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POURQUOI LA PORTE DE DERRIÈRE ÉTAIT LA PORTE DE DEVANT

Pays de Galles

Armanel - conteur

 A l’époque où il n'y avait ni livres ni écritures, et où l'on ne racontait que des contes populaires, vivait une vieille femme qui avait mauvaise réputation. Elle prétendait être très pauvre, afin de ne pas attirer ou tenter les voleurs. Pourtant, ceux qui la connaissaient bien savaient qu'elle était toujours en train de compter et recompter ses pièces.

 Elle vivait dans une belle maison, et on disait qu'elle gagnait sa vie en volant des bébés dans leurs berceaux pour les vendre à des fées malveillantes.

 On disait qu'elle pouvait aussi prendre le vilain petit d'une méchante fée et le mettre à la place dans le berceau du bébé chéri d'une mère.

 Et ce n’est pas tout, on disait aussi qu'elle pouvait jeter un sort sur le bétail des gens qu'elle n'aimait pas, afin de se venger d'eux.

 Bien sûr, la vieille femme niait tout cela et disait que ce n'étaient que des rumeurs stupides de gens envieux qui voulaient son argent. Elle affirmait qu'elle vivait si confortablement parce que son fils, qui était tailleur de pierre, gagnait beaucoup d'argent en construisant des cheminées. Quand il lui apportait les bénéfices de ses travaux, elle comptait les pièces de monnaie, et à cause de cela, certaines personnes racontaient de mauvaises histoires à son sujet. Elle disait qu'elle était économe, mais qu’elle n’était pas avare, ni une kidnappeuse ou une sorcière.

 Un jour, cette vieille femme cherchait des plumes pour  rendre son matelas plus moelleux car il était presque usé. Elle est donc allée donc dans une ferme où l'on plumait des oies, et a demandé quelques poignées de plumes.

 

Mais les serviteurs du riche fermier lui ont ordonné de quitter la cour de la ferme sans rien lui donner.

 Et peu de temps après cet événement, les vaches de ce fermier ont attrapé la maladie de la vache folle. Comme il n'y avait pas de vétérinaires à cette époque, beaucoup de vaches sont mortes et le riche fermier a perdu beaucoup d'argent, car il n'avait plus de lait ni de viande à vendre. Il s’est donc dit que la vieille femme avait jeté un sort à son bétail.

 L'homme en colère s’est rendu chez la vieille femme, alors qu'elle était seule et que son fils était parti construire une cheminée loin de là. Il lui a dit d'enlever le sort qu'elle avait jeté sur ses bêtes, sinon il lui ligoterait les bras et les jambes et la jetterait dans la rivière.

 La vieille femme s’écria qu’elle n’avait de tels pouvoirs et qu’elle ne faisait pas de magie

 Mais le fermier l’a obligée à dire à haute voix :

 _« Que la bénédiction de Dieu soit sur votre bétail ! »

 Puis il l’a obligée à répéter le Notre Père sans manquer une seule syllabe. Elle utilisa des mots qui ne se trouvent pas dans le livre de prières, mais qui

 Mais tous ces efforts furent vains et son bétail était toujours malade, sans aucun signe d’amélioration. Le fermier ne savait plus quoi faire.

 

A cette époque les cheminées sont devenues à la mode. Autrefois, les maisons cymriques étaient de simples huttes rondes, avec un toit de chaume, sans fenêtres, et la fumée sortait par la porte et par les trous dans les murs comme elle pouvait. La seule décoration de les huttes c’était les longues guirlandes de suie, qui pendaient du toit. Quand le vent soufflait, elles se balançaient et tombaient souvent sur les têtes ou dans la nourriture, pendant que les gens mangeaient. Quand les enfants pleuraient car ils en avaient peur, leur père se contentait de rire et disait que c’était bon pour la santé ou que ça portait chance.

 

Mais peu à peu, les charpentiers et les maçons ont fait de grands progrès. Les maisons sont devenues carrée ou rectangulaires. Et elles commencèrent  à avoir des fenêtres en verre.

 Ils placèrent la cheminée au bout de la maison, en face de la porte.

