Caoilte aux long pieds
Irlande _ Roscommon
Texte recueilli par Douglas Hyde, traduit par le conteur Armanel
Autrefois, il y avait un couple qui demeurait à Grâin-leathan près de Baile-an-Iocha, dans le comté de Roscommon. Ils étaient mariés depuis plus de vingt ans sans avoir eu d'enfant.
Un matin, Diarmuid, le mari, sortit pour essayer de tuer un lièvre. Il y avait beaucoup de neige sur la terre et un brouillard sombre si épais que l'on ne pouvait rien distinguer à deux mètres devant soi. Bien qu’il connaisse le terrain pouce par pouce à un mille à la ronde Diarmuid s'égara. Il cherchait une lande de bruyères au bord de la tourbière où se rassemblaient les lièvres. Il erra et il erra pendant bien des heures et il ne put trouver l’endroit. Découragé, il chercha à regagner sa maison, mais il ne le put. Il marcha jusqu'à ce que la fatigue le terrasse et allait s'asseoir quand il vit un vieux lièvre venir à lui. Diarmuid allongea la main et essaya de l’assommer, mais le lièvre sauta de côté et lui dit :
- Retiens ta main, Diarmuid, et ne frappe pas ton ami.
Diarmuid s’évanouit et quand il revint à lui le lièvre noir était devant lui et lui dit:
- N'aie pas peur de moi; ce n'est pas pour nuire, mais c'est pour t’aider que je suis venu vers toi. Aie confiance et écoute-moi. Tu es égaré , il me semble, et tu serais mort de froid dans cette neige si je n’avais pas eu pitié de toi. Je sais bien que tu en as tué beaucoup de ma race alors qu’ils ne t'avaient rien fait de mal. Mais malgré tout le mal que tu as fait, je ne te veux que du bien. Dis-moi ce que tu désires le plus au monde et si le ciel le permet, je te le donnerai.
Diarmuid réfléchit un moment et dit:
- Je suis marié depuis plus de vingt ans sans avoir eu un seul enfant et ni moi ni ma femme n'aurons personne au monde pour nous secourir dans notre vieillesse, pour nous enterrer et veiller sur nous après notre mort. Voici le plus grand désir qui nous travaille ma femme et moi: que nous ayons un enfant, mais j'ai bien peur que nous ne soyons trop âgés.
- Trop vieux, vous ne l'êtes pas, répondit le lièvre, ta femme aura un enfant dans neuf mois et on ne pourra pas trouver son semblable sur la terre. Maintenant tu vas suivre la trace de mes pas dans la neige, elle te conduira chez toi. Mais qui que tu voies, ne raconte à aucun être vivant que tu m'as vu, et promets-moi que tu ne tueras plus aucun lièvre désormais.
- Je te le promets, dit Diarmuid. Alors le lièvre partit et le devança jusqu'à ce qu'ils arrivent au pied de la maison.
- Tu es arrivé chez toi, dit le lièvre, entre!
Quand Diarmuid entra, Rose, sa femme, lui fit bon accueil et dit:
- Où as-tu passé la journée Diarmuid? J’étais si inquiète que je pensais aller à ta recherche. Tu es transi de froid et à moitié mort de faim.
- En fait, nous avons bien de la chance que je ne sois pas mort noyé dans une mare de tourbière ou englouti dans une carrière de sable. J'ai marché dans la tourbe et je me suis égaré. Mais je te promets que je n'irai plus jamais chasser le lièvre aussi longtemps que je vivrai.
Et les choses se passèrent ainsi.
Diarmuid ne pensait pas qu'à l'héritier qui lui était promis. Quand il vit que Rose allait vraiment lui donner un enfant, il n'y eut personne au monde de plus heureux que lui. Il fit faire un berceau et préparer toutes sortes de choses pour le jeune héritier qui allait venir. Quand les voisins remarquèrent que Rose était enceinte, ils dirent que c'était une merveille supérieure à tout, car Rose avait plus de cinquante ans et n'avait que la peau sur les os, elle était aussi desséchée qu'une femme de soixante-dix ans. Tout le monde parlait de Rose et de Diarmuid. Quand les trois trimestres furent écoulés, Rose eut un fils. Diarmuid invita les vieilles femmes du village à un repas de fête le jour où on baptisa l'enfant; mais il le regretta rapidement. Quand l'enfant naquit, il n'était pas comme un autre petit enfant; il avait quatre pieds de haut; il était aussi mince qu'un bâton et ses pieds avaient plus d'un pied de long. Les femmes, jeunes et vieilles, s'étonnèrent, car elles n'avaient jamais vu auparavant un enfant comme celui-là. Diarmuid leur donna de l'eau-de-vie et elles chantèrent les louanges de l'enfant jusqu'à ce que tout fût bu. Ensuite elles se mirent à se moquer de lui.
