Evasion du pays des lutins
 Ecosse _ Aberdeen


Proposé par Lord Blackwood / Lanarkshire
traduit par le conteur Armanel


James Campbell qui vivait près de la ville d’Aberdeen, en Écosse, avait une fille, nommée Mary. Mary était mariée à John Nelson, un jeune homme des environs. 

Peu de temps après leur mariage, étant un jeune couple indépendant, Mary et John sont allés vivre à Aberdeen, où John a exercé son métier d’orfèvre; ils ont vécu ensemble dans l'amour et le bonheur jusqu'à ce que vienne le jour où Mary dut mettre un enfant au monde. Ce jour-là, plusieurs matrones bien préparées à sa situation s’étaient rendues à la maison du couple. Le travail avait commencé quand, aux environs de minuit, elles furent alarmées par un bruit épouvantable tandis que toutes les bougies s'éteignirent, ce qui plongea les assistantes dans la plus grande confusion. Dès que les femmes, à moitié paniquées, ont retrouvé leurs sens, elles ont appelé les voisines qui, après avoir rallumé les lumières ont regardé vers la femme couchée, et n’ont trouvé qu’un cadavre, ce qui a plongé le jeune marié dans un grand désarroi. Aucune peine ne pouvait excéder celle du jeune mari qui, le lendemain matin, s’occupa des préparatifs pour les funérailles de Mary. Les gens de tous les environs sont venus se recueillir sur la dépouille de Mary, à commencer par le révérend M. Todd, qui, dès qu’il vit le cadavre, a déclaré:

_ « Le corps que vous voyez là n'est pas le corps d'une chrétienne. Je peux vous affirmer que Mme Nelson a été enlevée par des lutins maléfiques et que ce vous prenez pour elle, est seulement une substance maléfique laissée à sa place. » 

Personne n’a cru le révérend Todd, alors, vexé, ce dernier a refusé de procéder aux funérailles de Mary. Aussi les visiteurs l'ont veillée la nuit suivante et le lendemain, puis Mary a été enterrée.

Un soir après le coucher du soleil, le jeune mari, chevauchait dans son champ. Il a entendu un concert de musique des plus agréable, et peu après il aperçut une femme toute habillée de blanc venir à lui. Comme elle était voilée, il ne pouvait pas observer son visage, pourtant il s'approcha d'elle et lui demanda très amicalement qui elle était pour oser marcher seule si tard dans la soirée? Elle a fondu en larmes en disant:

_ « Je ne suis pas autorisée à vous dire qui je suis. »

Puis, elle a dévoilé son visage

John reconnut Mary sa femme, et lui demanda au nom de Dieu ce qui la tourmentait et l’obligeait à apparaître à cette heure-là. Mary lui a répondu :

_ « L’heure de mon apparition est sans importance; car même si tu me crois morte et enterrée, je ne le suis pas. J'ai été enlevé par des lutins maléfiques le soir de ma délivrance; et tu n'as enterré qu'un morceau de bois à ma place. Tu pourras peut-être me récupérer si tu oses les affronter; Quant à notre enfant, il a trois nurses qui veillent sur lui, mais j’ai bien peur de ne jamais pouvoir le ramener à la maison. Sans l’aide de mon frère Robert, qui est capitaine de navire marchand, et sera de retour dans dix jours, il te sera très difficile de me délivrer ». 

John lui a alors demandé ce qu’il devait faire pour arriver à la délivrer. Elle lui a dit :

_ « Tu trouveras une lettre dimanche prochain, à la première heure, sur le bureau de ta chambre, adressée à mon frère, et dans laquelle il y aura les instructions pour venir me délivrer. Saches que depuis que je t’ai été enlevée, j'ai obtenu l'aide de la reine de ces lutins maléfiques qui m’aime beaucoup et qui est désolée de ce qui m’est arrivé. Si tu regardes fixement par-dessus mon épaule droite, tu verras plusieurs de mes compagnons.» 

Le jeune marié a donc fait comme Mary le voulait, et, à une petite distance de là, il a vu un roi et une reine assis en splendeur, sur un trône, à côté d'un fossé.

Mary lui demanda alors de regarder à droite et à gauche, ce qu'il fit, et il aperçut d'autres silhouettes qui semblaient monter la garde de chaque côté du roi et de la reine. Le jeune mari a dit,

_  « Je crains qu’il soit impossible de te sortir d'un tel endroit. Tu sembles trop bien surveillée »

_ «  Non, ne dis pas cela, » répondit Mary, « si mon frère Robert était chez toi, il me ramènerait à la maison; Mais n’essaye surtout pas de me sauver par toi-même, car cela me ferait perdre à jamais. Avant de me quitter sache qu’il y a maintenant une sévère punition prévue pour moi car j’ai osé venir te parler; mais, tu peux empêcher cela, avance jusqu’au fossé, en faisant celui qui ne voit personne. Tous les gens que tu vois maintenant viendront tout autour de toi près pour t’encercler. Menace alors de brûler toutes les vieilles épines et les ronces qui se trouvent autour du fossé si tu ne reçois pas la promesse solennelle que je ne serai pas punie; et ainsi je serai épargnée ».

