JACK ET SES AMIS

Irlande  _ Wicklow

Traduction Armanel - conteur

(lire aussi le conte écossais : l’agneau blanc)

 

Il était une fois une veuve très pauvre, (comme souvent dans le pays ou se passe mon histoire) qui avait un fils. 
Cette année-la l’été fut très sec et ils ne savaient pas s'ils survivraient jusqu'à ce que les nouvelles pommes de terre soient bonnes à manger. 
Alors, un soir Jack  dit à sa mère:

_ "Maman, fais-moi cuire un gâteau et tue-moi un poulet, afin que je puisse aller chercher fortune; et si je la rencontre, ne crains rien car je reviendrai aussitôt pour la partager avec toi." 


Elle a donc fait ce que Jack lui avait demandé, et il décida de partir au petit matin pour son voyage. Sa mère vint avec lui à la porte du jardin et lui dit
:_ "Jack, que préfères-tu avoir, moitié gâteau et moitié poulet avec ma bénédiction, ou la totalité d'entre eux mais avec ma malédiction?"
_ "O voyons, maman", dit Jack, "pourquoi m'as-tu posé cette question? Je suis sûr que tu sais que je ne veux pas ta malédiction."
_ "Eh bien, Jack", répondit sa mère, " voici le demi gâteau et le demi poulet et mille bénédictions avec eux."

Elle se tenait près de la porte du jardin et le bénissait aussi longtemps que ses yeux pouvaient le voir. Et Jack a marché jusqu'à ce qu'il soit épuisé de fatigue, et dans aucune des fermes ou il est entré, le fermier ne voulait un garçon de ferme. Finalement, sa route le mena au bord d'une tourbière où il y avait un pauvre âne enlisé jusqu’aux épaules, près d’une grosse touffe d’herbe à laquelle il s'efforçait de s’accrocher.
_ "Ah, bonjour, Jack", dit-il, "aide-moi où je vais me noyer."
_ "Tu n’auras pas à me le demander deux fois", dit Jack.
Et Jack jeta de grosses pierres sur la tourbe, puis il rampa sur les pierres dans la tourbe et tira l’âne jusqu'à ce qu’il ait un sol ferme sous lui.

_ "Merci, Jack", dit l'âne, quand il fut debout sur un terrain solide; "Je te revaudrai ça une autre fois. Où vas-tu?"
_ "Eh bien, je vais chercher fortune en attendant que la récolte arrive."
_ "Et si tu veux," dit l'âne, "Je t'accompagnerai. Qui sait ? je peux te porter chance!"
_"Je te remercie tout mon cœur Répondit Jack, il se fait tard, marchons un peu pour rattraper le temps perdu." 

Et voici nos deux amis, Jack et l'âne qui poursuivent leur chemin; ils traversaient un village et toute une armée de garnements chassaient un pauvre chien avec une bouilloire attachée à sa queue. Le chien a couru vers Jack pour se protéger, et l'âne a poussé un cri si terrible, un braiement si effrayant que les petits garnements ont pris la fuite, comme si le diable était à leur poursuite.

_ "Merci pour tout, Jack", dit le chien. "Je suis très content de t’avoir rencontré, et ou allez-vous l’âne et toi?"
_ "Nous allons chercher fortune en attendant que la récolte arrive." Répondit Jack.
_ "Et je serais fier de t'accompagner!" dit le chien, "et de te débarrasser de tous les vauriens que tu trouveras sur ton chemin."
_ "Bien, bien, enlevons ces casseroles de ta queue et viens avec nous." Répondit Jack.

Et voici nos trois amis, Jack, l'âne et le chien qui sortirent de la ville et s'assirent sous un vieux mur. Jack sortit son gâteau et sa viande et partagea avec le chien, tandis que l'âne a dîné d’une touffe de chardons. Pendant qu’ils mangeaient et bavardaient, ils virent arriver un pauvre chat à moitié affamé, et le miaou qu’il a lancé leur fit mal au cœur.

