HISTOIRE DE CALUMM (2)

Proposé par Lord Blackwood _ Traduit par Armanel - conteur


2 _  Calumm en Eirinn

Calumm arriva en Eirinn sur la chaussée des géants, vestige du combat entre les géants Finn MacCool et Benandonner et se présenta devant la maison d’un charpentier où il cria à la porte :

_« Laissez-moi entrer. »

« Qui es-tu ? » demanda le charpentier.

— « Je suis un bon ouvrier, si tu en as besoin », dit Calumm.

Le charpentier ouvrit la porte, et il laissa entrer Calumm, et Calumm commença à travailler à la menuiserie avec le charpentier.

Calumm travailla dur un jour ou deux chez le charpentier et observa la maison et ses alentours et il dit :

_« Ô purée ! Quelle pauvre maison vous avez, et les réserves du roi sont si près de chez vous. »

— « Et alors ? » demanda le charpentier.

—«  C’est, dit Calumm que vous pourriez puiser un peu dans les réserves du roi, si vous étiez assez malins pour le faire. »

Le charpentier et sa femme répondirent:

_« Ils nous mettraient en prison si nous commencions par cela. »

Calumm leur dit qu’il suffirait d’entrer par effraction dans les réserves du roi, et qu’ils y trouveraient tout ce qui leur manquait pour être heureux. Mais le charpentier ne voulut pas l’accompagner. Alors Calumm prit avec lui quelques-uns des outils du charpentier et il entra par effraction dans le magasin du roi où il prit avec lui une grosse motte de beurre et du fromage qu’il apporta à la maison du charpentier. Les choses plurent bien à la femme du charpentier et elle voulut que son mari s’y rendît la nuit suivante. Le charpentier y alla avec son garçon la nuit suivante. Ils entrèrent dans le magasin du roi et emportèrent tout ce qui leur plut le mieux de l’intérieur du magasin du roi.

Mais les gens du château du roi manquèrent bientôt de beurre, de fromage et des autres choses qui avaient été volées au magasin, et ils allèrent se plaindre au roi.

Le roi prit conseil auprès de son sénéchal sur le meilleur moyen d’attraper les voleurs, et le conseil que le Sénéchal leur donna fut de remplir le trou par où ils entraient avec un tonneau rempli de poix liquide et bien gluante. Cela fut fait, et la nuit suivante, Calumm et son maître retournèrent dans le magasin du roi.

Calumm fit entrer son maître devant lui, et le maître descendit dans la poix molle jusqu’à la ceinture, et il ne put plus en sortir. Calumm descendit à son tour, mit un pied sur chacune des épaules de son maître, et vola deux mottes de beurre et du fromage qu’il passa à travers le trou. Et quand il sortit, il coupa la tête de son maître et la prit avec lui laissant le tronc dans la tête de poix de porc, et il rentra chez lui avec le beurre et le fromage, et la tête qu’il enterra dans le jardin.

Quand les gens du roi entrèrent dans le magasin, ils trouvèrent un corps sans tête dans ea tonneau de poix, mais ils ne pouvaient pas distinguer de qui il s’agissait. Ils essayèrent de trouver quelqu’un qui pût le reconnaître à ses vêtements, mais ses vêtements étaient couverts de poix, de sorte que c’était impossible à faire.

Le roi demanda conseil au Sénéchal à ce sujet ; et le conseil que le Sénéchal donna fut de transpercer le tronc sans tête sur les pointes des lances des soldats pour le transporter de ville en ville afin de voir s’ils trouveraient quelqu’un qui en éprouverait du chagrin ou quelqu’un qui pousserait un cri douloureux ou quelqu’un qui paraissait sur le point de pousser un cri douloureux quand les soldats passeraient devant lui.

