Anne
Dieuleveut
(Dieu le veut)
Armanel - conteur
Pirates
Le
mot pirate vient du latin pirata «chercheur de fortune ».
Autrefois,
les pirates étaient considérés presque comme des des super héros
« diaboliques» de la mer. En effets ils pillaient des
navires et ils attaquaient aussi des villes côtières.
Les
pirates pouvaient s’acheter un brevet de bonne conduite en devenant
«corsaire » et faire la guerre aux navires ennemis.
Anne
Dieu-le-veut est une femme intrépide qui a fait partie de ces
pirates.
Il est difficile de savoir ce qui est vrai à son sujet. On pense qu'elle débarque à l’Île de la Tortue quand le Gouverneur Bertrand d'Ogeron de la Bouëre, tente de "stabiliser" la population de flibustiers en y faisant venir des femmes. Ces femmes ne sont pas toutes de "fraiches et innocentes jeunes filles" et certaines d’entre-elles ont laissé derrière elles en Europe un passé chargé.
Je vais tenter de dresser une biographie la plus réaliste possible car il est très difficile de dénouer le mythe de la réalité historique…
L’île de la Tortue
L’île de la Tortue qui a fait rêver des générations d’enfants avec ses histoires de et de flibustiers a été découverte par Christophe Proche de Saint-Domingue et des voies de navigation entre l’Europe et les Amériques, dotée de nombreuses anses abritées à l’ouest qui favorisent les mouillages et à l’abri des ouragans elle fut longtemps exploitées par les Espagnols qui la quittèrent au début du XVIIe siècle. A cette époque les Anglais, les Néerlandais et les Français voulaient s’accaparer une partie des profits venant des Antilles et l’Amérique Centrale, et la solution choisie fut la flibuste afin de piller le commerce espagnol.
Le flibustier était un robuste marin entre le pirate hors la loi et le corsaire engagé par les autorités royales. Ils s’enrichissaient facilement et vivaient comme des rois grâce de courts raids sur les navires esseulés des flottes espagnoles sur le retour vers l’Europe.
Enhardis par leurs succès, les flibustiers planifièrent même des raids sur des villes côtières dans le but de les mettre à sac et d’emmener des otages échangés ensuite contre fortes rançons ou vendus comme esclaves.
Les boucaniers vivaient de la chasse du bœuf ou du cochon sauvage apportés par les premiers espagnols qui s’étaient bien adaptés et se mirent à pulluler. Ils fumaient la viande qu’ils vendaient ensuite aux flibustiers.
Lorsque les Espagnols les expulsèrent avec les flibustiers de l’île de la Tortue, ils se réfugièrent sur Hispaniola (qui devint pour moitié Saint-Domingue puis Haïti, l’autre moitié restant aux Espagnols jusqu’à la création de la République Dominicaine).
Les boucaniers et les flibustiers étaient des marins déserteurs, des naufragés, d’anciens colons, des prisonniers de raids devenus esclaves ayant racheté leur liberté, des huguenots fuyant les persécutions religieuses … Un flibustier pouvait être un temps boucanier et vice-versa. Ils mirent sur pied une organisation appelée les frères de la Côte.
Ils furent reconnus par la France en 1665 ; Louis XIV nomma Bertrand d’ Ogeron gouverneur “de l’isle de la Tortue et Coste Saint Domingue“. Ce fut le début de la colonisation de Saint-Domingue. Petit à petit, les gouverneurs désarmèrent les flibustiers et boucaniers pour développer les plantations de sucre, faisant ainsi la richesse de l’île à partir du début du XVIIIè siècle.
Anne Dieu-le-Veut
Anne
Dieu-le-Veut est un personnage réel, cependant nombre de ses
exploits sont des inventions d'écrivains ultérieurs.
Anne
Dieu-le-veut (Marie-Anne ou Marianne) est née le 26 août
1661 à Gourin (Bretagne) et décédée le 11
janvier 1710 àCap Français (Haïti).
*Gourin :
Située sur le flanc sud de la chaîne des Montagnes Noires.
La langue utilisée était le breton cornouaillais jusqu'au basculement linguistique vers le français (dans les années 1950).
Donc Anne ou Anne Marie Dieuleveult est née à Gourin en Bretagne le 28 août 1661 sous le prénom Marie, fille de Guillaume notable, Sieur de Beauvais, et de Renée du Bothon ; et petite-fille de René de Bothon écuyer, seigneur du Stangier.
Ses parents eurent aussi une “Maris Anne” Dieuleveult baptisée le 2 juillet 1654 à Carhaix-Plouguer. (Certains généalogistes pensent que c’est plutôt cette dernière qui est la célèbre flibustière.)