_ "Vous semblez avoir vécu vos sept vie depuis votre dernier petit-déjeuner", dit Jack; "voici un os et quelque chose dessus."
_ "Que votre enfant ne connaisse jamais un ventre affamé!", Dit le matou ; "Merci pour votre gentillesse. Puis-je avoir l'audace de demander où vous allez tous? "
_ " Nous allons chercher fortune en attendant la récolte, et vous pouvez vous joindre à nous si vous le souhaitez. " répondit Jack.
_ " Et je le ferai avec grand plaisir, "dit le chat, et merci de me l'avoir demandé."

Et nos quatre amis, Jack, l'âne, le chien  et le chat repartirent donc, et quand les ombres des arbres étaient trois fois plus longues que les arbres eux-mêmes, ils entendirent un grand ricanement dans un champ au bord de la route, et un renard a sauté dans le fossé avec un beau coq noir dans sa bouche.

_ "Oh, tu es vraiment méchant!" Dit l’âne, rugissant comme le tonnerre.
_"Attaque, bon chien!" Dit Jack.

Les mots n’étaient pas encore sortis de la bouche de Jack que Coley était en pleine course à la poursuite du renard. Le Renard  laissa tomber sa proie en tremblant devant Jack  et ses camarades.

_ "O merci, mes amis!" dit le coq, "C’est la chance qui vous a mis sur mon chemin! Peut-être que je pourrais vous remercier pas votre gentillesse si je vous trouvais, un jour, dans une situation difficile; et où allez-vous tous de ce pas pressé?"
_ "Nous allons chercher fortune en attendant que la récolte arrive; vous pouvez vous joindre à notre groupe si vous le souhaitez et vous asseoir sur la croupe de Neddy quand vos jambes et vos ailes seront fatiguées."

Et nos quatre amis, Jack, l'âne, le chien, le chat et le coq ont repris leur marche et, alors que le soleil se couchait, ils ont regardé autour de eux et il n'y avait ni chalet ni maison de ferme en vue.

_ "Bien, bien," dit Jack, "la chance semble nous avoir abandonné, mais ce n'est qu'une nuit d'été, après tout. Nous irons dans le bois et nous ferons notre lit sur l’herbe grasse et moelleuse."

À peine dit que c'était fait. Jack s'étira sur un lit d'herbe sèche, l'âne gisant près de lui, le chien et le chat s’enroulèrent dans le giron chaud de l'âne et le coq partit se percher dans un arbre tout à côté. Et alors qu’ils étaient tous profondément endormis, le coq prit l’idée de chanter.

_ "Ca va pas la tête, le coq noir!" dit l’âne "tu m'as réveillé alors que je rêvais d'un festin de foin aussi agréable que j'ai jamais goûté. C'est quoi ton problème?"
_ "C'est le jour qui me fait chanter: ne vois-tu pas la lumière là-bas?" répondit le coq.
_ "Je vois bien une lumière," dit Jack, "mais ça vient d'une bougie, et pas du soleil. Comme tu nous a réveillés, nous pouvons aussi bien aller voir et demander à être hébergés."

Alors, nos quatre amis, Jack, l'âne, le chien, le chat et le coq se sont tous secoués et ont traversé les champs, les rochers et les ronces jusqu'à ce qu'ils arrivent dans une vallée, et la lumière brillait à travers l'ombre, accompagnée de chants, de rires et de jurons.
_ "Silence, les gars!" dit Jack: "marchons sur la pointe des pieds jusqu'à ce que nous sachions à quel genre de personnes nous avons affaire."

Alors nos quatre amis, Jack, l'âne, le chien, le chat et le coq se glissèrent près de la fenêtre et ils y virent six brigands munis de pistolets, de gourdins et de couteaux assis à une table, mangeant du rosbif et du porc, buvant de la bière, du vin et du whisky. 
_ "N'était-ce pas une belle affaire que nous avons faite chez le seigneur de Dunlavin!" dit un voleur affreux avec la bouche pleine, "Et un grand merci au portier qui nous a ouvert la porte du manoir. Buvons à sa santé!"
_ "A la santé du seigneur de Dunlavin, et de son portier!" cria chacun d'eux.

