JACK et JOCK 

Ecosse — FIFE.

Proposé par Lord Blackwood
Traduit par Armanel - conteur


Il y avait autrefois, à Ballingry, pas très loin du Loch Leven, une vieille femme qui habitait dans une pauvre cabane avec ses deux fils Jack et Jock. Jack était l’aîné et Jock était le cadet. Jack était grand et bien charpenté et Jock était petit et fluet. Jack était têtu et obstiné tandis que Jock était très attentionné. Jack aimait l’aventure et l’argent alors que Jock rêvait de ivre paisiblement.


Un jour, Jack dit à sa mère:

«Mère, je m’ennuie ici. Il ne se passe jamais rien d’important et nous n’avons pas d’argent. J’ai pris une grande décision ; je vais partir pour aller chercher fortune.»

Sa mère lui répondit:

« Si telle est ta volonté et que ta décision prise, je ne retiens pas mon garçon. Mais avant de partir prends le crible et le plat fendu, et va au puits me chercher de l'eau pour que je te cuise un bannock. Et ton bannock sera d'autant plus gros que tu rapporteras plus d'eau. »


Jack prît le crible et le plat fendu et alla au puits. Arrivé au puits, il vit un petit oiseau perché sur la margelle, qui lui dit:

«Bouche ton crible avec de la boue et ainsi tu emporteras plus d’eau.»

Jack lui répondit:

«Sale petite créature misérable, crois-tu que je vais obéir à un petit oiseau comme toi?»

Et Jack plongea son crible dans le puits sans l’avoir tapissé avec de la boue et l'eau s'écoula librement du crible et Jack n’en rapporta à sa mère que de quoi faire un tout petit bannock.


Muni de ce petit bannock, Jack partit et le petit oiseau vint vers lui et lui dit:

«Donne-moi un morceau de gâteau et je te ferai cadeau d'une plume de mes ailes que tu pourras tailler pour te faire un pipeau»

Jack lui répondit:

«C'est ta faute si j'ai un gâteau aussi petit. Et maintenant tu viens me casser les oreilles avec tes plumes et ton pipeau. Va-t'en, je ne t’écoute pas! »

Le petit oiseau s'envola et laissa Jack poursuivre son chemin. Il prit la direction de Lochgelly, puis de Cowdenbeath pour se rendre à Dunfermine, où il s’arrêta pour manger son petit bannoc Après avoir beaucoup marché et mangé son petit bannock, Jack arriva à Stirling devant le château d'un roi et proposa ses services comme serviteur. On lui demanda ce qu'il savait faire; il répondit:

«Chez nous, dans le Fife, je sais balayer la maison, enlever les cendres, laver les plats et garder les vaches.

— Penses-tu que tu saurais garder les lièvres?

— Je n'en ai jamais garder, mais je sais tout faire. J'essaierai et je réussirai.»

Alors, on lui dit que s'il arrivait à garder les lièvres et les ramener tous le soir au château, il épouserait la fille du roi. Mais que s’il échouait, il serait pendu.


Jack accepta et passa la nuit dans les écuries du château. Au petit matin, il partit avec vingt-quatre lièvres, plus un autre qui était boiteux. Mais jack n’avait rien eu à manger, et il avait une faim terrible parce que depuis qu’il avait quitté sa mère, il n'avait eu pour tout repas qu’un tout petit bannock. Tenaillé par la faim, jack tua le lièvre boiteux, le fit cuire sur des braises et le mangea.

Les autres lièvres effrayés se sauvèrent. Et quand Jack revint le soir au château c’était sans ses lièvres. Le roi, qui tenait à ses lièvres comme à la prunelle de ses yeux, fut très en colère et il fit pendre Jack.


La mère de Jack et Jock, ne voyant pas revenir son fils aîné s’imagina que ce dernier avait fait fortune. Comme elle voulait le bien de ses deux fils elle ordonna à Jock de prendre le crible et le plat fendu, et d’aller au puits chercher de l'eau pour qu’elle lui cuise un bannock. Elle lui précisa :  « Ton bannock sera d'autant plus gros que tu rapporteras plus d'eau. »

Obéissant, Jock alla chercher de l'eau au puits. Arrivé au puits, il vit un petit oiseau perché sur la margelle, qui lui dit:

«Bouche ton crible avec de la boue et ainsi tu emporteras plus d’eau.»

et quand l'oiseau lui conseilla de boucher son crible avec de la boue, Jock lui répondit:

« Tu as raison, gentil oiseau! »

Et Jock tapissa méticuleusement son crible avec de la boue qu’il laissa sécher au soleil. Il apporta beaucoup d'eau à sa mère et eut un grand bannock.

Sur la route, le petit oiseau vint ses poser sur son épaule et lui demanda un morceau de bannock, que Jock lui donna volontiers. Pour le remercier, l'oiseau lui dit:

« Arrache une plume de mon aile pour t'en faire un pipeau.»

Jock prit donc une plume et arriva chez le roi, dans le château duquel il prit du service tout comme son frère avant lui.

Le matin suivant, Jock partit avec vingt-quatre lièvres et un autre qui était boiteux. Une fois arrivé dans une grande prairie, Jock s’assit sur une pierre, mangea son gros bannock et tailla la plume de l’oiseau pour s’en faire un pipeau. Jock jouait si gentiment sur son pipeau que les lièvres, envoûtés, dansaient autour de lui et c’est ainsi qu'il les ramena au château le soir. Le lièvre

boiteux avait tellement dansé qu’il ne pouvait plus marcher, Jock le prit dans ses bras et le porta.

Le roi, qui adorait son lièvre boiteux, fut si enchanté du travail de Jock qu’il lui donna sa fille en mariage. Le roi était très vieux et très malade et mourut peu de temps après. Et c’est ainsi que Jock succéda au roi.


Le Fife est une région côtière de l'est de l'Écosse, entre les estuaires des fleuves Tay au nord et Forth au sud. Elle forme donc une péninsule naturelle qui a la particularité d’être connectée au reste de l’Écosse par des ponts, sans être pour autant une île.

Le Bannock est un pain plat, fait avec de la farine sans levain, du saindoux, du sel et de l'eau.  Historiquement, le terme est d'abord utilisé en Irlande, puis en Écosse et dans le nord de l'Angleterre.

Robert Burns évoque le Bannock dans son poème :  Epistle to James Tennant of Glenconner.