- N'est-ce pas Diarmuid qu'on l'appelle? dit une vieille qui était à moitié ivre.
- Si, répondit une autre vieille, mais c’est une erreur de l'appeler Diarmuid; c'est Caoilte aux longs pieds qu'il serait juste de l’appeler.
- Et c'est le nom que nous lui donnerons, rajouta la première vieille.
Rose écoutait cette conversation et cela la mit en colère. Elle appela Diarmuid ; elle lui dit tout bas à l'oreille que les femmes disaient du mal du jeune Diarmuid et elle lui dit de les chasser de la maison. Diarmuid s’approcha des femmes pour les mettre dehors et nul ne se rappelle qu’il n’y ait jamais eu à Grâin-leathan une telle querelle que celle qu'il y eut entre Diarmuid et les femmes. Elles ne cédaient pas d'un pouce, et Diarmuid dut leur donner une cruche d’eau de vie afin qu’elles s’en aillent.
Mais quoiqu'il en soit, le nom de « Caoilte aux longs pieds» resta au jeune Diarmuid toute sa vie.
Quand le jeune Diarmuid eut dix ans, il avait plus de six pieds de haut, mais il était aussi mince qu'une canne à pêche et ses pieds à partir avaient un pied et demi de long et ils étaient aussi minces que mon pouce; et il n'y avait pas de lévrier ni de chien en Irlande qu'il ne battît à la course. Il ne sortait que rarement, car les gens se moquaient de lui. Quand on jouait au Hurling, Caoilte ne demandait pas de crosse, il frappait la balle avec les pieds et personne ne pouvait l'arrêter. À mesure que les années s'écoulaient, Caoilte grandissait; quand il eut vingt et un ans, il avait plus de sept pieds et demi de haut mais il n'était pas une miette plus gros que quand il avait l'âge de dix ans et il n'y avait pas plus de chair sur lui que sur une paire de pincettes, bien qu'il eût assez à manger et à boire et qu'il mangeât comme un ogre. Les gens dirent qu’il n'était pas un vrai homme, mais un vieux lorgadân et qu'il n'avait pas du tout de boyaux; mais Diarmuid et Rose pensaient qu'il n'y avait pas dans le pays un jeune homme à moitié aussi beau que lui ; ils pensaient qu'il deviendrait gros et qu'il engraisserait quand il cesserait de grandir, et que la chair lui viendrait. Mais elle ne vint pas.
Un jour que Caoilte était avec son père sur la tourbière à faire des piles de tourbe ils virent un lièvre qui courait aussi vite qu'il le pouvait poursuivi par une belette. La belette le serrait de près et le lièvre criait aussi fort qu'il pouvait. Caoilte courut après le lièvre et l’attrapa avant que la belette l'eût atteint. Une grande colère s'empara de la belette et elle attaqua Caoilte ; elle le déchira et l'égratigna; elle lui jeta de la salive dans l’œil droit qu'elle aveugla. Puis elle partit et se cacha sous un tas de tourbe. Le lièvre, pendant ce temps-là s’était blotti dans la chemise de Caoilte, et quand la belette fut partie, le lièvre lui dit :
- Grand merçi, Caoilte, tu m'as sauvé la vie, mais saches que tu es toi-même en grand danger. Cette belette est en fait une vieille sorcière. De plus, tu es borgne maintenant; mais plonge ta main dans mon oreille droite, tu y trouveras une petite bouteille d'huile; enduis-en ton œil et il reviendra comme auparavant.