Jack pencha son doigt vers ses camarades.
_ "Fermez vos bouches, les gars, dit-il dans un murmure," et écoutez bien ce que je vais vous dire. "

Alors l'âne posa ses pattes antérieures sur le rebord de la fenêtre, le chien se posa sur sa tête, le chat sur la tête du chien, et le coq sur la tête du chat. Puis Jack leur  fit un signe, et ils chantèrent tous comme des fous.
_ Hi Han rugit l'âne; 
_ "Wow-wow!" aboya le chien; 
_ meaw-meaw! s'écria le chat; 
_ cocorico! a chanté le coq.
_ "Préparez vos pistolets!" s'écria Jack, "et tuez les tous. Ne laissez pas un seul de ces voleurs en vie, feu!"

Sur ce, nos quatre amis, Jack, l'âne, le chien, le chat et le coq ont poussé un autre hurlement et ont brisé toutes les vitres de la fenêtre. 
Les voleurs ont eut la plus grande peur de leurs vies. Ils éteignirent les bougies, renversèrent la table et ont fui par la porte de derrière. Comme s'ils étaient paniqués, ils allèrent sa cacher au fond du bois. 
Jack et ses  amis, l'âne, le chien, le chat et le coq entrèrent dans la pièce, fermèrent les volets, allumèrent les bougies, mangèrent et burent jusqu'à ce que la faim et la soif disparaissent. Puis ils se couchèrent afin de se reposer: Jack dans le lit, l'âne dans l'écurie, le chien devant la porte, le chat près de la cheminée et le coq sur le perchoir. 

Au début, les voleurs étaient très heureux de se retrouver en sécurité dans le bois épais, mais ils ont vite commencé à être vexés.
_ "Cette herbe humide est très différente de notre pièce chaude", déclara l'un d'eux.
_ "J'ai été obligé de laisser tomber un beau pied de cochon", dit un autre.
_ "Je n'ai pas eu une cuillère à thé de mon dernier verre", dit un autre.
_ "Et tout l'or et l'argent du Seigneur de Dunlavin que nous avons laissés derrière nous!" dit le dernier.

_ "Je pense que je vais retourner dans la maison", dit le capitaine, "et voir si nous pouvons récupérer quelque chose."
_ "C'est très courageux!" dirent-ils tous. 
Et il s'en alla.

Les lumières étaient éteintes, le capitaine des voleurs tâtonna jusqu'à la cheminée; le chat lui sauta au visage et le déchira avec ses dents et ses griffes. 
Le capitaine des voleurs laissa échapper un rugissement et se dirigea vers la porte de la chambre pour chercher une bougie à l'intérieur. Il a marché sur la queue du chien qui lui a laissé la marque de ses dents dans ses bras, ses jambes et ses cuisses.
_ "Mille tonnerres!" cria-t-il; "J'aurais mieux fait de rester dehors de cette maison hantée."

Quand il arriva à la porte, le coq se laissa tomber sur lui avec ses griffes et son bec, et ce que le chat et le chien lui avaient fait n’était rien à côté de ce qu'il reçut du coq.
_ "Oh, allez au diable, vous tous, vagabonds insensés!" dit le capitaine des voleurs quand il reprit son souffle;

Et il tituba et tourna en rond jusqu'à ce qu'il rentre dans l'étable, pour se cacher tout au fond, mais l'âne le reçut avec un coup de pied sur la partie la plus charnue de son corps, et le coucha sur le sol. Quand il revint à lui, le capitaine des voleurs se gratta la tête et commença à penser à tout ce qui lui était arrivé. 
Et dès qu'il sentit que ses jambes étaient capables de le porter, il s'éloigna en traînant un pied puis l'autre, jusqu'à atteindre le bois.
_ "Zut, zut", ont-il tous pleuré, quand le capitaine est arrivé les mains vides auprès des autres voleurs, "aucune chance de récupérer notre trésor?"