On sortit le corps du tonneau de poix et on le piqua sur les pointes des lances. Les soldats le portaient en l’air sur la pointe de leurs longues lances de bois, et ils allaient de ville en ville avec lui. Et quand ils passèrent devant la maison du charpentier, la femme du charpentier poussa un cri de douleur. Aussitôt Calumm se coupa avec l’herminette et il ne cessait de dire à la femme du charpentier :

_« La coupure n’est pas aussi grave que tu le penses. »

Le commandant en chef et sa compagnie de soldats entrèrent et demandèrent :

_« Qu’est-ce qui a fait pleurer cette femme ?

_« Je viens de me couper le pied avec l’herminette et elle a peur du sang » répondit Calumm et en même temps il disait à la femme du charpentier : « N’aie pas si peur ; elle guérira plus tôt que tu ne le penses.

Les soldats pensaient que Calumm était le charpentier et que la femme qu’ils avaient vue était sa femme. Alors ils sortirent de la maison et ils allèrent de ville en ville, mais ils ne trouvèrent personne d’autre que la femme du charpentier à pleurer ou à crier quand ils passaient devant elle.

Ils emportèrent le corps dans la maison du roi ; et le roi prit un autre conseil de son Sénéchal, et le conseil du sénéchal c’était de pendre le corps à un arbre dans un endroit désert avec des soldats pour le surveiller afin que personne ne l’emporte, et que les soldats regardent si quelqu’un passant par le chemin aurait de la pitié ou du chagrin pour lui.

Calumm passa devant eux et il vit les soldats qui gardaient le corps. Il est retourné chercher un cheval et a mis un baril de whisky de chaque côté du cheval dans des sacs. Puis il est passé devant les soldats en faisant comme s’il se cachait d’eux. Les soldats le voyant agir ainsi pensaient qu’il avait pris quelque chose qu’il n’aurait pas dû avoir et quelques-uns d’entre eux coururent après lui et attrapèrent le vieux cheval et le whisky. Mais Calumm réussit à s’enfuir en laissant le cheval et le whisky avec eux. Les soldats ramenèrent le cheval et les barils de whisky à l’endroit où le corps était accroché à la potence. Ils regardèrent ce qu’il y avait dans les tonneaux et quand ils comprirent que c’était du whisky ils prirent une timbale et commencèrent à boire jusqu’à ce que chacun d’eux soit ivre, et ils se couchèrent et s’endormirent. Quand Calumm vit que les soldats étaient couchés, endormis et ivres, il revint et enleva le corps de la potence. Il le posa en travers du dos du cheval et il le ramena à la maison. Puis il enterra le corps dans le jardin où se trouvait la tête.

Quand les soldats se réveillèrent ils virent que le corps avait été volé. Ils n’avaient rien d’autre à faire que d’aller le dire au roi. Alors le roi tint conseil du Sénéchal et le Sénéchal dit à tous ceux qui étaient en sa présence qu’il leur conseillait d’accrocher une corde au cou du grand cochon noir qui était là et de le promener de ville en ville et que quand ils arriveraient à l’endroit où le corps était enterré, le cochon le déterrerait. Ils sont allés chercher le cochon noir et ils sont allés de ferme en ferme avec lui, essayant de savoir s’ils pouvaient trouver où le corps avait été enterré. Ils allèrent de maison en maison avec lui, jusqu’à ce qu’enfin ils arrivent à la maison où demeuraient Calumm et la veuve du charpentier. Quand ils sont arrivés, ils ont laissé le cochon en liberté sur le terrain. Calumm leur dit qu’il était sûr que la soif et la faim les tenaillaient et qu’ils feraient mieux d’entrer dans la maison où ils auraient à manger et à boire et pourraient se reposer tandis que le porc chercherait tout seul.

Les soldats entrèrent et Calumm demanda à la veuve du charpentier de mettre de la viande et de la boisson devant les hommes. La veuve du charpentier mit de la viande et de la boisson sur la table, et elle la posa devant eux ; et pendant qu’ils mangeaient leur viande, Calumm sortit pour voir le cochon ; et le cochon venait de trouver le cadavre dans le jardin. Calumm a pris un grand couteau et il lui a coupé la tête qu’il a enterré à côté du corps du charpentier dans le jardin.

