lugh se lamentait pendant que Kian était déposé dans sa nouvelle tombe. Un pilier de pierre avec son nom écrit en ogham  a été érigé au sommet du tumulus qui a recouvert cette tombe tandis qu’un chant funèbre s’élevait

Avant de partir pour Tara, à la cour du Haut Roi, Lugh a ordonné à son peuple de ne rien dire de ce qui était arrivé.

Le roi a placé Lugh à sa droite devant tous les princes et seigneurs du peuple danéen. Lugh regardait autour de lui et a vu les fils de Turenn assis parmi les meilleurs car personne ne s'était mieux comporté qu’eux dans le combat contre les écumeurs des mers. Alors Lugh a demandé au roi la permission de briser la chaîne du silence. Et Lugh a dit :

_ « Ô roi, et vous, princes du peuple de Dana, je vous demande quelle vengeance chacun de vous exercerait sur un homme qui aurait horriblement assassiné votre père ? »

Alors ils furent tous étonnés, et le roi a répondu

_ « Je ne tuerais pas le meurtrier de mon père en un jour, mais je lui arracherais un membre jour après jour jusqu'à ce qu'il meure. »

Tous les princes des Danaens, et les fils de Turenn ont acquiescé.

_ « Les meurtriers de mon père se sont condamnés eux-mêmes » a dit Lugh. « Mais je me contenterai d’un éric s'ils veulent le payer.S inon qu'ils prennent garde à ne pas quitter la salle Tara avant d'avoir donné satisfaction à mon honneur. »

_ « C'est de nous que Lugh parle, chuchotaient Iuchar et Iucharba, confessons-nous et acceptons l'éric. »

_ « Non », a dit Brian, « il cherche une confession ouverte, car alors il pourra refusez un Eric. »

Les deux frères ont dit à Brian :

_ « Confesse-toi, parce que tu es l'aîné ; sinon, nous le ferons. »

Alors Brian, fils de Turenn, s’est levé et a dit à Lugh :

_ « C'est de nous que tu parles, Lugh, car tu sais qu'il y a une inimitié de longue date entre nos maisons ; et si tu crois que nous avons tué ton père, alors annonce notre eric et nous le paierons. »

« Je vais vous imposer un eric, dit Lugh, et s'il vous semble trop grand, je vous en ferai grâce. »

_ « Nous t’écoutons», ont dit les Fils de Turenn.

_ « Voici ce que je demande », a dit Lugh.

                   _ Trois pommes.

                   _ La peau d'un cochon.

                   _ Une lance.

                   _ Deux chevaux et un char.

                   _ Sept porcs.

                   _ Un petit chien.

                   _ Une broche de cuisine.

                   _ Trois cris sur une colline.»

 

_ « Cela ne nous paraît pas exorbitant,  mais nous pensons que tu as un plan secret contre nous. » ont déclaré les Fils de Turenn,

_ « Je considère que l’Éric est suffisant et je n'en demanderai pas davantage. Le Haut Roi et les seigneurs des Danaens en sont témoins. Et vous, donnez-moi des garanties quand à l'accomplissement de cette promesse. » a dit Lugh

Le Haut Roi et les seigneurs des Danaens s'’accordèrent avec Lugh et avec les Fils de Turenn pour que l'éric soit payé afin d’essuyer le sang de Kian. Ensuite Lugh a pris la parole :

_ « Maintenant, je vais vous donner des précisions sur cet éric :

                   _ Les trois pommes sont celles qui poussent dans le jardin des Hespérides, à l'est du monde. Elles ont la couleur de l’or et sont aussi grosses que la tête d'un enfant d'un mois et leur chair a le goût  du miel. Si celui qui les mange a une plaie ou une maladie grave, elles sont guéries par elles. Et elles peuvent être mangées à volonté sans jamais diminuer de taille.

Je doute que vous obteniez ces pommes, car une ancienne prophétie selon laquelle trois chevaliers du monde occidental viendront un jour essayer de les voler est bien connue ceux qui les gardent.

                   _ La peau du cochon, fait partie du trésor de Tuish, le roi de Grèce. Si on la met sur un homme blessé, elle le rend sain et sauf, et lui redonne le souffle de vie.

                   _ La lance, c'est la lance empoisonnée de Peisear, le roi de Perse. L'esprit de guerre y est si grand qu'il faut la conserver dans un pot d'herbes soporifiques.