Elle avait également deux frères: Jean né aussi à Carhaix(29) le 18/02/1656 et Thomas né à Langonnet(56) vers 1664.
Vers 1684, Anne épouse Pierre Le Long écuyer, (soit au Cap à Saint Domingue, soit en Bretagne). Cela ouvre le champ des probabilités sur sa vie car si le mariage a été célébré en Bretagne c’est dans le cadre d’un retour en métropole d’un homme ayant fait fortune aux Antilles et cherchant à réaliser un beau mariage avec une jeune femme de petite noblesse. Mais si le mariage a eu lieu aux Antilles, deux possibilités s’offrent à nous :
- soit Anne a eu une jeunesse dissolue, et la France l’a envoyée aux îles comme fille de mauvaise vie,
- soit Anne était une de ces “filles du Roy” de bonne famille que d’Ogeron fit venir avec une petite dot, pour aider au peuplement de Saint-Domingue.
Pour peupler ces nouveaux territoires plein de promesses (Nouvelle-France, Mississipi, Caraïbes…) la Couronne de France n’a aucun scrupule à expédier des jeunes femmes par bateaux entiers, Filles du Roy ou filles de "mauvaise vie".
Au milieu du XVIIème siècle, dans certains de ces territoires, on compte six colons en âge de se marier pour une seule femme blanche.
Afin de réduire ce déséquilibre et d'assurer le peuplement des colonies, Louis XIV subventionne le passage de jeunes femmes vers la Nouvelle-France. Parfois, il leur accorde une dot de 50 livres destinée à faciliter leur mariage. Ces fille ne sont pas forcément des prostituées mais bien souvent des orphelines élevées à l'Hôpital général de Paris.
En Louisiane, on fait aussi appel aux Filles du Roy à l'époque de la Compagnie d'Occident : 120 jeunes femmes volontaires sont ainsi transportées entre 1719 et 1721.
Il ne faut pas les confondre les Filles du Roy avec les femmes de mauvaise vie " déportées sur le Mississippi et dans les Caraïbes à la même époque : La plupart de ces femmes étaient enfermées à la Salpêtrière pour mendicité, vagabondage, prostitution ou crimes. L’une, d’entre elles nommée Marie-Anne Lescau a inspiré l'abbé Prévost pour l'héroïne de son roman : Manon Lescaut.
Pierre Lelong
Pierre Lelong, « dit la Taille », originaire de Morlaix, était flibustier sur l’Île de la Tortue qu’il quitta en 1670, avec douze autres boucaniers et flibustiers pour créer le quartier du Cap à St Domingue. Il s’est enrichi et est devenu un des plus grands propriétaires à la petite Anse sur la rive droite de la rivière du Haut-du-Cap grâce à la culture du coton et du manioc.
Par ordre royal, il a été nommé premier commandant de ce quartier.
On le disait “patient, tenace et énergique” et “généreux envers les humbles“. Il était le propriétaire de trois plantations lors de son mariage avec Anne Dieuleveult, et donc un très beau parti.
En février 1688, à Morlaix en Bretagne, Anne regagne sa Bretagne natale et donne naissance à sa fille, Marie-Marguerite Yvonne Lelong. Pierre LeLong écuyer est noté : “estant à présent aux isles de la Mérique”.
Pierre Lelong serait mort le 15 juillet 1690 au cours d’une rixe dans une taverne avec le flibustier hollandais Laurens de Graff à Saint-Domingue.
Joseph Cherel
Anne Dieuleveult épousa l’année suivante Joseph Cherel, boucanier, dont elle eut un fils Jean-François en 1692. Joseph décéda en juin 1693, parait-il encore une fois dans une rixe !
Laurent de Graaf
Anne est deux fois veuve et mère de deux enfants…
Quelques temps après la mort de Joseph Cherel, elle croise le chemin de Laurent-Corneille Baldran dit de Graaf , l’homme qui avait tué son mari Pierre LeLong trois ans auparavant :
Anne apprend que le célèbre Laurent de Graaf aurait dit des "grossièretés" à son sujet au cours d'une beuverie.
S’estimant insultée elle va trouver de Graaf qui cuve son vin dans une taverne. Elle le réveille à coups de pieds et le provoque en duel. Laurent tire son sabre, mais Anne Dieu-le-Veut le désarme d'un coup de pistolet. Abasourdi, Laurent reprend ses esprits et ses réflexes de gentilhomme et soutient que son éducation lui interdit de se battre contre une femme.
Anne lui répond :
_"Si vous ne m'avez pas rejoint sur la place à midi, c’est moi qui viendrai vous chercher et vous verrez comment une femme peut vous fendre le crâne".
L'heure venue, Laurent de Graaf lui fait des excuses et la demande en mariage, affirmant qu'elle lui fera une digne compagne.