Quand les soldats sont sortis de la maison, le cochon n’était pas visible. Ils demandèrent à Calumm s’il l’avait vu. Il a dit qu’il l’avait vu marcher tête haute regardant en l’air et avait disparu derrière la colline. Les soldats se rendirent en toute hâte du côté où Calumm avait dit que le cochon était parti. Quand Calumm s’aperçut qu’ils avaient disparu derrière la colline, il arrangea tout de manière à ce qu’ils ne trouvent pas le cochon. Les soldats revinrent bredouille. Puis, comme ils ne pouvaient pas le trouver, ils n’eurent rien d’autre à faire que d’aller chez le roi et de raconter ce qui s’était passé.

Alors on redemanda conseil au Sénéchal ; et le conseil que le sénéchal leur donna fut de donner quartier libre à tous les soldats du pays et que quelque soit l’endroit où ils trouveraient de la chair de porc ou dans n’importe quel endroit où ils verraient de la chair de porc, à moins que ces gens ne puissent montrer comment ils avaient obtenu cette chair de porc il fallait les arrêter car c’étaient les gens qui avaient tué le porc et qui avaient fait tout le mal qui avait été fait.

Le conseil du Sénéchal fut acclamé et les soldats envoyés en quartiers libres dans le pays. Une troupe de soldats se présenta devant la maison de la veuve du charpentier où se trouvait Calumm. La veuve du charpentier donna à souper aux soldats et on leur prépara un plat de porc et les soldats mangeaient la chair du porc et en faisaient grand éloge. Après le repas les soldats allèrent s’allonger dans la grange et quand ils furent endormis Calumm sortit et les tua. Puis il courut aussi vite qu’il put de maison en maison, où les soldats étaient en quartier libre, et il répandit parmi les gens des maisons le bruit que les soldats avaient été envoyés dans le pays pour se lever pendant la nuit et tuer les gens dans leurs lits. Et il trouva le moyen de le faire croire aux gens du pays, de sorte que les gens de chaque maison tuèrent tous les soldats qui dormaient dans leurs granges.

Comme les soldats ne rentraient pas à l’heure, une compagnie de gardes royaux partit voir ce qui leur était arrivé et quand ils arrivèrent ils trouvèrent les soldats morts dans les granges où ils avaient dormi. Interrogés, les gens de chaque maison déclarèrent qu’ils ne savaient pas comment les soldats avaient été mis à mort, ni qui l’avait fait.

La compagnie de gardes royaux retourna à la maison du roi et ils racontèrent ce qu’ils avaient vu. Alors le roi envoya chercher le Sénéchal pour lui demander conseil. Le Sénéchal vint et le roi lui raconta ce qu’on lui avait dit et lui demanda conseil. Le Sénéchal conseilla au roi d’organiser un festin et un bal et d’inviter tous les gens du pays. Et si l’homme qui a fait le mal était là il se sentirait si hardi qu’il demanderait à la fille du roi de danser avec lui.

Le peuple a été invité à la fête et à la danse et Calumm vint parmi la foule. Quand le repas fut terminé le bal commença et Calumm demanda à la fille du roi de danser avec lui. Le Sénéchal qui les observait avait une fiole pleine d’encre noire dans sa main et il fit un point noir sur Calumm. En se dirigeant vers le centre de la salle de bal, la fille du roi voulut remettre de l’ordre dans ses cheveux. Quand elle se regarda dans une glace, Calumm regarda la glace lui aussi et il vit le point noir que le Sénéchal lui avait fait. A la fin de la danse Calumm réussit à dérober la fiole du Sénéchal et il fit deux points noirs sur le Sénéchal et un point noir sur vingt autres hommes puis il remit la fiole là où il l’avait trouvée.

Puis Calumm demanda à la fille du roi de danser une autre danse. La fille du roi avait aussi une fiole et elle mit un point noir sur le visage de Calumm, mais Calumm lui déroba sa fiole et comme il y avait désormais deux points noirs sur lui il fit deux points sur vingt autres hommes de la compagnie et quatre points noirs sur le Sénéchal.