                   _ Les chevaux et le char appartiennent à Dobar, roi de Sicile. Ces chevaux magiques peuvent se déplacer sur terre et sur mer, et ne peuvent être tués par aucune arme à moins d’être déchirés en morceaux.

                   _ Les sept cochons sont les porcs d'Asal, roi des Colonnes d'or, qui peuvent être tués et mangés chaque nuit et renaître le lendemain matin.

                   _ Le chiot est le chiot du roi d'Irlande, qui peut attraper et tuer n'importe quelle bête au monde ..

                   _ La broche de cuisine est l'une des broches que les fées de l'île de Finchory ont dans leur cuisine.

                   _ La colline sur laquelle vous devez pousser trois cris est la colline où habite Mochaen, au nord de Lochlann. Or, Mochaen et ses fils ont pour mission sacrée de ne permettre à personne de pousser un cri sur leur colline. C'est avec Moachen que mon père a été formé aux armes, et si je vous pardonnais sa mort, Mochaen ne la pardonnerait jamais.

_ « Désormais,  vous savez combien va vous coûter le meurtre de Kian, fils de Canta. »

 

III _ Les pommes du jardin des Hespérides

 

Les Fils de Turenn ont été frappés de stupeur quand ils ont compris l'éric de Lugh, et ils sont rentrés pour rapporter la nouvelle à leur père.

_ « C'est une histoire terrible dit Turenn. Je pense que la quête de cet éric vous fatale. Mais, si Lugh ou Mananan vous aident, vous pourrez l'obtenir. Retournez voir Lugh et demandez-lui de vous prêter le destrier féerique de Mananan, qui lui a été donné pour traverser la mer jusqu'à Erinn. Il refusera, car le destrier ne lui a été que prêté et qu'il ne peut pas vous prêter un prêt. Demandez-lui ensuite de vous prêter le Balayeur d'Océan, qui est le bateau magique de Mananan, et il devra vous le donner, car Lugh ne pas refuser deux fois une requête. »

Ils sont retournés donc voir Lugh, et tout s’est passé comme Turenn le leur avait dit. Ils sont donc rentrés auprès de Turenn.

_ « Vous avez fait quelque chose pour gagner l'éric, dit Turenn, mais c’est bien peu. Lugh vous a aidés car il serait ravi que vous lui apportiez tout ce qui pourrait lui être utile lorsque les Fomoires reviendront à la bataille. Allez maintenant, mes fils, et que ma bénédiction et la victoire soient avec vous. »

Les fils de Turenn et Ethne, leur sœur, sont descendus chercher le bateau de Mananan au port de la rivière Boyne. Ethne a éclaté en sanglots. Mais Brian l’a rassurée :

_ « Ne pleure pas, chère sœur, nous allons gaiement de l'avant vers de grandes aventures. Mieux vaut mourir cent pour la quête de l'honneur que de vivre et de mourir comme des lâches. »

Mais Ethnelui a dit :

_ « Je suis triste parce que vous êtes bannis d'Erinn, »

Bientôt les belles côtes d'Erinn ont disparu à leur vue.

_ « Quelle route allons-nous prendre ? »

_ « Il est inutile de diriger le bateau de Mananan », a dit Brian.

Et il a chuchoté au bateau :

_« Bateau de Mananan, conduit-nous au jardin des Hespérides »

Et l'esprit du bateau l'a entendu car il a bondi en avant, s'élevant et plongeant par-dessus les rouleaux et projetant un arc d'écume de chaque côté de sa proue dans lequel brillait un arc-en-ciel. En peu de temps, ils ont vu la côte où se trouvait le célèbre jardin des Pommes d'Or.

_ « Comment allons-nous récupérer les pommes ? » a demandé Brian.