_ "Vous dîtes chance," dit-il, "moi je dis plutôt malchance. Ah, est-ce que l'un de vous préparera un lit d'herbe sèche pour moi? Toutes les pommades existant à Enniscorthy seront trop peu pour soigner les coupures et des meurtrissures que j’ai reçues. Ah, si vous saviez ce que j’ai vécu pour vous! Quand je suis arrivé près de la cheminée de la cuisine, à la recherche d’un tison enflammé, que devait-il y avoir près du feu si ce n’est une vieille femme cardant du lin, et bien regardez les marques qu’elle a laissées sur mon visage avec les aiguilles. Je me dirigeai alors aussi vite que possible vers la porte de la chambre, et qui j’ai trébuché sur un cordonnier qui m’a attaqué avec ses poinçons et ses pinces. Alors, je me suis échappé de lui, mais quand je passais la porte, ce doit être le diable lui-même qui s'est abattu sur moi avec ses griffes et ses dents! Enfin, j'ai atteint l'écurie et là, en guise de salut, j'ai reçu un coup de marteau qui m'a envoyé à un kilomètre. Si vous ne me croyez pas, je vous donne la permission d'aller juger par vous-même. "
_ " Oh, mon pauvre capitaine, "dirent-ils," nous vous croyons à tous les coups. Ah ! Nous pensons qu’il vaut mieux quitter cet endroit maudit en laissant notre trésor derrière nous"

Le lendemain matin, Jack et ses camarades l'âne, le chien, le chat et le coq étaient debout. Ils ont préparé un copieux petit-déjeuner avec ce qu'il restait la nuit précédente puis ils ont tous convenu de se rendre au château du seigneur de Dunlavin et de lui rendre tout son or et son argent. 
Jack a tout placé dans un sac et l'a déposé sur le dos de Neddy, et tous ont pris la route Ils allèrent loin, par des tourbières, par monts, et par vaux et parfois par la grand route, jusqu’à la porte du manoir du seigneur de Dunlavin, qui était occupé à se poudrer la tête, et à mettre ses bas blancs et sa culotte rouge. Il jeta un regard méfiant aux visiteurs et dit à Jack:
_ "Que me voulez-vous, mon brave homme? Il n'y a pas de place ici pour vous tous. "
_ " Nous aurions aimé, "dit Jack," un peu plus de politesse de votre part. Surtout que nous vous rapportons tout l’or et l’argent qui vous a été volé"
_ " Allez-vous en, vauriens! "dit-il," alors que le chat léchait son oreille, ou je lâche les chiens sur vous. "
_ " Vous auriez tort de le faire", dit le coq qui était perché sur la tête de l’âne, avant d’avoir entendu ce que nous avons à vous raconter"

Au fur et à mesure que Jack racontait son aventure, le visage du portier devenait de plus en plus rouge tandis que le seigneur de Dunlavin et sa jolie fille se tenaient à la fenêtre du salon.
_ "Je serais heureux, Barney", dit le maître, "d'entendre votre réponse au monsieur qui vient de parler."
_ "Ah, mon seigneur, ne croyez pas le coquin; bien sûr que je n'ai pas ouvert la porte aux six brigands. " répondit le gardien.
_ "Et comment savez-vous qu'il y en avait six, pauvre imbécile?" dit le seigneur.
_ "Peu importe, monsieur", dit Jack, "tout votre or et votre argent sont là dans ce sac, et je ne pense pas que vous nous regretteriez notre dîner et notre lit après notre longue marche du bois d'Athsalach."
_ "vous avez raison! Aucun d'entre vous ne vivra plus jamais dans la pauvreté si je peux vous aider." Répondit le seigneur de Dunlavin.

Tous ont donc été accueillis à leur guise;
l'âne, le chien et le coq ont obtenu les meilleures paillasses de la ferme 
et le chat a pris possession de la cuisine. 
Le seigneur prit Jack dans ses mains, le vêtit de la tête aux pieds avec un drap large, des volants aussi blancs que la neige et plaça une montre dans sa bourse. Quand ils se sont assis pour dîner, la maîtresse de maison a dit que Jack avait l'air d'un gentilhomme, et le seigneur a dit qu'il en ferait son intendant. 
Jack a amené sa mère et l'a installée confortablement près du château. Tous vécurent la aussi heureux que vous pouvez l’imaginer.