Florence Wyndham
Bien que cette histoire ne fasse
pas partie de légendes bretonnes, je ne peux pas m'empêcher de la
glisser dans cette catégorie.
Cette
légende (ou relation historique) m' a été transmise, au siècle
dernier, lors d'une pérégrination sur les rives de la Severn Sea (fatale à Eric Tabarly) par W. H. (Ben) Norman
grand quêteur de mémoires du Somerset.
Au seizième siècle, la
pittoresque vieille ferme de Kentsford était la demeure de John
Wyndham et de sa jeune épouse Florence. Sir John et toute la famille fondaient sur Florence toutes leurs espérances pour perpétuer la lignée des Wyndham.
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Le caveau familial, sis à
l’intérieur de l’église St Décuman, fut rapidement préparé
pour les funérailles par le bedeau. Cet homme avait,
quelque temps plus tôt, aidé à la mise en bière de Florence,
la jeune et adorée femme du Lord du manoir, et pu s’apercevoir
que cette dernière serait enterrée avec tous ses bijoux.
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Le bedeau se rendit discrètement,
à minuit, de Watchet à l’enclos paroissial et descendit les
marches en pierre menant au caveau sombre et humide.
Allumant alors sa lanterne, il introduisit une clef rouillée dans
la serrure de la lourde porte. Un léger grincement
l’avertit que la clef épousait bien le mécanisme et la porte
s’ouvrit. Le bedeau pénétra dans la chambre
mortuaire quelque peu angoissé et hésitant, mais l’appât du
gain fut le plus fort et il s’avança, posa sa lanterne, souleva
le couvercle du tombeau et le posa contre terre. |
Florence se redressa et, assise dans son cercueil, regarda autour d’elle. Son regard se posa sur le bedeau qui fut pris de terreur face à ses yeux hagards et s’enfuit à toutes jambes. La maîtresse de Kentford, elle-même égarée, appelait à l’aide celui qu’elle prenait pour son sauveur et qu’elle voulait remercier, mais en vain; Submergé par la terreur et affolé par un sentiment de culpabilité, le bedeau s’était enfui le long du chemin et s’était jeté dans un puits. |
La
charmante jeune femme descendit de la bière, décrocha la
lanterne, monta les marches et, traversant l’enclos paroissial,
se dirigea vers la demeure conjugale. Quiconque
l’aurait croisé cette nuit là dans les prairies silencieuses
de Snailhot, aurait été effrayé par son apparence:
Un fantôme, dans un suaire maculé du sang coulant de son doigt,
éclairé par une lanterne vacillante. Finalement
Florence entra sur les terres du manoir, traversa la pelouse
jusqu’au porche normand et souleva le loquet de la lourde porte.
Trouvant la porte fermée, notre ressuscitée souleva le heurtoir
à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle entendit un
mouvement à l’étage. |
Depuis des
heures, le propriétaire du manoir se morfondait sur son lit.
Peu avant les coups du heurtoir, il avait entendu son chien gémir,
le portail de l’entrée s’ouvrir, et entr’aperçu une faible
lueur s’infiltrer dans la chambre à travers les rideaux
entr’ouverts. |
Lady Wyndham recula vers le porche et s’arrêta au beau milieu de la pelouse. Soulevant sa lanterne pour mieux montrer son visage, elle sourit à son mari. Affolée par le côté tragique de la situation, Florence resta quelques instants muette, puis de sa douce et sensuelle voix elle répondit: « S’il vous plaît ne tirez pas, c’est moi, votre femme, qui me présente à vos yeux, rendue à la vie de par la grâce de Dieu. Descendez et laissez moi entrer, j’ai froid et ce suaire me glace le sang. Hâtez vous je vous en prie!» |
Convaincu
qu’il était bien en présence de son épouse, le jeune seigneur
descendit les escaliers plus vite qu’il ne les avait montés et,
après avoir ouvert la porte, tomba dans les bras de Florence.
Puis, séchant les larmes de sa bien aimée, il la fit entrer et,
avant même de se changer, notre héroïne lui raconta tout ce qui
lui était arrivé. |
Bien avant
l’aube toute la maisonnée fut avertie de ce qui se passait.
Le grand choc et l’explosion de joie qui s’ensuivit ne peuvent
être retranscrits dans ces lignes, mais l’histoire ne s’arrête
pas là. En effet, peu de temps après cette nuit
mémorable, Florence donna naissance à un fils. C’est
de celui-ci, prénommé John comme son père et son grand père,
que la lignée des Wyndham actuels descend. |
Dans l’église de Sampford Brett, petit village distant de cinq kilomètres, un banc sculpté est réputé représenter Lady Wyndham, orante, remerciant Dieu de sa délivrance hors de la vallées des larmes et de la mort. (photographie de Gauche) |