 

_ « Nous allons tirer l'épée et combattre», ont déclaré Iuchar et Iucharba, « et si nous sommes les plus forts, nous les aurons, et sinon, nous mourrons. Mais, de toutes façons nous devrons mourir si l'éric pour Kian n’est pas payé. »

_ « Réfléchissez un peu ! Que nous vivions ou que nous mourions, il ne faut pas qu’on puisse dire de nous que nous nous sommes lancés à l'aveuglette, mais plutôt que nous avons tout fait pour réussir même si nous avons perdu. »leur  a dit Brian, « Ce que je vous propose c’est d'approcher du jardin sous la forme de trois faucons aux ailes puissantes et de planer autour jusqu'à ce que les gardiens de l'arbre aient épuisé leurs flèches et leurs javelots à nous les lancer dessus, puis de fondre soudainement et d'emporter chacun une pomme d’or »

Alors Brian et ses frères se sont frappés avec une baguette de druide, et ils se sont transformés en trois beaux éperviers aux ailes puissantes. Les gardiens ont lancé sur eux une pluie de flèches et de javelots que les éperviers ont esquivés et ont saisi chacun une pomme dans leurs serres. Brian en en prit aussi une dans son bec. Puis ils sont retournés aussi vite qu'ils ont pu vers leur bateau.

 

Le roi de ce jardin avait trois belles filles, à qui les pommes et le jardin étaient réservées, et il a transformé les jeunes filles en trois griffons, qui poursuivaient les éperviers. Et les griffons lançaient des flèches de feu sur les éperviers.

_ « Brian ! Nous sommes brûlés par ces flèches de feu. » Ont crié Iuchar et son frère. « Nous sommes perdus à moins de leur échapper. »

Brian et ses frères se sont transformés en trois cygnes et ont plongé dans la mer, loin des flèches enflammées car les griffons ont alors abandonné la chasse. El les Fils de Turenn ont pu embarqué sur leur bateau avec les quatre pommes.

 

C’est Ainsi que s’est terminée leur première quête.

 

IV _ La peau de cochon

 

Ensuite, ils ont décidé d'aller chercher la peau de porc auprès du roi de Grèce, et ils discutaient sur la manière dont ils devaient se présenter devant lui.

_« Prenons l’apparence et le costume de poètes car ils ont l'habitude de venir d'Irlande et de voyager dans des pays étrangers, et c'est ainsi que les Grecs nous accueilleront le mieux, car de tels hommes sont honorés parmi eux. » a dit Brian

_« C'est une bonne idée, mais nous n'avons pas de poèmes en tête, et nous ne savons pas comment en composer. » lui ont répondu ses frères

Cependant, ils se sont habillés à la manière des poètes d'Erinn et se sont présentés devant le palais du roi Tuish. Le portier leur a demandé qui ils étaient et quelle était leur métier.

_ « Nous sommes des bardes d’Irlande et nous sommes venus avec un poème au roi. »

_ « Qu'ils entrent, ils sont sans doute venus jusqu'ici pour chercher un puissant protecteur. » a dit le roi lorsque le portier lui rapporta cette histoire.

Brian, Iuchar et Iucharba ont été accueillis avec honneur. Les ménestrels du roi de Grèce ont entonné devant eux les chants de ce pays. Puis le tour des bardes étrangers est venu, et Brian a demandé à ses frères s'ils avaient quelque chose à réciter.

_ « Nous n’avons rien. Tout ce que nous savons faire c’est de prendre ce dont nous avons besoin par la force.»

_ « C’est aussi un art difficile », dit Brian ; « voyons comment nous réussissons avec la poésie. »

Alors il s’est levé et a récité ce chant :

 

« Ta renommée, ô Roi puissant,

S'élève comme un chêne géant ;

Pour mon chant je ne demande comme cadeau

qu'une peau de porc en guise de manteau. »

 

« Quand deux voisins se querellent,

c’est jusqu’à leurs oreilles ;

Celui qui, pour nous, dépensera son argent

sera plus riche qu'il ne l'était avant. »

 

« Armées du vent tempétueux,

mers déchaînées, coup mortel de l'épée,

tu n'as rien à me proposer,

à part ta peau de porc en guise de manteau. »

 

_ « C'est un très bon poème », a dit le roi, « mais je ne comprends pas son sens. »

_ « Je vais vous l’interpréter », dit Brian.

                   _ « Ta renommée, ô Roi puissant, s'élève comme un chêne géant . »Veut dire que, tel le chêne qui surpasse tous les arbres de la forêt, ainsi vous surpassez tous les rois du monde en bonté, en noblesse et en libéralité.

                   _ « Une peau de porc en guise de manteau. » C'est la peau du porc de Tuish que je voudrais recevoir en récompense de mon lai. »

                  _ « Quand deux voisins se querellent, c’est jusqu’à leurs oreilles. » Cela signifie que nous serons tous les deux à l'écoute de la peau, à moins que tu ne veuilles me la donner.