Laurent de Graff, né en 1653 à Dordrecht, dans les Provinces-Uniesest gentilhomme hollandais devenu flibustier et corsaire (il a pris la nationalité française en 1685) dans la mer des Antilles, avant de participer à la défense de Cap-Français (actuellement Cap-Haïtien) dont il avait la charge. Mais il ne put empêcher les Espagnols soutenus par les Anglais de prendre la place.
En 1693,il obtient l'annulation de son premier mariage avec Pétruline Gusman.
.Anne et Laurens de Graaf se sont mariés le 28 juillet 1693 et s'installent à La Tortue ( Saint Domingue) De son mariage, elle a eu deux enfants, une fille, Marie Catherine de Graff (1694-1743) et un fils dqui n’a vécu que 5 ans (1700-1705).
Anne Dieu-le-veut accompagne Laurent de Graff en mer.
Elle ne dissimule pas son sexe à la différence d'autres figures féminines de la piraterie telles que Mary Read ou Anne Bonny. L'équipage en avait fait une mascotte et lui réservait même une part de butin.
Brave, dure et implacable, elle participe activement à la vie à bord, au commandement et aux combats aux côtés de son mari.
Il semblerait que c’est à partir de cette époque qu’elle devient connue sous le surnom de « Anne Dieu-le-veut ».
En 1693, suite à une série d’incursions victorieuses en Jamaïque anglaise Laurens de Graaf est promus chevalier. Deux ans plus tard les Britanniques attaquent Port-de-Paix à Saint-Domingue, mettent la ville à sac et capturent Anne et ses enfants. D’après les récits de l’époque, Anne fut une « Captive difficile » et sera retenue otage pendant trois ans avec ses enfants. Ils ne sont libérés qu’à la suite de nombreuses démarches de la France en 1698.
Sa libération est la dernière mention connue de son nom.
Le 11 janvier 1710, âgée de 48 ans, Anne Dieu-le-veut meurt à Cap Français.
Sa fille, Marie Catherine de Graff, est connue pour avoir défié en duel un homme trop insistant. Elle le provoque en duel et le tue pour bien se faire comprendre !
En réalité ;
Peu de documents mentionnent Anne comme flibustière.
Nous savons qu’elle s’est mariée au Cap le 23 mars 1693 avec le flibustier Laurent Baldran de Graff, et s’est établie avec lui à La Tortue. Et qu’en 1695, lors de l’invasion anglo-espagnole elle a été capturée avec ses enfants et resta prisonnière pendant trois ans dans la ville de Saint-Domingue.
Elle aurait été une captive difficile d’après les récits de l’époque.
Il faudra plusieurs interventions de la France, notamment de Ducasse le 26 novembre 1699, et de Monsieur d’Harcourt le 16 septembre 1698 qui ont interjeté auprès des Espagnols, pour que bien après la paix, elle soit libérée avec sa progéniture.
On sait qu’après le décès de De Graff, le 24 mai 1704, elle et ses enfants entrèrent en possession de la succession le 9 décembre 1705.
Pour faire valoir ses droits, elle demanda l’exécution d’un arrêt la maintenant dans la possession de ses biens le 19 mai 1706. Une de ses filles fut en négociation financière difficile avec elle entre 1706 et 1707, lui réclamant 400 barils de sucre.
La dernière fois que l’on entendit parler d’elle ce fut en 1708 lors d’une querelle de rue à Saint-Domingue où pour une question d’argent assez minime elle attaqua à coup de balai le chevalier de Gallifet et le traitant de “chien“, de “rouge“, (insulte locale désignant les premiers habitants de l’île). Il riposta à coup de canne, et il est dit que la bagarre resta indécise… Est-ce vraiment pour une histoire d’argent ? car en 1697 Joseph Donon de Galliffet remplaça de Graff comme commandant du Cap. Marie-Anne Dieuleveut décéda le 12 janvier 1710 à Saint-Domingue.
Était-ce réellement une flibustière ? Elle a pu accompagner son époux une ou deux fois pour quelques courses au large.
Son caractère sembla c’est sûr très trempé !
Descendance
- avec Pierre Lelong : Marie Marguerite Yvonne Lelong (1688-1774)
- avec Joseph Chérel : Jean-François Chérel (1692-1732)
- avec Laurent-Corneille Baldran de Graff : Marie Catherine de Graff (1694-1743)
un fils mort en bas âge (1700-~1705)
Avec Pierre Lelong
Marie Marguerite Lelong ondoyée le 16 février 1688 à Morlaix, baptisée en mars 1688 paroisse Saint Mélaine. Son parrain était Yves Seigneur marquis de Goesbriand, maréchal des camps et armées du Roi, gouverneur au château du Taureau.