 Ils placèrent ensuite les lits sur le côté et construisirent des chambres à coucher tendant des rideaux entre les cloisons. Ils commencèrent même à décorer les murs de tableaux et à disposer des plats en étain, des chats en porcelaine en rangées sur les étagères en guise d'ornements.

 Et les gens se sont mis à porter des chaussures et le sol, au lieu d'être boueux ou poussiéreux, était en argile, battue à plat et dure, et soigneusement blanchie à la chaux sur les bords. À l'extérieur des maisons on posait de belles dalles plates, qui formaient un agréable chemin jusqu'à la porte d'entrée. Les fleurs, à l'intérieur comme à l'extérieur, ajoutaient de la beauté  et parfumaient la maison.

 

Le riche fermier venait de déménager de sa vieille cabane ronde et vivait maintenant dans une maison neuve et de meilleure qualité. Il était très fier de sa cheminée, qu'il avait fait construire plus haut que celle de tous ses voisins, mais il était malheureux à cause de ses vaches malades ou mourantes. De plus, il était envieux de ses voisins et se moquait de savoir si eux aussi souffraient.

 Une nuit, alors qu'il se tenait devant sa belle maison et se désolait de tous ses problèmes, il parlait tout seul et disait à voix haute:

_ "Je ne comprends pas pourquoi mes vaches sont malades !"

 _ "Moi, je le sais, et je veux bien vous le dire", a dit une voix derrière lui. .

 Le fermier s’est retourné et a vu un petit homme qui semblait en colère. Il était habillé de rouge et arrivait à peine à la hauteur du genou du fermier. Le petit vieillard regardait le grand gaillard et a crié d'une voix aiguë :

 _ "Vous devez perdre l’habitude de jeter vos ordures n’importe où, car vous n’êtes pas le seul à avoir une cheminée."

 _ "Je ne voies pas le rapport entre mes ordures, les cheminées et la maladie de mes vaches ?"

 _ "Eh bien, je vais vous expliquer. C’est votre famille qui est la cause de vos problèmes, car vous jetez toutes vos ordures n’importe où et elles tombent dans ma cheminée et éteignent mon feu."

 Le fermier était perplexe :

 _ « Je possède toutes les terres des environs et je ne connais aucune maison autour de chez moi.

 _ "Mettez votre pied sur le mien, et alors vous comprendrez plus clairement."

 Le fermier fa posé sa botte sur la pantoufle du petit homme, et quand il a baissa les yeux, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il a vu que les ordures jetées hors de sa maison retombaient effectivement par terre. Et, de plus, le contenu du pot de chambre, une fois vidé, continuait à couler dans la cheminée d'une maison qui se trouvait en contrebas de la sienne, mais qu'il n'avait jamais vue auparavant.

 

Mais dès qu'il enlevé son pied de celui du petit homme, il n’a plus rien vu. Tout avait disparu comme dans un rêve.

 _ "Je vois que ma famille a fait du mal et a blessé la vôtre. Pardonnez-moi, je vous en prie. Je ferai ce que je peux pour réparer mes torts."

 _ "Alors voici ce que vous devrez faire. Fermez votre porte d'entrée, construisez un mur à sa place, et ma famille ne souffrira pas de la vôtre."

 Le riche fermier trouva tout cela très drôle, et il en rit de bon cœur.

 

Il a fait ce que le petit homme au manteau rouge lui avait si poliment demandé. Il a muré la vieille porte de devant et a construit une autre à l’arrière de la maison, qui s’ouvrait sur le jardin. Puis il a modifié l’allée par laquelle on accédait à sa maison.  Puis il a déplacé la cheminée.

 Et les vaches du fermier s’étaient rétablies et elles donnaient maintenant du lait plus abondant et plus riche que jamais. Il est devenu l’homme le plus riche du village. Ses enfants sont tous devenus de beaux hommes et de belles femmes. Ses petits-fils étaient des ingénieurs célèbres qui ont imposé les rues pavées et les égouts dans les villes du Pays de Galles et ont interdit qu’on jette les ordures n’importe où. Et c’est ainsi que le Pays de Galles est l’un des pays les plus sains du monde.