Tel est le sens de mon poème », dit Brian, fils de Turenn.

 

_ « Je louerais davantage votre poème, dit le roi, s'il n'y avait pas tant de choses à propos de ma peau de porc. Vous n'avez pas assez de bon sens, ô homme de poésie, pour me demander cela, car je ne donnerais pas cette peau à tous les poètes, à tous les savants ou à tous les seigneurs du monde de mon plein gré. Voilà ce que je vais faire, je donnerai trois fois le poids de cette peau en or rouge en récompense de votre poème. »

_ « Je te remercie pour cela, a dit Brian. Je savais que j'en demandais trop, mais que l'or soit dûment mesuré, car je suis avide et je n'en perdrai pas une once. »

 

Les serviteurs du roi ont accompagné  Brian et ses frères dans la chambre du trésor pour mesurer l'or. Brian a arraché la peau des mains de celui qui la tenait et l'a enroulée autour de son corps. Puis les trois frères ont tiré leur épée en se dirigeant vers la porte où une grande bagarre a éclaté. Bien que gravement blessés, ils se sont échappés jusqu'à leur bateau et ont pris la mer. Grâce à la peau du cochon magique ils ont été rapidement guéris.

 

Et ainsi la deuxième quête des Fils de Turenn a pris fin.

 

V _ La lance du roi de Perse

 

_ « Allons chercher la lance du roi de Perse. » a dit Brian,

_ « Sous quel déguisement ? » ont demandé ses frères.

_ « Comme avec le roi de Grèce »,a répondu  Brian.

_ « Ça a bien marché auprès du roi de Grèce. Cependant il nous est pénible de nous prétendre poètes, alors que nous ne sommes que des escrimeurs. »

Ils se sont habillés à la manière des poètes et se sont présentés devant le palais du roi Peisear de Perse, et en traversant la cour, ils ont vu la lance endormie dans son pot d'herbes somnifères. Après avoir été accueillis et avoir écouté les chants du ménestrel du roi, Brian a chanté :

 

« Le roi Peisear n’a pas peur des lances ennemies,

puisque leurs armées, lorsqu'elles voient sa tunique,

sont toutes submergées par la peur et la panique,

et sans combattre, se retournent et s'enfuient. »

 

« L'if est le monarque de la forêt,

aucun arbre ne conteste sa royauté.

La flèche brillante, au venin injecté,

vole férocement pour tuer et mutiler. »

 

_ « C'est un très bon poème », a dit le roi, « mais, ô barde d'Erinn, je ne comprends pas votre allusion à ma lance. »

_ « C'est simplement que je voudrais votre lance en récompense de mon poème. »

Alors le roi a regardé Brian, et sa barbe s’est hérissée de colère :

_ « Jamais une si grande récompense n'a été payée pour un poème. Soyez heureux que je ne vous condamne pas à mort pour votre demande. »

 

Alors Brian a jeté la quatrième pomme d'or qu'il avait prise au jardin des Hespérides sur le roi, et elle lui a brisé la cervelle. Aussitôt, les frères ont tiré leur épée et ont saisi la lance magique. Puis ils se sont échappés vers leur bateau.

 

Ainsi se termine la troisième quête des Fils de Turenn.

 

 

VI _ Les deux chevaux et le char.

 

Après avoir traversé tant de difficultés et de périls, ils étaient contents et espéraient arriver à bout de leur quête. Ils se sont dirigés avec enthousiasme vers l'île de Sicile pour y chercher les deux chevaux et le char du roi. Le bateau de Mananan les transportait rapidement et sans difficulté.

Arrivés en Sicile, ils ont décidé de se présenter comme des mercenaires irlandais – car à cette époque, de tels soldats avaient l’habitude de servir les rois étrangers – jusqu’à ce qu’ils sachent où se trouvaient les chevaux et le char et comment ils pourraient les attaquer. Ils se sont avancés devant le roi de Sicile et ses seigneurs qui prenaient l’air dans le jardin du palais..

Les fils de Turenn lui ont rendu hommage, et il leur a demandé qui ils étaient.

_ « Nous sommes des mercenaires irlandais cherchant à obtenir notre salaire auprès des rois du monde. »

_ « Êtes-vous disposé à prendre du service avec moi ? » a demandé le roi.

