LA GROTTE D’ARTHUR
Pays de Galles _ Craig
y Dinas (West Glamorgan)
Texte proposé par Lord Blackwood
Traduit par Armanel-conteur
Le souvenir du roi Arthur est
demeuré très vivace dans la tradition populaire orale des gallois, et nombreux
sont les endroits qui sont crédités du nom d’Arthur. Il faut aussi remarquer
que le Glamorgan et tout le sud-est du pays de Galles est, avec la Cornouaille,
la région d’origine des légendes arthuriennes ; le vrai Arthur y aurai exercé ses fonctions de
« chef de guerre » au service des rois bretons vers l'an 500.
Un bouvier gallois était allé conduire son troupeau à Londres. Il en profita pour visiter la ville et il marchait tranquillement en s’aidant d’un bâton de coudrier qu’il avait amené du pays. Comme il traversait la Tamise sur le pont de Londres, il fut abordé par un homme vêtu tout de noir.
_ « D’où viens-tu ? » Lui dit l’homme en le regardant droit dans les yeux.
Le bouvier lui répondit aimablement, lui expliquant où il habitait et ce qu’il y était venu faire.
_ « As-tu gagné beaucoup d’argent ? » reprit l’inconnu.
_ « Juste ce qu’il faut pour vivre », répondit le bouvier. « Mais je ne me plains pas ».
_ « Tu as tort », reprit l’homme en noir. « Sais-tu que le bâton que tu tiens à la main provient d’un endroit où est caché un immense trésor ? »
_ « Je l’ignorais. Mais toi, comment le sais-tu ? »
_ « Peu importe. Je le sais. Et si tu peux me conduire là où tu as coupé ce bâton, je te mettrai en possession de ce grand trésor ».
Le bouvier se dit que l’homme en noir devait être un sorcier. Mais cela ne l’effraya pas. Il retourna avec lui au pays. Quand ils arrivèrent à Craig y Dinas, le bouvier lui montra, un large coudrier dont les branches étaient innombrables sous les ruines du vieux château.
_ « Très bien », dit le sorcier. « Creusons sous l’arbre ».
Ils allèrent chercher des pelles et creusèrent entre les racines du coudrier et découvrirent une grande dalle bien plate qu’ils ne durent soulever. Elle fermait l’entrée d’un souterrain très sombre et très profond qui semblait s’enfoncer sous le château.
_ « Entrons », dit le sorcier.
Le bouvier, pas très rassuré, suivit cependant son compagnon. Celui-ci avait allumé une lampe qui éclairait faiblement le couloir. Ils aperçurent alors une cloche qui était suspendue au plafond, presque au milieu du passage.
_ « Attention », dit le sorcier. « Si tu touches cette cloche, nous risquons les pires ennuis ! »
Ils passèrent prudemment sous la cloche, et continuèrent à avancer dans le souterrain qui débouchait dans une vaste salle. Ils y virent un grand nombre de guerriers qui gisaient en un grand cercle, profondément endormis, leurs têtes à l’extérieur, chacun vêtu d’une armure brillante, leurs boucliers, leurs épées et leurs autres armes toutes prêtes à être saisies en un instant. Toutes ces armes étaient si brillantes et si polies qu’elles illuminaient la caverne comme l’éclat de dix mille flammes de feu. Ils remarquèrent, parmi les guerriers, un homme plus grand et plus distingué que les autres, une couronne d’or déposée à ses pieds, ornée des pierres les plus précieuses.
Au milieu de ce cercle, il y avait un tas d’or et un tas d’argent. Le sorcier dit au bouvier qu’il pouvait en prendre autant qu’il en voulait, mais seulement dans l’un des deux tas. Le bouvier ne se fit pas prier : il choisit le tas d’or et remplit le sac qu’il avait apporté, ainsi que les poches de son manteau. Il s’étonna que son compagnon ne se baissât point pour ramasser quoi que ce fût.
_ « Pourquoi ne prends-tu rien ? » demanda le bouvier.
_ « L’or est de peu d’importance à qui recherche la connaissance », répondit simplement le sorcier.
Ils rebroussèrent chemin et se retrouvèrent près de la cloche.