Caoilte le fit et son œil recouvra la vue. Alors le lièvre lui dit:
- Laisse-moi partir maintenant et quand tu voudras lever un lièvre pour les chasseurs, viens vers le monticule de joncs au bord du lac et j'y serai. Il n'y a pas de lévrier ni de chien au monde capable de m'atteindre, et tu peux mechasser n'importe quand, mais ne me livre jamais aux chiens et aux chasseurs. Maintenant sois sur tes gardes cette nuit. La belette viendra te trouver cette nuit et te coupera la gorge si tu n'as pas dans ton lit le chat de Brighid Ni Mathghamhain. Passé minuit tu entendras une voix dire:
C'est le chat de Brighid Ni Mathgh'ûin Qui a mangé le lard.
C'est le chat de Brighid Ni Mathgh'ûin Qui a mangé le lard.
Quand tu l'entendras pour la troisième fois, lâche le chat ; et tu n'auras plus rien à craindre.
Caoilte laissa filer le lièvre, revint chez son père et lui raconta tout ce qui était arrivé.
- Ah ! ah ! dit le père,ce lièvre est vraiment ton meilleur ami ; suis son conseil, mais fais attention à toi; ne raconte rien à personne à son sujet surtout pas aux voisins; si tu leur racontes cette histoire, tu ne pourras demeurer plus longtemps dans ce village ni dans les sept villages les plus proches.
- Sois tranquille père, je ne suis pas si bête, dit Caoilte, de mon côté je te demande de ne pas en dire un mot à ma mère.
Caoilte sortit ce soir-là pour aller chez Brighid Ni Mathghamhain afin de lui emprunter le chat et quand il fut près de la maison il vit un renard qui volait le jars de Brighid Ni Mathghamhain. Caoilte courut après le renard et comme il le serrait de près, le renard laissa tomber le jars et se cacha dans le petit bois. Caoilte conduisit le jars à la maison de Brighid Ni Mathghamhain et lui dit:
- Ton jars était sur le dos du renard lorsque je le lui ai enlevé.
- Je te remercie beaucoup, répondit-elle, as-tu besoin de quelque chose? Tu ne viens pas souvent me rendre visite.
- Je viens te demander la permission d’emprunter ton chat, notre sac de farine est endommagé par les souris.
- Prends-le, bien volontiers, dit-elle, et garde-le jusqu'à ce qu'il ait tué toutes les souris de la maison, c'est un chat capable de les chasser toutes.
Caoilte emporta le chat chez lui et se mit au lit, mais le sommeil ne lui vint pas. Environ une demi-heure avant minuit, il entendit la chanson:
C'est le chat de Brighid Ni Mathghamhain Qui a mangé le lard.
C'est le chat de Brighid Ni Mathghamhain Qui a mangé le lard.
C'est le chat de Brighid Ni Mathghamhain Qui a mangé le lard.
La troisième fois qu'il entendit ces paroles, la voix était proche de lui, mais le chat était habile; il sauta à terre et dit:
- Sorcière menteuse, ce n'est pas moi qui a mangé le lard, mais c’est toi qui l'as volé.
Et il attaqua la belette; une telle bataille à coups de dents, de griffes et avec de tels cris que personne n’ait jamais entendit avant. La pauvre Rose était folle de peur et elle ne pouvait dire aucun mot sauf:
- Chut, dehors le chat! Et elle le répéta au point de s'enrouer.
Le combat continua jusqu'à l'aube quand la belette abandonna la lutte et entra dans le trou d'un four à chaux. Le pauvre chat n'avait plus de poil ni de peau à ce moment-là et quand Caoilte voulut l'attraper, il lui dit:
- Enduis-moi de l'huile que tu as trouvée dans l'oreille du lièvre.
Caoilte le fit et cela le guérit et le rendit aussi bien portant qu'il était la veille.
- Maintenant, dit-il à Caoilte, ton ennemi est mort, ne le crains plus.
Caoilte prit du lait et le donna au chat, puis le chat retourna chez lui. Caoilte prit un balai et poussa dehors les poils et la peau; mais il y avait tant de taches de sang sur le sol que toute l'eau du lac ne les aurait pas effacées.
Un autre jour, il y eut une grande chasse dans le comté de Roscommon et le daim se dirigea vers Grâin-leathan. Caoilte était dehors et voyait venir le daim poursuivi par les lévriers et les cavaliers. Caoilte se mit à courir après le daim et un des chasseurs dit:
- Si tu peux le détourner avant qu'il ne traverse la rivière, je te donnerai une pièce d'or.