_ « C’est dans ce but que nous sommes venus. »

Ils ont conclu un contrat de service militaire et sont restés à la cour du roi pendant un mois et quinze jours, sans jamais venir voir les chevaux ni le char. Brian a fini par s’impatienter :

_ « Les choses vont mal pour nous, mes frères, car nous ne savons pas plus aujourd'hui sur les chevaux ni sur le char qu'à notre arrivée en ce lieu. »

_ « Que devons-nous faire alors ? » .

_ « Ceignons nos armes et notre équipement de marche, et disons au roi que nous quitterons son service s'il ne nous montre pas le char. » a répondu Brian

Voyant cela, le roi leur a dit :

_ « Demain, il y aura un grand rassemblement et toute mon armée va défiler. Le char sera là, et vous le verrez si vous en avez envie. »

Le lendemain, les chevaux ont été attelés au char qui a été conduit dans une grande plaine devant le roi et ses seigneurs. Ces chevaux pouvaient courir aussi bien sur mer que sur terre ferme, et ils étaient plus rapides que les vents de mars. Lorsque le char a fait le deuxième tour, Brian a saisi le cocher par le pied et l’a jeté par-dessus la lice tandis que ses frères saisissaient la tête des chevaux. Puis ils sont  tous montés dans le char et se sont enfuis. La rapidité de leur conduite était telle qu'ils étaient hors de vue avant que le roi et ses hommes ne sachent vraiment ce qui était arrivé.

 

Ainsi se termine la quatrième quête des Fils de Turenn.

 

VII _ Les sept porcs

 

Ils se sont ensuite dirigés vers la cour d'Asal, roi des Colonnes d'Or, pour y chercher les sept porcs qui pouvaient être mangés chaque nuit et qui, le lendemain matin, étaient sains et saufs.

Mais le bruit courait désormais dans tous les pays que trois jeunes héros d'Erinn pillaient les trésors des rois du monde pour pourvoir payer un puissant éric ; et lorsqu'ils sont arrivés au Pays des Piliers d'Or, ils ont trouvé le port gardé afin que personne qui pourrait ressembler, de près ou de loin, aux Fils de Turenn n'y entre.

Mais le roi Asal désirait voir ceux qui avaient accompli les grandes actions dont il avait entendu parler. Il leur a demandé s'il était vrai qu'ils avaient fait de telles choses, et  pourquoi. Brian lui a raconté l'histoire du puissant éric qui leur avait été imposé, et ce qu'ils avaient fait et souffert pour l'accomplir.

_ « Et pourquoi, dit le roi êtes-vous venus dans mon pays ? »

_ « Pour emmener les sept porcs avec nous comme une partie de cet Eric. »a  dit Brian.

_ « Comment comptez-vous les obtenir ? » demanda le roi.

_ « Avec votre bon vouloir si cela est possible, » a répondu Brian, « et pour vous remercier nous nous engageons à vous soutenir à l'avenir dans toute situation difficile ou querelle dans laquelle vous pourriez vous trouver. Mais si vous ne voulez pas nous accorder les porcs qui nous permettrons d’être libérés de notre Eric, nous les prendrons comme nous avons déjà pris de grands trésors à de puissants rois. »

 

Le roi Asal s’est réuni avec ses seigneurs et il recommanda que les porcs soient donnés aux fils de Turenn, parce qu'il était ému par leur situation désespérée et leur courage, et aussi parce qu'ils pouvaient les obtenir par la force.

Les fils de Turenn ont été invités à débarquer, et ont été reçus avec courtoisie et hospitalité dans le palais du roi.

Le lendemain, les porcs leur ont été donnés sans peine et sans verser le sang. Ils ont juré que le nom d'Asal serait toujours glorifié par eux, en reconnaissance de sa compassion et de sa générosité.

 

Telle fut donc la cinquième quête des fils de Turenn.

 

_ « Et où allez-vous maintenant ? » leur a demandé Asal.

_ « Nous allons à Lorre chercher le petit du chien qui s'y trouve. »

_ « Emmène-moi donc avec toi, dit Asal, car le roi d'Iorroway est l'époux de ma fille, et je peux le convaincre de t'accorder le chien sans avoir à combattre. »

 

VIII _ Le petit chien

 

Le navire du roi a été équipé et approvisionné, et les fils de Turenn ont déposé leurs trésors dans la barque de Mananan, puis ils sont partis tous joyeux vers le royaume agréable d'Iorroway. Mais là aussi, toutes les côtes et tous les ports étaient gardés, et l'entrée leur en était interdite. Alors Asal expliqua qui il était, on lui a permis de débarquer, et il s’est rendu là auprès de son gendre, le roi d'Iorroway.

