Berwyn et le cercle des fées
Pembrokshire
Collectage Lord of Blackwood
Traduction : Armanel_ Conteur
Un jour, il y a très longtemps de ça, Berwyn, un jeune garçon d'environ douze ans qui vivait à la ferme avait mené le troupeau de moutons de son père sur les pentes des colline des Preseli Mountains, près du village de Crymych, dans le Pembrokeshire. Quand il fut arrivé à la pâture, il y avait encore un peu de brouillard qui restait accroché au sommet de la montagne, et Berwyn essayait de voir d’où était venu ce brouillard car les anciens du village disaient que si le brouillard venait du côté de Pembroke, il ferait beau, mais s’il venait du côté de Cardigan, il ferait mauvais.
Pendant qu' il regardait autour de lui ce paysage tranquille et silencieux où rien ne bougeait jamais, même si le vent soufflait à décorner les boeufs, il sursauta de surprise en apercevant sur les pentes du Grand-Freni, un groupe de gens qu’il croyait bien être des soldats, en train de se mettre en cercle, comme pour faire un exercice militaire. Mais Berwyn qui connaissait bien les habitudes des soldats à force de les voir se déplacer dans la région se dit en lui-même qu’il était trop tôt dans la journée pour que ceux-ci soient déjà arrivés là. Laissant le troupeau de son père brouter tranquillement sous la garde de ses chiens, Berwyn marcha silencieusement en direction de cette troupe car il aimait bien les discussions des soldats qui se racontaient leurs souvenirs de campagne à travers le monde, mais quand il fut assez près, il constata que ce n’étaient pas des soldats qu’il voyait, mais des individus appartenant au peuple des lutins et des fées. qui étaient occupés à danser en rond, sans se soucier de ce qui se passait autour d’eux.
Berwyn avait entendu souvent les vieux du village parler des fées et, lui-même, il avait vu quelquefois les cercles que les “petit êtres” avaient laissées sur l’herbe, le matin, après avoir dansé toute la nuit. Mais il n’en avait jamais rencontré pour de vrai. Sa première idée fut de retourner tout de suite à la maison pour raconter à ses parents ce qu’il avait vu, mais il renonça à ce projet, se disant que les fées risquaient de ne plus être là lorsqu’il reviendrait.
Alors, Berwyn s' approcha prudemment pour les observer de plus près. De toute façon, il savait bien que les “ petit êtres ” ne l’attaqueraient pas car personne au village n'avait jamais raconté avoir été attaqué par ces petits êtres. Non, tout ce qu’il redoutait, c’est qu’ils disparaissent lorsqu’ils se seraient aperçus de la présence d’un être humain. Il avança donc prudemment le long des haies pour mieux se cacher, un peu comme les hérissons, et arriva ainsi sans encombre le plus près possible du cercle. Là, il se tint immobile et ouvrit ses yeux tout grands pour ne rien perdre du spectacle. Berwyn put ainsi voir que, parmi les “petites gens”, il y avait un nombre égal d’hommes et de femmes, et que tous étaient extrêmement élégants et enjoués. Certains étaient en train de danser et quelques-uns se tenaient tranquillement à proximité du cercle, attendant leur tour d’entrer dans la ronde. Certaines femmes chevauchaient de petits poneys blancs fringants. Et ils portaient tous de beaux vêtements de différentes couleurs, et c’est parce que certains d’entre eux portaient des habits rouges que le garçon avait d'abord cru à des soldats.
Berwyn était là, silencieux, en pleine contemplation de ce spectacle inhabituel, quand les “petites gens” le virent. Au lieu de devenir hostiles ou de s’enfuir, ils lui firent signe d’entrer dans le cercle et de se joindre à leurs danses. Berwyn hésita un moment, mais, dès qu’il fut entré dans le cercle des danseurs, il entendit la plus douce et la plus irrésistible musique qu’il ait jamais connue et ses jambes se mirent à danser toutes seules comme si Ron avait été transformé en cabri. Tout à coup, sans rien comprendre à ce qui se passait, il se retrouva au milieu d’une belle demeure avec des murs recouverts de tapisseries de toutes couleurs et des volets en or. Des jeunes filles ravissantes l’accueillirent et le conduisirent, en chantant et en dansant dans une grande salle où des nourritures appétissantes étaient disposées sur une table. Elles invitèrent Berwyn à venir manger, et le garçon habitué aux vieilles pommes de terre au lait au beurre qu'il mangeait tous les jours à la ferme, se régala avec des plats d’une exquise finesse, tous à base de poissons et de venaison. Et on lui donna à boire le meilleur vin qui fût, dans des coupes d’or serties de pierres précieuses.
Berwyn, abasourdi, se croyait au paradis. La musique et le vin le réjouissaient, et la vue de ces jeunes filles empressées autour de lui le ravissait. Alors l’une d’elles lui dit d’un ton aimable mais autoritaire :
- Tu peux rester ici autant que tu veux. Tu danseras et chanteras avec nous jour et nuit et tu auras à manger et à boire tant que tu le désires. Mais il y a une chose que tu ne devras jamais faire : c’est de boire l’eau du puits qui se trouve au milieu du jardin, même si tu as très soif, car alors, tu devrais partir à tout jamais.
Berwyn lui jura qu’il prendrait grand soin à ne pas faire ce qu'on venait de lui interdire. Et quand il fut bien rassasié, les jeunes filles l’emmenèrent danser. Il ne se sentait pas fatigué du tout et se disait capable de s’amuser ainsi durant toute sa vie entière. Jamais jusque là il ne s'était trouvé été à une telle fête, et jamais il n’avait éprouvé une telle joie, un tel bonheur de se trouver au milieu d’un tel luxe , avec des gens élégants et distingués qui le traitaient avec douceur et courtoisie. Il lui arrivait parfois de penser à la ferme, à son troupeau, à ses parents, mais il chassait vite ces images de son esprit pour mieux s’absorber dans la danse et la musique.
Un jour, pourtant, alors qu' il prenait l’air dans le jardin, au milieu des fleurs les plus belles et les plus parfumées du monde, Berwyn s’approcha du puits et se pencha pour voir ce qu’il y avait à l’intérieur et il aperçut, tout au fond une multitude de poissons d'or et d'argent qui frétillaient et qui renvoyaient vers lui la lumière du soleil. Alors, il ne put résister à la tentation : il tendit son bras et sa main droite toucha la surface de l’eau.
Aussitôt, les poissons disparurent et un cri strident se répandit à travers le jardin et la demeure. La terre se mit à trembler brusquement et le garçon se retrouva, évanoui, au milieu de son troupeau, sur la pente du Petit-Freni. Il y avait toujours la brume au sommet de la montagne, mais le garçon eut beau chercher partout, il ne put découvrir aucune trace du cercle, aucune trace du puits ni de la demeure des fées. Il était seul sur la montagne, et ses moutons paissaient paisiblement comme si rien ne s’était passé.
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