_ « Rappelle-toi », dit le sorcier, « prends bien soin de ne pas toucher cette cloche. Si, par malheur, tu le faisais, cette cloche tinterait. Alors les guerriers se réveilleraient et demanderaient si c’était le jour. Dans ce cas, il faudrait tout de suite répondre : non, dormez encore. Si tu ne disais pas cela, ils se lèveraient tous et t’attaqueraient. »
Le bouvier était si chargé d’or que ses mouvements étaient maladroits. En passant près de la cloche, il la heurta et elle se mit à tinter : le bruit se répercuta dans toute la caverne. L’un des guerriers endormis se réveilla, leva la tête et demanda :
_ « Est-ce que c’est le jour ? » demanda le guerrier.
- « Non ! » S’empressa de répondre le sorcier. « Dors encore ! »
Le guerrier se rendormit aussitôt et les deux hommes regagnèrent la sortie. Une fois à l’air libre, ils remirent la dalle en place, la cachèrent avec de la terre et des branches et s’efforcèrent de ne laisser aucune trace de leur passage.
_ « Ecoute », dit le sorcier, « il faut que personne ne sache quoi que ce soit au sujet de ce trésor. Ne parle à personne de ce que tu as vu. Tu diras simplement aux gens que tu as fait de bonnes affaires à Londres. Parle donc le moins possible et sois économe de ton or. Il me semble que tu en as pris assez pour toute ta vie. Mais si tu en avais encore besoin, tu pourras retourner une seule fois dans la caverne. Et, n’oublie pas de ne prendre quelque chose que sur un seul tas, et ne touche pas la cloche ».
_ « Mais qui étaient donc ces guerriers que nous avons vus endormis ? » demanda le bouvier.
_ « Le grand homme distingué, avec la couronne d’or, c’est le roi Arthur »,
répondit le sorcier, « et les autres sont ses fidèles guerriers. Ils sont
endormis et tout en armes, prêts pour le jour où l’Aigle Noir et l’Aigle d’Or
seront en guerre. Il y aura alors une telle clameur par tout le pays que la
terre en tremblera et que la cloche sonnera ».
« Quand ils seront réveillés, ils s’élanceront au-dehors et vaincront tous les ennemis de notre peuple, tous ceux qui nous tiennent sous le joug de leur oppression. Ainsi Arthur reprendra possession de toute l’île de Bretagne, rétablira sa propre souveraineté, et son règne s’étendra jusqu’à la fin du monde ».
Le bouvier demeura tout songeur.
_ « Mais les temps ne sont pas encore venus », continua le sorcier. « Contente-toi d’avoir puisé dans ce trésor et sois heureux. Je dois te quitter maintenant et ne te reverrai plus jamais ».
Ainsi s’en alla le sorcier, laissant seul le bouvier avec son sac et ses poches remplies d’or.
Le bouvier sut tenir sa langue et personne ne sut jamais d’où provenait sa fortune. Il devint un grand seigneur, se maria avec une riche héritière et eut de beaux enfants. Mais à force de puiser dans son trésor, il s’aperçut un jour qu’il avait tout dépensé. Il décida alors de retourner à la grotte d’Arthur et de refaire son plein d’or.
Une nuit, il s’en alla tout seul,. Il avait pris la précaution d’apporter deux grands sacs.
Il retrouva facilement le coudrier sous les ruines de Craig y Dinas. Il creusa le sol, souleva la dalle et pénétra dans le souterrain. Arrivé dans la caverne où les guerriers dormaient toujours aussi profondément, il remplit ses deux sacs d’or, n’oubliant pas non plus ses poches. Mais quand il retourna dans le passage, il était tellement lourd qu’il ne put éviter de heurter la cloche.
Celle-ci fit entendre un son si puissant que tous les guerriers se réveillèrent en sursaut, se saisirent de leurs armes et se ruèrent vers l’intrus. Celui-ci était si terrifié qu’il n’arriva même pas à leur dire de dormir. En poussant des cris de rage, les guerriers lui arrachèrent ses deux sacs d’or, lui vidèrent les poches, le mordirent cruellement par tout le corps et le poussèrent à l’extérieur, tirant la dalle sur eux.
Les blessures qu’avait reçues le Gallois n’étaient pas mortelles, mais elles ne purent jamais guérir. Il revint plusieurs fois à Craig y Dinas, mais il eut beau fouiller et creuser sous le coudrier, il ne retrouva jamais l’entrée de la caverne où le roi Arthur dort, attendant le jour où se lèvera l’étendard des Bretons pour la reconquête de leur île perdue.