Le jeune mari a promis de faire tout ce que sa femme lui avait demandé. Mary a ensuite disparu et il a perdu de vue le roi, la reine et tous les lutins maléfiques qui les entouraient. Il se dirigea alors résolument vers le fossé et le contourna, jurant de tout brûler s'il ne recevait pas la promesse que sa femme ne serait pas blessée, ni punie. Une voix le pria de jeter le briquet qui se trouvait dans sa poche, et de refaire ensuite sa demande. Il a répondu qu'il ne se séparerait jamais de son briquet, mais qu’il fallait accéder à sa demande, sinon ils se trouveraient sous l'effet de sa colère.

La voix répondit qu’elle jurait sur son honneur que Mary ne subirait aucun sévice, sa faute lui serait pardonnée, et que lui pouvait sans problème se rendre au fossé s’il promettait de ne rien brûler et qu'il pourrait rester y écouter une musique des plus agréable tant qu’il voudrait. John est ensuite rentré chez lui et a envoyé chercher le révérend M. Todd à qui il a raconté ce qu'il avait vu. Comprenant la complexité de la situation, M. Todd est resté avec lui jusqu'au dimanche matin suivant. Et lorsque John Nelson s’est levé ce dimanche-là et a regardé sur le bureau de sa chambre il a aperçu une lettre, qu'il a prise entre ses mains. Elle était adressée au frère de sa femme.

Robert est arrivé chez lui quelques jours plus tard. Robert en apercevant la lettre, que John Nelson lui avait fait apporter, l'ouvrit, et il lut ce qui suit: 

« Cher Frère, - Mon mari peut te raconter quelle est ma situation actuelle. Je te demande de venir (la toute première nuit après avoir lu cette lettre) dans le fossé où je demeure prisonnière, séparée de mon mari. Ne laisses rien te décourager, restes debout dans le centre du fossé à l'heure de minuit et appelles-moi, quand tu me verras entourée de plusieurs autres personnes; je porterai le vêtement le plus blanc qui soit. Alors prends-moi, et ne me lâches pas. N’aies pas peur de tous les tours et toutes les apparitions effrayantes que mes gardiens emploieront, ne te laisses pas surmonter par la peur, mais tiens bon. Saches qu’ils te tourmenteront jusqu’au chant du coq, et alors, quand ils disparaîtront, je serai en sécurité, et je pourrai revenir vivre auprès de John, mon mari. Si tu y parviens, tu passeras pour un héros auprès de tous tes amis. Reçois la bénédiction de ta sœur toujours aimante et affectueuse. »

"MARY NELSON."

A peine avait-il lu la lettre que Robert s'était juré de récupérer sa sœur et son enfant ou de périr dans cette tentative; il est retourné au navire et a raconté à ses marins le contenu de la lettre. Il resta sur son bateau jusqu'à dix heures du soir. Lorsque qu’il partit, ses fidèles marins lui proposèrent de l'accompagner, ce qu'il refusa, pensant qu'il valait mieux y aller seul. En quittant son bateau, un lion effroyable se jeta sur lui en rugissant. Robert dégaina son épée et frappa le lion, qui, il s’en rendit compte n'avait aucune substance matérielle. Ce n’était qu’un esprit mauvais qui avait pris l’apparence d’un lion pour l'effrayer. Cela ne fit que l'encourager, de sorte qu'il se dirigea vers le fossé au centre duquel il observa un mouchoir blanc étalé.

Là, Robert fut entouré d'un grand nombre de femmes, dont les cris étaient les plus effrayants qu'il ait jamais entendus; Mary,sa sœur, était vêtue de la robe la plus blanche qui soit, Robert la saisit par la main droite et lui dit:

_ « Avec l'aide de Dieu, je te préserverai de tous ces lutins infernaux »

Soudain, le fossé sembla s’embraser autour de lui. Robert a également entendu le tonnerre le plus redoutable que l'on puisse imaginer; des oiseaux effrayants et des bêtes effrayantes semblaient sortir du feu, ce qui, à son avis, n'était pas réel; rien n'a pu le décourager; Robert garda sa sœur pendant une heure et trois quarts quand les coqs se mirent à chanter; puis le feu a disparu et tous les lutins effrayants ont disparu. Robert la prit dans ses bras et, épuisé par cette longue nuit, tomba à genoux.

Robert remercia Dieu pour l’aide apportée durant cette nuit. Il s’aperçut alors que les vêtements de sa sœur étaient très fins et lui donna son manteau de laine; elle l'embrassa alors, disant qu'elle était maintenant en sécurité. Robert l'a ensuite ramenée chez son mari, ce qui lui a valu de grandes réjouissances. Les deux hommes ont décidé de détruire le fossé pour se venger du fait que ces êtres mauvais avaient osé enlever un bébé, quand ils ont entendu une voix qui a dit:

_ « Vous aurez votre fils sain et sauf, à condition que vous ne détruisiez pas le fossé, ni les arbustes ni les ronces autour de cet endroit ».

Ce à quoi ils ont consenti et alors, en quelques minutes, l’enfant a été posé sur les genoux de Mary, sa mère.

Je dois reconnaître que cette histoire n’est pas des plus joyeuses, mais comprenez bien que de tout cela ne serait pas arrivé si Mary Nelson, la nuit de son accouchement, n’avait pas été sous la garde et la surveillance de femmes qui étaient pour la plupart ivres d'alcool!