Finn et les fantômes
Armanel - conteur
Le cycle Fenian est centré sur les histoires de Finn Mac Cumaill et sa troupe de guerriers, les Fianna. Il contient des histoires sur des membres célèbres des Fianna comme Diarmuid, Caílte, Osgar ou encore Goll, l’ennemi de Finn.
Finn et les fantômes
Le géant avait les deux yeux ronds comme des œufs de merle. Il était noir comme la mort et plus rapide qu’un lièvre. La partie inférieure de ses dents était grise comme un tronc de houx et leurs pointes étaient jaunes comme l’or. Il avait les jambes maigres et dégarnies de poils, et les talons pointus et noirs. Chacun de ses membres et de ses os étaient noirs comme le charbon, du sommet du crâne jusqu’à la plante des pieds.
Le géant les a salué et a conduit le cheval de Finn dans l’étable. Puis il a fermé la porte de sa maison, derrière eux, avec des chaînes de fer.
_ « Sois le bienvenu, o Finn ! » a dit le géant.
Les trois hommes (Finn, Ossin et Cailte) se sont assis sur le lit de repos et le géant leur a donné de quoi se laver. Il leur a allumé un feu avec du bois de sureau et il s’en est fallu de peu qu’ils soient étouffés par la fumée.
Puis, des quatre coins de la pièce, les gens de la maison se sont levés et se sont dirigés vers le feu. Ces gens étaient vraiment effrayants. Il y avait là une vieille femme hideuse et noire comme la fumée, à trois têtes_ une pour gémir, une pour rire et une pour dormir. De l’autre côté se trouvait un homme sans tête avec un œil au milieu de la poitrine.
_ « Faites de la musique pour le roi-guerrier »,a dit le géant, « nous n’avons pas de collation prête pour les étrangers. Que les gens de la maison se lèvent pour jouer un peu de musique, jusqu’à ce que leur repas soit prêt ».
_ « Qu’il soit fait selon ta volonté », a répondu la vieille femme.
Alors neuf corps humains se sont levés du coin le plus proche de Finn et neuf têtes sont apparues de l’autre côté sur le banc de la maison. Et ils poussèrent neuf cris aigus, âpres, horribles, vraiment effroyables, tandis que, de l’autre côté, la vieille femme, le géant et l’homme-tronc leur répondaient. La musique discordante qu’ils faisaient aurait pu faire ses dresser les cheveux sur la tête des trois hommes, et réveiller les morts, et faire s’évanouir les petites natures. La mélodie de l’homme-tronc était, de loin, la plus épouvantable et la plus stridente de toutes. Peu s’en est fallu qu’ils brisent le crâne de ceux qui écoutaient les cris qu’ils poussaient.
_ « Écoutons un peu de musique! » disait le géant, « jusqu’à ce que le repas soit prêt pour le roi ».
Finalement, ils se sont tus
Le géant s’est levé, a tué le cheval de Finn, l’a écorché et dépecé aussitôt. Cailte a voulu attaquer le géant.
_ « Reste tranquille ! » a dit Finn, «Réjouissons-nous de ce qu’il nous épargne nous-mêmes. Peu importe le cheval ».
Les gens de la maison reprirent leur bourdonnement strident.
_ « Il était juste de vous faire un bon accueil, » a dit le géant, « Nous vous avons joué une musique des plus charmantes».
Le géant a taillé cinquante broches en bois de sorbier jeune, les a disposées autour du feu et a posé la tête du cheval dessus. Loin d’attendre que la viande soit suffisamment rôtie, il l’a présentée crue à Finn.
_ « Garde ta nourriture pour toi, ô géant »,a dit Finn, « nous ne mangeons pas de viande crue. Peu importe que nous n’ayons rien à manger».
_« Votre comportement envers nous est inamical », a répliqué le géant, « refuser notre nourriture ne peut que nous affliger. Personne avant vous ne nous a fait cet affront . Et je vous donne ma parole que ce refus vous causera beaucoup de mal avant votre départ ! »
Alors, ils se sont tous éparpillés. Le feu a cessé de brûler. Finn se retrouvait isolé, serré dans un coin, secoué et battu par les fantômes. Comme ses compagnons ne voulaient pas l’abandonner, ils ont subi le même sort toute la nuit. Finalement, ils sont tombés sur le sol où ils sont restés immobiles comme des cadavres jusqu’au matin.