Pendant que le chasseur discutait avec Caoilte, le daim s’était échappé loin devant, mais Caoilte ne tarda pas à le gagner de vitesse et il le détourna.
Caoilte s'arrêta alors jusqu'à ce que le chasseur vînt, et celui-ci lui donna une pièce d'or. Le daim s’échappa vers le lac, et comme les lévriers le serraient de près, il sauta dans le lac et nagea jusqu'à l'autre rive et les lévriers ne voulurent point aller à sa suite. Quand les chasseurs furent arrivés au bord du lac, ils se dirent l'un l'autre:
- Le daim est parti loin de nous et nous ne pourrons jamais le rattraper aujourd'hui; il va aller se terrer dans le bois de Loch-'Glinn.
Caoilte écoutait et dit:
- Je parie ma tête contre une pièce de dix pence que j'atteindrai le daim et que je vous le ramènerai avant qu'il ait fait la moitié du chemin vers Loch-Ghlinn; si vous voulez bien attendre ici une demi-heure, je vous rapporterai le daim ou je vous donnerai la permission de me couper la tête.
- C'est bien, dirent-ils, nous attendrons une demi-heure.
Là-dessus, Caoilte partit aussi vite qu'il put et il atteignit le daim à la colline de Brêuna-Môr.
Il le détourna et ne fut pas long à le ramener de nouveau au bord du lac. Quand les chasseurs virent venir le daim poursuivi par Caoilte, ils s'étonnèrent et ils se dirent que Caoilte était un farfadet et qu'ils feraient bien mieux de le chasser de la place, mais ils n'eurent pas le temps de rien lui faire cette fois-ci, car les chiens partirent après le daim et ils durent les suivre. Le daim partit devant eux et se dirigea vers Caisleân Riabhach, il entra dans un petit bois près de Baile-an-locha et ils le perdirent. Les chasseurs rentrèrent et cela mit fin à la chasse ce jour-là. Caoilte retourna chez lui, très satisfait de la pièce d'or qu'il avait pour tout son travail du jour. Il la donna à son père et lui raconta tout ce qui était arrivé.
Environ une semaine après cela, Caoilte était sur la tourbière en train de tirer de la bruyère pour faire de la litière pour la vache, quand les chasseurs revinrent et lui demandèrent s'il avait vu un lièvre.
- Je n'en ai pas vu, dit celui-ci, mais je sais où il y a du lièvre.
- Lève-le-nous, dit l'un d'entre eux nous te donnerons le prix d'une paire de souliers.
- Voilà une chose que je n'ai jamais portée; dit-il, mais donnez-moi plutôt le prix d'une paire de pantalons.
- Nous te le donnerons, dirent-ils.
- Donnez-le-moi tout de suite, répondit Caoilte. J'ai gagné une pièce de dix pence aux chasseurs la semaine dernière et ils ne me l'ont pas encore donnée. Si je suis étrange à regarder, je ne suis pas sot.
Ils lui donnèrent les cinq pièces et lui dirent de leur lever le lièvre. Il alla vers le monticule de jonc au bord du lac et il leva son ami le lièvre. Les chiens et les chasseurs partirent à sa poursuite; le lièvre se dirigea vers la tourbière et ils ne purent l'atteindre. Les chasseurs vinrent cinq jours de rang et Caoilte leur leva le lièvre chaque jour, mais ils ne purent jamais l'attraper. Le sixième jour, ils dirent à Caoilte qu'il était sorcier et que c'était un lièvre magique qu'il leur levait.
- Si vous n’êtes pas contents, trouvez un lièvre vous-mêmes, dit Caoilte.
Là-dessus, ils cherchèrent à le saisir, mais Caoilte était trop rapide pour eux. Ils le suivirent jusque chez lui et ils demandèrent à son père et à sa mère de le leur amener pour qu'ils le tuent.
- Que vous a-t-il fait? dit le père.
- C'est un farfadet enchanté, dirent-ils.
Quand Rose entendit cela, elle sortit en courant et soyez certain qu'elle fit marcher sa langue. Mais cela ne servit à rien; ils dirent que si Caoilte ne sortait pas, ils mettraient le feu à la maison. Quand Caoilte entendit cela, il saisit le manche de la bêche, Diarmuid prit les pincettes et Rose la crémaillère. Caoilte sortit en courant et les attaqua avec le manche et les jetait à ses pieds; pendant qu'il les jetait par terre, son père et sa mère les frappaient avec les pincettes et la crémaillère, de sorte qu'ils furent vite tous étendus sur le sol, sans être capables de faire un seul mouvement. À mesure qu'ils revenaient à eux, ils partirent et enfin le dernier s'en alla. Au bout de deux jours, ils allèrent trouver le curé et se plaignirent vivement de Caoilte, de son père et de sa mère.