A la fin du bal ordre fut donné d’arrêter l’homme sur lequel on trouverait deux points noirs. Quand les gardes royaux regardèrent dans la foule ils trouvèrent vingt hommes sur lesquels il y avait deux points noirs et il y avait quatre points noirs sur le Sénéchal. Calumm profita de la confusion qui s’en suivit pour remettre la fiole dans la poche de la fille du roi.

Le sénéchal et la fille du roi étaient perplexes. Le Sénéchal fouilla sa poche et trouva sa fiole noire. La fille du roi fouilla sa poche et trouva sa fiole noire.

Alors le Sénéchal et le roi tinrent conseil et le dernier conseil que le sénéchal donna fut que le roi déclare que l’homme qui avait fait toutes ses ruses était extrêmement habile et que s’il se livrait il obtiendrait la main de sa fille et la moitié du royaume pendant que le roi serait en vie et tout le royaume après la mort du roi.

Alors tous ceux qui avaient deux points noirs sur le visage sont venus et ont dit que c’était eux qui avaient fait toutes ses choses intelligentes. Le roi et son grand conseil ne savaient pas comment régler l’affaire et ils décidèrent que tous les hommes qui avaient les deux points noirs sur le visage seraient réunis dans une salle dans laquelle on ferait entrer un enfant, que la fille du roi donnerait une pomme à l’enfant, et que celui à qui l’enfant donnerait la pomme serait celui qui aurait la main de la fille du roi.

Quand l’enfant entra dans la chambre où se trouvaient les hommes, il vit Calumm rasé de près et avec un pluvier doré posé sur l’épaule et l’enfant alla lui donner la pomme. Alors on fit sortir l’enfant, on enleva le pluvier doré de la pièce et on plaça Calumn au dernier rang. Puis on rappela le jeune garçon, et la pomme fut de nouveau donnée à l’enfant pour voir à qui il donnerait la pomme ; et l’enfant est retourné là où était Calumn et lui a donné la pomme.

Et c’est ainsi que Calumn a épousé la fille du roi.



Et peu de temps après, la fille du roi et Calumm se promenaient à Baile Clarabh ; et lorsqu’ils traversèrent le pont de Baile Cliabh, Calumm demanda à la fille du roi comment s’appelait cet endroit. La fille du roi lui dit que c’était le pont de Baile Cliabh, et Calumm lui dit :

_ « Bien des fois ma mère m’a dit que je finirai pendu au pont de Baile Cliabh, en Eirinn. Et elle m’a fait cette prophétie bien des fois pour essayer de m’empêcher de lui jouer un tour.

La fille du roi répondit :

_« Eh bien, si tu le veux, nous pouvons lui jouer un dernier tour ; Je vais sortir mon mouchoir, tu n’auras qu’à t’y suspendras pendant que je te tiendrais au dessus du vide. »

La fille du roi se taquinait Calumn et ils plaisantaient à ce sujet

 _ « Décides par toi-même de te suspendre au-dessus du petit mur latéral du pont, je te tiendrai un peu en l’air avec mon mouchoir »

Finalement, Calumm décida de le faire pour s’amuser, la fille du roi sortit son mouchoir de poche, et Calumm monta sur le parapet du pont, attrapa le mouchoir de la fille du roi et se laissa suspendre alors qu’elle le faisait passer par-dessus le petit mur latéral du pont. Et ils riaient l’un de l’autre.

A ce moment la fille du roi entendit un cri :

_ « Le château du roi est en feu ! »

Elle tressaillit et elle perdit la prise sur son mouchoir. Calumm tomba, sa tête heurta une pierre, et sa cervelle se répandit par terre. Et c’est ainsi que Calumn termina sa vie pendu au pont de Baile Cliabh en Eirinn, et que la fille du roi rentra veuve chez son père.