Elle épousa Alexis-Louis de Saint-Hermine enseigne de vaisseau né à Sireuil en Angoumois le premier décembre 1704 au Cap-Français après un contrat de mariage du 26 novembre 1704 lui donnant une dot de 40 000 écus,
Revenant de Saint-Domingue avec sa jeune femme sur la Thétis commandée par le Chevalier de Saujon, il fut tué le 25 février 1705 lors du combat navale engagé lors de l’attaque par le HMS Exeter près des côtes Anglaises.
Marie Marguerite (sa veuve) blessée, fut faite prisonnière des Anglais et emmenée à Plymouth. Elle fut échangée quelques mois plus tard contre des prisonniers anglais et arriva à La Rochelle.
Elle se remaria avec Balthazar le Silleur de Sougé, lieutenant de vaisseau, capitaine d’une compagnie franche du détachement de la Marine à Rochefort, chevalier de Saint-Louis.
Le 8 mai 1707 Balthazar Le Silleur demanda l’autorisation au ministre de la Marine de partir pour Saint-Domingue régler les affaires de sa femme. C’est-à-dire récupérer la dot reçue de son premier mariage avec de Saint-Hermine le 30 juin 1706. ll est écrit : “Le Roy ayant bien voulu accorder à Mme de Saint-Hermine une préférence pour le chargement de 3 à 400 barils de sucre que la dame de Graff sa mère doit lui envoyer pour aider à la dédommager de la perte qu’elle a subie par la prise de La Thétis”. Le 25 mai 1707, le Roi, ayant reçu la lettre du Sieur de Sougé du 8, évoque “les soupçons peut-être un peu trop justes que vous avez sur les intentions de Mme de Graffe à votre égard et la nécessité où vous êtes de passer à Saint-Domingue pour régler vos intérêts avec elle”. En novembre 1710 M. de Sougé était de nouveau à Saint-Domingue “pour les affaires de la succession de feu Mme de Graffe” . Le procès “de M. de Sougé avec les enfants de Madame de Graffe” semble se terminer en 1712.
Balthazar Louis Le Silleur mourut le 16 février 1713 au Cap Français . Mais en 1730 sa veuve née Lelong se plaignit du fait de ne pas obtenir les bénéfices situés à Saint-Domingue de son héritage paternel. En effet “ses frère et sœur de mère en jouissent à sa place alors qu’en son temps sa mère et ses demi frère et sœur avait perdu le procès”. La dernière trace de cette succession plus que compliquée est un arrêt du 19 novembre 1732, qui “casse et annule l’ordonnance rendue par les gouverneur et intendant de Saint-Domingue le 6 juin 1732 en faveur du sieur Dutot et de sa femme, Marie Catherine de Graffe, contre Marie Marguerite Yvonne Le Long, veuve en premières noces d’Alexis de Sainte-Hermine et en secondes de Balthazar Louis Le Filleur de Sougé, pour fait d’hérédité, et qui renvoie les parties à se pourvoir ainsi que de droit.”
Avec Joseph Cherel :
Jean François Cherel, qui décéda avant 1732 en laissant un fils unique mineur.
Avec Laurent Baldran du Graff :
Catherine née en mai 1694 au Cap Français.
D’après sa demi-sœur, Catherine eut une vie dissolue.
Plusieurs témoignages de l’époque disent : “Sa fille, digne héritière, restera connue pour avoir défié un homme en duel” , “La fille d’Anne de Dieu-le-Veult valait sa mère ; elle provoqua en duel un jeune homme dont elle n’agréait pas la cour” :
” Après 1710 Mme de Songé expose au ministre que sa mère étant morte en cette année avait confié sa seconde fille à Mme de Charrite, femme du commandant du quartier du Cap. Mais la jeune fille n’a point voulu aller avec sa protectrice, et a pris une maison dans le bourg du Cap où elle fait dépense considérable avec gens de mauvais commerce” .
Sa demi-sœur demanda une lettre de cachet pour faire revenir sa sœur cadette en France !
Deux courriers attestent cette demande.
Le premier est une lettre du Roi : “A monsieur Mithon au sujet de la conduite tenue au Cap Français par mademoiselle de Graff et de son éventuel retour en France auprès de sa sœur madame de Sougé” ;
Le second courier : “A monsieur de Beauharnais sur le même sujet “(6 février 1711).
Catherine du Graff épousa le 27 décembre 1711 au Cap Abraham de Beaunay, seigneur du Tot, noble normand juste arrivé sur Saint-Domingue pour créer une affaire de commerce. Ils habitèrent au “Morne Pelé“. Ils eurent deux fils dont Abraham lieutenant de la Compagnie d’infanterie de l’île, major au Cap, capitaine de frégate et chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Veuve en 1736, Catherine meurt en 1762.