- J'irai trouver Diarmuid, dit le prêtre, et je prendrai des informations sur cette affaire.
Le lendemain matin, le prêtre alla chez Diarmuid et se renseigna sur le sujet de la dispute. Il revint chez lui, envoya chercher les gens qui avaient déposé plainte et leur dit:
- Diarmuid, sa femme et son fils n'ont aucun tort. Ils ne vous auraient fait aucun mal si vous n'aviez pas commencé, et le conseil que je vous donne, c'est de les laisser tranquilles.
Ils ne furent pas satisfaits du conseil du prêtre, et ils formèrent le complot de brûler la maison de Diarmuid pendant la nuit, pendant que lui, sa femme et son fils dormiraient. Caoilte allait ce jour-là à la tourbière pour rapporter à la maison un panier de tourbe quand il rencontra le lièvre qui lui dit:
- Caoilte, une troupe d'hommes va venir cette nuit pour brûler la maison, et vous par la même occasion, mais je jetterai un brouillard devant leurs yeux; ils s'égareront et ils ne trouveront pas leur chemin vers ta maison ni vers les leurs jusqu'au matin, et s'ils font une seconde tentative contre toi, ils seront noyés dans le lac.
Ce soir-là, la consigne passa de maison en maison : la troupe qui allait brûler la maison de Diarmuid devrait se rassembler au carrefour avant minuit. Environ vingt hommes se rassemblèrent en cet endroit et se dirigèrent vers la maison de Diarmuid, mais ils ne purent y réussir. Dépités ils décidèrent de retourner chez eux, mais ils ne purent trouver leurs maisons ni aucune autre maison avant que le jour se lève. Alors seulement ils se retrouvèrent au même carrefour après avoir marché toute la nuit. À partir de cette nuit-là, ils ne troublèrent plus Caoilte, son père, ni sa mère, mais ils l'évitèrent comme ils auraient évité un espion ou un voleur.
Plus tard, Diarmuid était seul sur la tourbière et le vieux lièvre noir vint à lui, le même qui était venu à lui le matin où il s'était égaré, vingt-deux ans auparavant.
- Maintenant, dit-il, je suis venu te dire qu’il vous reste peu de temps à vivre, et si vous avez quelque chose à régler, faites-le vite, car dans une semaine vous ne serez plus de ce monde.
- Et que fera Caoilte ? dit Diarmuid, sans personne pour le protéger ?
- Ne t'inquiète pas de Caoilte, répondit le lièvre, il est de ma tribu, Caoilte ; je l'emmènerai chez moi et sur ma parole il y sera plus heureux que s'il était au milieu de ses voisins. Tu n'es pas obligé de garder ce secret pour toi. Tu peux le raconter à qui tu voudras.
Diarmuid s'en alla chez lui très affligé. Quand il rencontra le fils de son frère, et il lui raconta l'histoire du commencement à la fin.
- En vérité, si tu racontes cette histoire à n'importe quel autre, ta famille sera déshonorée et nous ne trouverons personne pour vous enterrer, répondit son neveu.
- Je ne le raconterai à personne au monde, dit Diarmuid, sinon à Rose et au prêtre.
Diarmuid alla chez lui et raconta l'histoire à Rose. Quand il eut fini, elle fut prise d'un accès de toux qui l'étouffa. Diarmuid et Caoilte l'enterrèrent. À la fin de la même semaine, Diarmuid lui-même mourut et le soir du jour où il fut enterré, Caoilte partit et on n'en a pas entendu parler depuis.
Le fils du frère de Diarmuid ne put garder le secret, et peu de temps après cela, l'histoire allait de bouche en bouche à travers le pays telle que je vous l'ai racontée. Beaucoup de gens affirmèrent à la suite de cela qu'ils ont souvent vu Caoilte à côté du lac.
Soit! Je veux bien le croire. Mais je pense plutôt qu'ils sont tous les trois au ciel