Le lendemain, lorsqu’ils se sont relevés, ils ne voyaient plus rien _ni maison ni gens_ dans la plate campagne autour d’eux. Finn a retrouvé son cheval sans tache, sans défaut et sans blessure. Ils se sont réunis pour essayer de comprendre qui leur aurait fait cet outrage. Finn a mâché son pouce avec sa Dent du Savoir et a psalmodié un teinm laida. Alors la vérité lui est apparue
_«Ecoutez-moi bien. Les trois fantômes de Hibar-glend (la vallée des ifs) sont tombés sur nous ; ce sont eux qui nous ont fait cet outrage pour se venger de la mort de leur sœur, Cuillend à la large bouche, que nous avons tuée ».
Puis, ils sont partis pour Fanttur et pour Etrachtaighe. Une fois arrivés au lieu où se trouvaient les Fians ils leur ont raconté leurs aventures.
Finn et les Fians se déplaçaient dans le sud du pays, lorsqu’une dispute a éclaté entre Finn et Ronan, fils d’Aed, fils d’Imchad, fils de Laigsech Grande -Tête, fils de Conall Cernach.
Les deux hommes se sont battus et Ronan a été tué par Finn.
Ronan laissait un fils, excellent combattant, nommé Aed.
Aed a déclaré la guerre à Finn pafin de venger la mort de son père et cent héros des Fians de Find périrent de la main d’Aed pour expier la mort de son père.
Après cela la bataille de Maistiu a été livrée entre Aed et Finn, et Aed a perdu.
Ensuite, Aed a provoqué Finn et les Fians en combat singulier et il a tué les cinq chefs fianniques (Fiachae, Aedan, Cu-Laghean, Led et Nechtain) par sa vaillance dans le combat singulier. Plus personne parmi les Fians n’osait s’opposer à lui, et Aed s’est dressé devant Finn.
Finn s’est levé pour combattre Aed.
_ « Non », a dit Cailte, «j’irai me battre à ta place ».
_ « Certainement pas », a répondu Finn, « tu ne pourrais pas soutenir le combat de ce guerrier-là si bien équipé; chaque homme qui a été tué par sa vaillance était de force à se mesurer avec cent hommes ».
_ «Écoute», a dit Cailte, « je m’opposerai à lui, et sois assuré qu’il périra de ma main, à moins que je périsse par lui ».
Cailte s’est présenté sur le lieu du combat où se trouvait Aed.
_« Écoute mes conditions, avant que nous commencions le combat ». a dit Cailte,
_ « Quelles conditions ? » a demandé Aed.
_ «Je t’offre compensations pour la mort de ton père et le pardon pour tout le mal que tu as fait aux Fians » a répondu Cailte,.
_« J’accepte », a dit Aed.
Il s’engagea vis-à-vis de Cailte et ils se sont rendus, côte à côte, là où se trouvait Finn. Tout le monde était étonné de voir Aed d’accord avec Cailte. On lui a donné l’indemnité pour la mort de son père et, dès lors, il s’est tenu paisiblement dans le cortège de Finn.
Aed vivait alternativement dans le sid, (c’est-à-dire le domaine des fées), où il avait été nourri, et parmi les Fians de Finn. C’est pourquoi on le nommait Fer-da-doman,( homme entre deux demeures). Aed Rind obtint postérieurement une terre, à savoir la campagne du pays d’Echo Rond.
Masc, fille de Maigen, était l’épouse d’Aed. Elle lui a donné deux enfants, un fils nommé Enan et une fille nommée Celg. Or, Aed savait, grâce à une prédiction, que si sa fille venait à se marier, ce mariage serait la cause de sa mort prématurée. C’est pourquoi il refusait chaque homme qui lui demandait sa fille en mariage, et le provoquait au combat, afin qu’il y perde la vie.
Quand Ossin, fils de Finn, est tombé amoureux de Celg, il n’osa pas la demander directement à son père : Il a persuadé Conan Bouche-de-miel, fils de Dagda, de le faire à sa place. Conan a donc demandé la main de Celg.