Asal lui a raconté toute l'histoire des fils de Turenn, et pourquoi ils étaient venus dans ce royaume.

_ « Tu es fou d'être venu avec une telle mission. Les Immortels n’ont pas accordé le droit d’obtenir mon chien, même à tes trois héros, que soit par faveur ou par combat. » a dit le roi d'Iorroway,

_ « Réfléchis un peu » A dit Asal, « car les trésors qu'ils possèdent maintenant les ont rendus encore plus forts qu'ils ne l'étaient, et ils les ont conquis face à des rois aussi forts que toi. »

Et il lui a dit encore bien d'autres choses pour le persuader de lui rendre le chien, mais en vain. Alors Asal est retourné au port où reposaient les Fils de Turenn et leur a rapporté ses paroles.

De colère, les Fils de Turenn ont saisi la lance magique et la peau de porc et, tels trois aigles descendant d'une haute falaise sur un enclos à agneaux, ils ont fondu sur les gardes du roi d'Iorroway. Le combat a été féroce et meurtrier, et à plusieurs reprises les frères ont été séparés et presque submergés par la foule de leurs ennemis. Mais Brian s’est frayé un chemin jusqu'où le roi d'Iorroway dirigeait le combat, et l'ayant frappé à terre, il l’a ligoté et transporté jusqu'au côté du port où se trouvait Asal.

_ « Voilà ton gendre, Asal, et je jure par mon épée que j'aurais plus facilement pu le tuer trois fois qu'une pour te l'amener ainsi ligoté. »

_ « C'est très probable », a dit Asal ; « mais maintenant, demandez-en une rançon. »

Les habitants d'Iorroway ont donné le chien aux Fils de Turenn en guise de rançon pour leur roi, le roi a été libéré, et une alliance a été nouée entre eux. Et c'est avec le cœur joyeux que les Fils de Turenn ont fait leurs adieux au roi d'Iorroway et à Asal.

 

Ainsi fut accomplie la sixième de leurs quêtes.

 

IX _ Le retour en Erinn

 

A cette époque Lugh Lamfada désirait savoir si les Fils de Turenn avaient obtenu une part du grand Éric qui pourrait lui être utile lorsque les Fomôré reviendraient pour une nouvelle bataille. Par sorcellerie et divination, il a appris comment ils avaient prospéré et qu'il ne restait plus rien à gagner, à part la broche des nymphes de la mer et les trois cris sur la colline. Alors Lugh a fait descendre un sort d'oubli et d'oubli sur les Fils de Turenn et mit dans leurs cœurs le désir de retourner dans leur terre natale d'Érinn. Ils ont donc oublié qu'une partie de l'éric restait à gagner, et ont ordonné au bateau de Mananan de les ramener chez eux avec leurs trésors, afin de vivre libres dans la maison de leur père.

Leur bateau a abordé sur le rivage au Brugh de Boyne, là où ils avaient commencé leur quête. En débarquant, ils ont pleuré de joie et, tombant à genoux, ils ont embrassé l’herbe verte d'Erinn. Puis ils se sont dirigés, avec leurs trésors, vers Ben Edar, où le Haut Roi d'Irlande et Lugh tenaient une assemblée avec le peuple de Dana. Lorsque Lugh a appri qu'ils étaient en chemin, il a revêtuson manteau d'invisibilité et s’est retiré à Tara.

Lorsque les frères sont arrivés à Ben Edar, le Haut Roi des seigneurs des Danaens leur a souhaité la bienvenue et les a applaudis, car tous se réjouissaient que la tache des anciennes querelles et des effusions de sang soit effacée et que les Enfants de Dana soient en paix à l'intérieur de leurs frontières. Lorsqu’ils ont cherché Lugh pour lui remettre l'éric, ils ne l’ont pas trouvé. Et Brian a dit :

_ « Il est allé à Tara pour nous éviter, car il a entendu dire que nous venions avec nos trésors et nos armes de guerre. »

Un message a été envoyé à Lugh, à Tara, lui indiquant que les Fils de Turenn étaient à Ben Edar, avec l'Éric

_ « Qu'ils le versent au Haut Roi », a dit Lugh.

Ainsi fut fait ; et Lugh, n’ est retourné vers Ben Edar que lorsqu’il a su que le Haut Roi avait réceptionné l'éric. Alors l'éric a été déposé devant Lugh et Brian a dit :

_ « La dette est-elle payée, ô Lugh, fils de Kian ? »

Lugh a répondu:

_  « Il y a ici un prix suffisant pour la mort de n'importe quel homme, mais je ne peux pas donner quittance pour un éric qui n'est pas complet : Où est la broche de cuisine de l'île de Finchory ? Et avez-vous donné les trois cris sur la colline de Mochaen ? »

 

X _ La broche des fées 


A ces mots, Brian, Iuchar et Iucharba sont restés sans voix, ont quitté la tête basse et le pas lourd, et se sont rendus à Dún Turenn, près leur père à qui ils ont raconté tout ce qui leur était arrivé depuis qu'ils s'étaient mis en route pour la Quête puis ils ont passé une remplie de mauvais pressentiments, et le lendemain ils sont retournés à l'endroit où la barque de Mananan était amarrée.

Leur sœur Ethne les accompagnait, gémissant et se lamentant, mais ils n'avaient plus de mots réconfortants à lui dire, car ils commençaient à comprendre qu'un esprit plus puissant et plus rusé les avait pris dans les filets du destin. Et alors qu'ils s'étaient considérés comme des héros et des vainqueurs dans la quête la plus glorieuse dont la terre ait eu connaissance, ils savaient maintenant qu'ils n'étaient que comme des flèches dans les mains d'un archer dantesque, qui en tire une sur un cerf, une autre sur le cœur d'un ennemi, et une autre juste par pure folie, et pour essayer son arc, par-dessus le bord d'une falaise dans la mer.

Embarqués sur leur bateau magique, ils n’arrivaient pas à le diriger vers l'île de Finchory, et ont erré sur les mers pendant trois mois sans jamais avoir de nouvelles de cette île. Finalement, Brian, par magie, s’est confectionné une robe de mer et un casque de cristal, puis il a plongé dans les profondeurs de la mer.

L'histoire raconte qu'il a cherché ici et là pendant quinze jours, jusqu'à ce qu'il trouve enfin cette île, qui était en fait une île avec la mer au-dessus, autour et au-dessous. Là demeuraient les nymphes de l'océan aux cheveux roux dans des palais étincelants parmi les fleurs de mer, et elles travaillaient de belles broderies d'or et de joyaux, et chantaient, tout en travaillant, une musique féerique comme le carillon de cloches d'argent.

Trois fois cinquante d'entre elles étaient assises ou jouaient dans leur grande salle lorsque Brian est entré, et elles le regardaient mais ne disaient pas un mot. Brian s’est alors dirigé vers le grand foyer et, sans un mot, il a saisi une broche en or battu et s’est retourné pour partir. Mais à ce moment-là, le rire des filles de la mer a résonné dans la salle et l'une d'elles a dit :

_ « Tu es un homme courageux, Brian, et plus courageux que tu ne le penses ; car même si tes deux frères étaient là avec toi, la plus faible d'entre nous pourrait vous vaincre tous les trois sans difficulté. Néanmoins, prends la broche pour récompenser ton audace. »

Brian les a remercié et leur a dit adieu, puis il est remonté à la surface de l'eau. Bientôt ses frères l'aperçurent et ils naviguèrent jusqu'à lui.

 

Ainsi se termine la quête de la septième partie de l'éric de Kian.

 

 

XI _ Les trois cris sur la colline

 

Les trois frères ont repris espoir et ils ont mis les voiles vers le pays de Lochlann, où se trouvait la colline de Mochaen. Lorsqu'ils sont arrivés à la colline, Mochaen est venu à leur rencontre avec ses trois fils, Corc, Conn et Hugh:Les Fils de Turenn n'avaient jamais vu de groupe de guerriers plus redoutables et plus puissants que ces quatre-là.

_ « Que cherchez-vous ici ? » leur a demandé Mochaen.

Ils lui ont répondu qu'il leur avait été ordonné de crier trois fois sur la colline.