_« Non », a répondu Aed, « Je ne te la donnerai pas. Si tu la veux, il faudra la prendre pas par le glaive ».
_« Non », a dit Conan, « tu as ta fille sous ton pouvoir; fais-en ce que tu veux ».
Ossin a donc réprimé sa passion pour Celg, pendant une année. Puis il a décidé Conan à la demander à nouveau. Ossin espérait que si les deux héros combattaient, ils s’entre-tueraient et que Celg serait libre pour lui.
Et c’est ce qui arriva car Aed a provoqué Conan en duel. Conan s’est fâcha contre Ossin et le blâma sévèrement pour ce plan diabolique.
_ « Il serait plus juste », répondit Ossin, « de te fâcher contre Aed pour t’avoir refusé sa fille et provoqué un guerrier tel que toi en combat singulier ».
Conan est entré en fureur contre Aed et est retourné le provoqua en combat singulier, puisqu’il ne voulait pas lui donner sa fille.
Aed et Conan se sont rendus tous les deux là devant Finn à Granairiut Sinda, dans la Maison de Caba - la fermière. Finn avait une fille de Caba, nommée Bairend, de laquelle Cluain-Bairend tire son nom. Finn est allé avec eux à Snam-da-én* pour arbitrer le duel. Sa tente a été dressée à Gardiat, mais le duel n’a pas eu lieu.
* Snam-dâ-én (la nage des deux oiseaux), est un gué qui doit son nom à Nar, fils de Fiach, fils de Conall le Victorieux, qui résidait dans la province de Connacht.
Esti - la guerrière était son épouse, mais elle avait un amant, Bude, fils de Daire, de Cruachain Dubthire.
Or, Bude et son frère de lait Luan, fils de Lugair, fils de Lugaid, rendaient visite à Esti sous la forme de deux oiseaux et ils chantaient une mélodie langoureuse qui faisait tomber ses gens en sommeil. Puis, dès que tous s’étaient endormis, ils reprenaient leur forme humaine et Bude couchait avec Esti.
Un jour, Nar, intrigué par ces deux oiseaux, avait demandé à son druide d’où venaient ces oiseaux qui rendaient visite à Esti. Le druide lui a expliqué que c’étaient Bude et Luan qui venaient sous la forme de deux oiseaux.
Le lendemain, les deux oiseaux se sont posés sur la rive du fleuve et l’ont traversé à la nage. Esti est allée à leur rencontre.
Nar marchait derrière Esti et a tiré sur les deux oiseaux qu’il tua d’un seul coup. Il restait encore assez de vie dans Luan pour qu’il puisse longer le fleuve jusqu’à Athluain (Athlone) où il a expiré. C’est pourquoi le gué d’Athlone a reçu ce nom.
Esti s’est rendue à Magh-Esten et y mourut, et c’est d’elle que la plaine a pris le nom de Magh-Esten.
Nar, lui, est mort de douleur suite à la perte de sa femme près de Moin-tire-Nair.
C’est pourquoi le poète a dit :
_« C’est de ces évènements qu’Athlone a été nommé, et Snam-da-én en même temps, ainsi que Moin-tire-Nair (destin prodigieux !) et Magh-Esten susdit. »
Le duel n’a pas eu lieu car cette nuit-là, Finn a eu une vision dans laquelle il voyait un massacre d’hommes irlandais sur la colline à droite, mais il ne vit ni troupes rangées en ordre de bataille, ni bataille. Puis, il a aperçu une flamme de feu descendant du ciel jusqu’à la terre. Enfin, il a vu une foule en vêtements étranges et inconnus.
A ce moment, Finn s’est réveillé et a raconté son songe à ses druides, Morna Mungairit et Ercoil Sainarma. Puis, il a mis son pouce sur sa dent de savoir et a entonné un teinm laida, et la vérité lui est apparue.
_ « En vérité», dit-il, « le fils de la Vie viendra ici, et il fécondera l’Irlande qui deviendra pleine ».
Puis Finn a parlé en ces termes, en prédisant l’arrivée de Saint Ciaran, fils du charpentier :
_ « Cain tuir daidleuch mac-saoir co aibda ar cach aine grene, ».