_ « A moi, il m'a été demandé d'empêcher cette chose. » a dit Mochaen,

Alors Brian et Mochaen ont tiré leur épée et se sont jeté furieusement l'un sur l'autre comme celui de deux lions affamés ou deux taureaux sauvages, jusqu'à ce qu'enfin Brian enfonce son épée dans la gorge de Mochaen, qui mourut.

Alors les fils de Mochaen et les fils de Turenn se sont rués férocement les uns sur les autres pour une lutte longue et douloureuse, et le sang qui coulait rougissait l'herbe où ils se battaient. Pas un d'entre eux n’a reçu de blessures qui le transpercent de part en part. Mais à la fin, les fils de Mochaen tombèrent, et Brian, Iuchar et Iucharba, épuisés,  sont tombés sur eux, évanouis comme s’ils étaient morts.

Au bout d'un moment, Brian a retrouvé ses esprits:

_ « Êtes-vous en vie, chers frères, comment allez-vous ? »

_ « Nous sommes morts, laissons-nous tranquilles. »

_ « Levez-vous mes frères, car je crois vraiment que la mort venir rapidement sur nous, et nous n'avons pas encore poussé les trois cris sur la colline. »

_ « Nous ne pouvons pas bouger », ont répondu Iuchar et Iucharba.

Brian s’est mit à genoux , s’est relevé, et a relevé ses deux frères tandis que le sang de tous les trois ruisselait jusqu'à leurs pieds. Ils ont élevé la voix du mieux qu’ils pouvaient pour pousser trois cris rauques sur la colline de Mochaen.

Et ainsi s'est accompli le dernier des vœux.

 

XII _ Fin de la quête

 

Après avoir pansé leurs blessures et Brian s’est placé entre ses deux frères et ils ont regagné péniblement le bateau pour prendre la mer vers l'Irlande. Tandis qu'ils gisaient  dans le bateau, l'un d'eux s’est mis à délirer :

_ « Je vois le cap de Ben Edar et la côte de Turenn, et Tara des Rois. »

Alors Iuchar et Iucharba ont supplié Brian de se relever en lui disant.

_ « Conduis-nous vers le pays d'Erinn, les collines autour de Tailtin, et la plaine humide de Bregia, et les eaux calmes de la Boyne et le Dún de notre père, et la guérison nous viendra. Et même si la mort devait venir, nous pourrions alors la supporter. »

Brian lesa aidés à se relever et ils virent qu'ils étaient maintenant tout près de Ben Edar ; et ils ont mis pied à terre au rivage du Taureau avant d’être transportés au Dún de Turenn, et la vie était encore en eux lorsqu'ils ont été déposés dans la salle de leur père.

Brian a dit à Turenn :

_ « Va maintenant, cher père, au plus vite chez Lugh à Tara. Donne-lui la broche et raconte-lui comment tu nous as trouvés après avoir lancé nos trois cris sur la colline de Mochaen. Puis supplie-le de te prêter la peau de porc du roi de Grèce, car si on nous la prête alors que nous sommes encore en vie, nous nous en remettrons. Nous avons gagné l'éric, et il se peut qu'il ne nous poursuive pas jusqu'à la mort. »

Turenn s’est rendu auprès de Lug, lui a donné la broche des nymphes de la mer, et l’a supplié pour la vie de ses fils.

Lugh est resté un moment silencieux, mais son visage ne changea pas et il a dit :

_ « Toi, vieil homme, tu ne vois que le nuage de tristesse qui t'entoure. Mais j'entends au-dessus de lui le chant des Immortels qui se racontent l'histoire de ce pays. Tes fils doivent mourir ; pourtant, je leur ai montré plus de miséricorde qu'ils n'en ont montré à Kian. Je leur ai pardonné ; ils ne vivront pas assez longtemps pour tuer leur propre immortalité, mais les bardes royaux d'Erinn et les vieillards dans les coins des cheminées raconteront leur gloire et leur destin aussi longtemps que durera le pays. »

Alors Turenn a incliné sa tête blanche et est retourné tristement auprès de Dún Turenn. Il a rapporté à ses fils les paroles de Lugh, et là-dessus, les fils de Turenn s'embrassèrent, le souffle de vie les quitta, et ils moururent.

Turenn mourut aussi, car son cœur était brisé en lui ; et Ethne, sa fille, les enterra dans une seule tombe.

 

Ainsi se termine le récit de la Quête d'Eric et du Destin des Fils de Turenn.